Lors de la dernière Université d'été du MEDEF, le groupe Malakoff Médéric, institution d’assurance complémentaire maladie, a interrogé 7 dirigeants d'entreprises en leur demandant quelles seraient les particularités du dirigeant de demain(1). Ceux-ci ont mis en avant son caractère humaniste, proche des attentes de son personnel, bienveillant. Trop d'attention a été porté sur la financiarisation au détriment du bien-être de ceux qui réalisent la valeur ajoutée et le profit qui en découle. Il doit être également responsable aussi des impacts sociaux et environnementaux, et pas seulement financiers.
Alfonso Caycedo est le concepteur dans les années 1960 d'une approche thérapeutique neuropsychiatrique qu'il appelle sophrologie comme étant « l'étude de la conscience humaine et des valeurs existentielles de l'être ». Ce néologisme de racines grecques pouvant s’entendre comme une connaissance (logos) de l'esprit (phronésis) sain/harmonieux (sos). La sophrologie utilise la respiration, la relaxation dynamique et la visualisation pour ressentir ce qui est dans le corps physique. Elle laisser surgir par la visualisation, l'image d'un lieu, d'une chose, d'une situation pour y trouver des sensations positives. Elle permet d'améliorer, de transformer des situations pour les ressentir positivement. La sophrologie ne s'attaque pas de front aux émotions (peurs, etc) mais installe plutôt un nouveau regard par un élargissement de la conscience. Florence Legouge est une professionnelle indépendante qui après une carrière variée est devenue sophrologue. Elle aimerait intervenir dans les entreprises pour des initiations à la sophrologie, mais il se pose pour elle plusieurs difficultés : elle doit se faire connaître des entreprises, les persuader de l'intérêt pour elles de sa démarche, et atteindre cette disruption qu'est la passation d'une commande entraînant la réalisation de la prestation. Le premier problème est donc la réputation, le second le discours délibératif, et le troisième une entéléchie car la puissance du discours doit se transformer en acte. La réputation se définit comme une opinion, une honorabilité, et une notoriété. Il faut donc que la réalité que l'on est, en tant qu'individu perçu comme étant une personne, soit connue et comprise comme vertueuse, d'une façon claire et intelligible afin de ne pas provoquer de fausses opinions. Il faut donc effectuer un travail de communication axé sur les potentielles croyances préjudiciables, les identifier, s'informer des opinions couramment admises comme vraies. Or si notre vertu professionnelle contrevient aux idées courantes parce qu'elle est trop novatrice, cette démarche publicitaire peut être très longue. La vie n'a pas suffit à Caycedo pour que sa pratique soit largement adoptée, ce sont ses disciples qui y parviennent. Florence Legouge doit donc s'appuyer sur les jugements qui ont déjà été émis pour servir de précédents aux jugements de son auditoire. Ensuite pour que son discours puisse être persuasif, il est nécessaire qu'au delà de ses arguments solides et si possible irréfutables, elle mette en avant son ethos et qu'elle suscite un pathos, qui soit de l'envie qui découle sur de l'ardeur et non de l'indignation. Cet ethos doit refléter sa bienveillance, ses vertus morales et intellectuelles, et sa compétence professionnelle. Quant au pathos, pour qu'il soit de l'envie, Florence Legouge doit apparaître comme étant en compétition avec ses auditeurs dans le domaine de la recherche de bien-être, d'équilibre physique et psychique : elle y est arrivée mieux qu'eux, et c'est précisément cette manière de faire des missionnaires catholiques en Afrique, telle que l'on me l'a expliqué. Il ne faut pas faire de prosélytisme mais simplement se montrer en exemple. L'âme est le mot désignant l'animation d'un corps qui devient vivant grâce à sa psyché. Celle-ci a besoin d'être incarnée pour être capable de ressentis. L'esprit est le souffle vital. Il est donc crucial qu'ils soient alignés, que les puissances de vie et de rationalité se rejoignent. Sans cela point de liens possibles avec la société, sa civilisation, où nous sommes tous des vivants fait d'un corps et d'une âme. Or travaillant de plus en plus avec des outils numériques, à l'âme sans éthique, dans un corps électronique qui ne ressent rien, il est facile de se mettre à leur ressembler, à devenir un homme-ordinateur comme il fut des hommes-machine. Cet alignement sophrologique rejoint alors cette « digital detox » que l'on s'est mise à exiger en imposant des périodes de repos déconnectés. Car on attire ce que l'on est, ou ce que l'on devient. Qui se ressemble s'assemble. L'ami est aussi un miroir qui permet d’apercevoir à quoi nous pouvons ressembler à d'autres yeux que les nôtres. Nous pouvons ainsi présumer de dysfonctionnements qu'une thérapie peut corriger, et nous amener à de nouveaux amis. Or il doit exister une certaine forme d'amitié dans les entreprises afin de coopérer sans la tension d'une inimitié ruinant les rapports humains entre collaborateurs. Mais l'amitié n'est pas juste avoir un but commun, il faut aussi que les âmes s'accordent, comme les organes d'un corps vivant où aucune chamaille n’entache le bon fonctionnement de l'ensemble. Il faut donc bien que tout cela puisse s'aligner avec confort, et comment le faire sans alignement préalable de soi-même ? Il nous semble, selon cette analyse, que la sophrologie apparaît comme un facteur favorisant la prospérité d'une entreprise. Que son usage intéresse aussi bien des fonctions exécutrices que directrices, car ne faut-il pas qu'elles coopèrent ensemble efficacement ? Il est également fréquent qu'à force d'être dans la direction on en oublie une certaine humanité par son éloignement du terrain : on se désincarne, telle une âme devenant pur esprit. Mais de toutes les directions qui pilotent une société, laquelle réagira la première ? Cela sera t'il la Direction Générale, les Ressources Humaines, ou les partenaires sociaux ? D'où viendra cette idée que de pouvoir se faire de nouveaux amis, de nouvelles parties prenantes, il pourra en déboucher un travail meilleur par un esprit apaisé d'avoir opéré une réunion et un alignement avec son corps physique ? Car chacun peut le constater : lorsqu'on se sent mal, que l'on souffre, la qualité du travail que l'on produit s'en ressent. C'est simplement parce que la souffrance distrait de la concentration qui est nécessaire à l'accomplissement de tâches. On commet davantage d'erreurs, et c'est humain. En entrant en soi-même, la sophrologie permet de prendre momentanément une distance avec son environnement, un recul pour mieux l'appréhender ensuite, un bien-être de l'esprit qui revigore.
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Changeant un peu du format habituel, ce sujet a été proposé par Pascal Eyries qui dans son travail de formateur aux risques d'accidents du travail a besoin d'expliquer aux manager les mécanismes de la vigilance. Si cette problématique semble avoir été étudiée par l’éthologie (survie de l'individu), la psychologie (processus), et la neurologie (capacité), elle ne semble pas avoir fait l'attention de philosophes pour ce que nous en savons. Nous sommes donc partis d'une approche empirique en songeant aux activités que nous avions menés qui comprenaient un facteur de risque et des dangers. Nous avons chacun une perception du monde qui nous est propre, qui dépend de l'attention que nous portons aux choses, et aussi des émotions qui nous portent, de nos humeurs. Nous en développons des réflexes qui nous sont propres, en l'absence d'un entraînement collectif à certaines situations. Le risque est un facteur statistique en terme de fréquence et de gravité, tandis que le danger est identifiable et avéré. Conduire avec un véhicule sur la route est dangereux et ce danger augmente avec la vitesse tandis que le risque d'accident croît avec l'alcool. Si on apporte la même vigilance sur l'autoroute que sur une départementale c'est qu'on ne se rend pas compte que le danger a considérablement augmenté malgré la meilleure qualité de chaussée et la quasi disparition du risque de choc frontal. Dans l'absolu la réalité nous est inaccessible (cf. Henri Maldiney), nous n'en avons que des visions partielles, avec nos sens ou avec l'aide d'instruments, multiples, qu'il convient de recouper pour mieux concevoir ce qu'est peut-être cette réalité. Développer ses sens, sa sensibilité, améliore la capacité de vigilance. Mais accroître son intelligence émotionnelle y contribue aussi pour analyser ses peurs et ses confiances, les unes et les autres pouvant être trompeuses, trop angoisser ou au contraire se relâcher à tort. Car il est connu que le développement de la maîtrise de la situation, par un entraînement continuel, diminue les risques pour le débutant, mais les augmente pour le chevronné qui devient ancien. Or le chevronné tend à affronter des dangers bien plus grand que le débutant. Et puis il y aussi le cas de l’Événement Non Souhaité (ENS), celui dont personne n'avait pu présager qu'il pourrait se produire un jour, et resterait peut-être unique, jamais répété, tel la création de l'Univers, un imprévu total. La vigilance est une attention, l'ouverture de ses sens, qui procède de l'éveil, comme le Christ ressuscité. C'est une affection spirituelle dans le corps de chair, ce qui fait qu'un robot, une intelligence artificielle ne peut être vigilante, elle ne peut que veiller. De cela nous tirons qu'il y a une part d'irrationalité dans la vigilance, ce n'est pas que calcul, c'est davantage de la raison, la capacité de distinguer le bien du mal. Nous avons alors relié la vigilance aux théories d'Aristote au sujet de l'ethos et de son mode d'être, car celui-ci voit la peur et l’assurance comme l'imaginaire d'une souffrance à venir mais qui n'est pas encore venue : A la base nous avons une personne qui se caractérise par un âge d'où découle un courage téméraire dans sa jeunesse qui s'amenuise pour devenir de la lâcheté lorsqu'elle devient vieille, et qui fait preuve d'une certaine fortune en terme de pouvoirs (richesse ou puissance) dont elle dispose et en terme de chance dans la vie, bénie des dieux, ou pas. Elle a également un certain degré de moralité selon les passions qui l'animent : la pitié, la responsabilité, la bienveillance, l'amour de l'autre, etc. Selon son éducation elle a eu accès à un certain niveau d'intelligence des choses, tant dans leur connaissance (informations) que dans leur compréhension. Cette vertu intellectuelle est ce qui forme sa sagesse, sa science qui adjointe à sa capacité de raisonnement lui permet de délibérer sur ce qu'il convient de faire, et de raisonner ses envies, ses désirs. Car la personne attentive est alerte et prudente, c'est un gardien, une sentinelle, elle doit le faire avec soin. D'autre part, tout comme la confiance dans les propos d'un orateur se base sur sa sagesse pratique (phronesis) qui est une forme de prudence, ses vertus (en tant que capacités), et son évnoia (εύνοια) que nous traduirons ici tant par la bienveillance que la bienfaisance, nous pouvons présumer qu'une personne, comme l'aurait peut-être dit Paul Ricoeur, peut se voir elle-même comme un autre dans son ipséité selon ces trois axes. Car n'est-ce pas finalement ce qui fait que l'on a confiance en soi : de se sentir sage, en capacité, et d'être dans la bonté de ses actes ? Les filtres perceptifs que nous appliquons sur la réalité nous font ignorer des risques, et c'est la vigilance qui permet de percer cette ignorance. L'engagement relève de la psychologie humaine[1].
Nous posons alors comme thèse que le degré de vigilance d'une personne par rapport à un risque, hors variations dues à la fatigue ou aux distractions, relève autant de l'intelligence qu'elle a de ce risque que de sa confiance en elle, voire aussi de la confiance qu'on lui accorde en terme de responsabilité. Et que sa vision, perception du danger, est pour parties rationnelle et irrationnelle. Mais nous ne sommes pas certain que lui ôter toute dimension irrationnelle serait opportun car cela pourrait diminuer ses peurs, donc ses niveaux d'hormones du stress qui sont facteurs d'attention. [1]www.psychologie-sociale.com/index.php/fr/theories/influence/10-theorie-de-l-engagement-et-de-la-dissonance Il est ardu de traiter ce sujet complexe en 2 heures d'atelier et 1000 mots de compte-rendu. Des renseignements complémentaires ont dû être collectés pour documenter l'aspect de la procédure de reconnaissance de maladie professionnelle (MP) ou accident du travail (AT). Nous sommes partis d'un récit où la victime questionne la société que ses 75 jours d'ITT (Interruption de Travail Temporaire) n'aient pas pour conséquence la poursuite des gens l'ayant rendu malade. Nous avons aussi évoqué des récits d'ostracisme sur soupçon de favoritisme, de cas de xénophobie discriminante (racisme), et aussi celui d'une femme trop belle pour qu'on lui reconnaisse ses compétences professionnelles.
Notre âme, psyché, est capable de résister à des agressions et du stress mais avec des limites qui sont propres à chacun, et qui provoquent son usure, son cabossage. La particularité de cet « organe » qu'est notre âme est que sa souffrance est indétectable par un instrument objectif, que cette souffrance semble incompréhensible à la victime, et lui fait perdre son discernement. Elle ne peut donc se relier immédiatement à ce qui cause son trouble, d'autant que celui-ci est généralement le fait d'autres personnes, ce qui fait rapidement rentrer les RPS dans un champ pénal, le besoin de réparation d'une injustice, de châtier les fautifs. Si en plus le fautif de stress, violences, ou harcèlement se trouve être le manager de la victime, celui-ci représente directement la responsabilité de l'employeur, qui en devient justiciable. Si une tendance est à la sensibilisation des employés aux phénomènes émotionnels, très peu est fait pour sensibiliser les employés aux RPS, aux troubles de l'âme dus aux interactions avec ces congénères sociaux que sont les humains avec lesquels on travaille au quotidien. Ainsi le Document Unique qui liste les risques encourus par un salarié ne lui est pas présenté lors d'un entretien d'embauche. Il n'est pas informé de ce qui l'attend, cela sera une surprise. Et ce risque d'être usé, miné par son emploi questionne la notion de « propriété » du travailleur car il est soumis à un usus et fructus par contrat, mais aussi à un abusus consécutif à ses conditions de travail. Un phénomène de rupture se produit lorsque les contraintes de l'environnement dépassent les ressources du travailleur en terme de résistance psychique. Mais son tourment ne fait que commencer car cette victime pourra être soupçonnée de mauvaise foi, d'intentions parasitaires, et on tendra à dénier sa souffrance. Alors qu'il peut être objectivement établi, pourvu que tout le monde accepte ce parler vrai dont Aristote faisait une vertu, que la victime soit dans un contexte dévalorisant, frustrant, épuisant, déshonorant. On arrive vite à la définition de la dignité [1] comme étant le respect de la personne qui ne doit pas être traitée comme un moyen, et du besoin de fraternité dans l'entreprise. L'acteur clé dans cette situation, celui qui joue le rôle d'un « Judas » est le médecin qui soulage la victime de sa maltraitance en lui prescrivant un arrêt de travail, et juge que sa perte de santé est causée par les conditions d'emploi du patient, qu'il relate dans un Certificat Médical Initial (CMI). Au lieu d'être traité par la CNAM, cet arrêt devient géré par la CARSAT qui va dépêcher une enquête pour savoir si l'employeur doit être condamné à payer pour ces frais de santé, dont une pension éventuelle. Il va sans dire que celui-ci, porté à la mesquinerie pour des questions de rigueur budgétaire, n'y est pas enclin avec joie. Il y a souvent retournement de la situation pour présumer la victime chicanière ou malveillante. Quant aux burn-out et bore-out ils sont le fait d'un « assèchement émotionnel » qui conduisent à une asocialité par repli sur soi, de survivre en s'isolant de la société. Si celui-ci dure trop longtemps la victime se retrouvera en situation de précarité du fait de son nécessaire licenciement pour inaptitude. En plus de soins et de repos, il lui faudra prendre un avocat pour se défendre, comme une double peine. Il est donc indispensable d'archiver des preuves dès qu'on remarque l'apparition d'un besoin de résistance à une pression psychique. Les entreprises qui ont un devoir de protection de leur personnel s'en prémunissent par la mise en place de codes de déontologie pour réguler les facteurs de risque que sont les autres collaborateurs et l'organisation. Mais il y a peu de campagnes de sensibilisation tant que des décès ne surviennent pas, pour autant qu'ils aient lieu dans l'enceinte de l'entreprise. Le salarié mélancolique a donc intérêt à bien choisir le lieu où il met fin à ses jours, comme une sorte de sacrifice ultime, en y ajoutant un courrier d'intention, testament si possible validé par un notaire pour éviter sa contestation. Ce qui est étrange est le manque d'implication de la Médecine du Travail (MT) qui n'est consultée qu'à l'issue d'une ITT de plus de 6 mois, pour juger de l'aptitude du travailleur – que l'on estime guéri – à reprendre son emploi. En effet la MT a connaissance de ses conditions d'emploi, peut consulter son Document Unique, et demander des aménagements de poste, ce qui devient compliqué lorsque l'aménagement porte sur l'attitude des collègues à son égard. Il semblerait donc logique qu'il y ait un échange entre le médecin-traitant et la MT pour décider de l'opportunité d'établir un CMI. Ces deux médecins ne seraient plus seuls avec leur patient pour réagir et agir. De notre atelier réflexif découle des questionnements qui suggèrent des besoins d'une meilleure législation pour encadrer ce type de maladies professionnelles, dans lesquelles les DRH et la CARSAT se retrouvent à enquêter comme Agatha Christie pour établir qui doit couvrir les frais de soins ou d'obsèques. Ne pourrait-t'on pas simplement provisionner comptablement ces coûts avec le travail d'analyse d'un actuaire ? Un peu comme l'armée admettait un risque (5%) que les recrues du service militaire soient victimes d'aléas funestes, malgré les précautions prises pour les en prémunir. Au lieu de s'évertuer à vouloir un « risque zéro » avec la même ferveur que l'état fantasme à l'idée de n'avoir aucun mort sur les routes, pourquoi ne pas s'assurer contre les risques psycho-sociaux ? [1] http://www.un.org/fr/universal-declaration-human-rights/ Tout comme la métaphysique est une discipline qui tente d’expliquer avec rationalité les raisons des faits de la physique, dans cet atelier dont le thème était la coopération contre la compétition, il peut être utile de montrer quelle méta-coopération nous avons employée. Olivier F., polytechnicien, observe la société pour y détecter quelles valeurs y émergent, Patricia J., docteur en virologie, est spécialiste de la marketisation d’innovations médicales, comment une valeur peut atteindre son marché, Olivier L., universitaire spécialiste de logistique et d’achats, de transversalité du management, connaît les techniques de conversion d’un marché en usagers, et Guillaume R., expert en analyse des systèmes de gestion, s’en fait leur rapporteur. Nous sommes donc comme 4 éléments complémentaires d’une roue pouvant tourner, s’articuler, pour permettre une prospérité de nos idées plus efficaces qu’en tentant chacun dans notre coin d’en faire commerce. Et représentant pour notre auditoire une capacité de fournir des points de vues se complétant pour y chercher une quintessence, qui va constituer le point de vue de ceux qui auront décidé d’aller nous écouter pour s’enrichir eux-mêmes. Le comportement de coopération n’est pas inné, il faut l’induire et qu’il permette une réciprocité, un partage, une justice distributive. C’est alors qu’une joie survient grâce à l’existence de cette solidarité : on n’est plus dans une solitude inquiétante, on dispose d’un soutien mutuel, d’un retour sur ce que l’on offre. On se sent alors pleinement vivant car on fait société, on voit une unité qui nous rassemble. Mais encore faut-il s’en rendre compte, avoir conscience de ce qui se produit, de la force de création collective comparé à un artiste seul. Car cet éprouvé est contagieux, se propage. On y retrouve la valeur de l’Ubuntu : je suis parce que nous sommes. En travaillant sur deux textes, un extrait de Charles Darwin publié par Olivier F. et un petit essai sur la paix économique publié par Guillaume R., nous les avons reliés avec les travaux d'Elinor Ostrom, prix Nobel d’économie sur le thème des Communs, dont on retrouve une image dans le principe de production des Logiciels Libre (Open Source). On arrive à une plus grande efficacité de la production lorsqu’on s’accorde un temps de palabre préalable pour se mettre tous d’accord sur l’ouvrage qu’on se propose de réaliser ensemble, communément. Nous nous sommes attristés sur la tournure prise par les Jeux Olympiques, compétition initialement faite pour unir les nations autour d’athlètes donnant le meilleur d’eux-mêmes, cherchant à se surpasser pour l’honneur de leur peuple, moment de partage et de joie, de paix, qui est devenu un enjeu bassement politique et économique. Mais noté le modèle économique de Foot Locker qui permet en s’achetant une paire de chaussures plus onéreuse que les autres d'accéder à la particularité de série limitée, qui fait que l’on devient à la fois membre d’une communauté de clients, d’un collectif d’usagers, tout en distinguant son identité par le modèle que l’on porte. Il y a donc un désir d’être bien tous ensemble tout en affirmant sa différence, d’avoir la joie de la coopération sans l’inconvénient d’une uniformisation, tel le goût d’une aristocratie dont on serait l’un des patriciens. Car si à plusieurs on survit plus facilement que séparément, il n’est pas dans la logique de l’humanité d’être tous identiques car nous souffrions alors tous ensemble de nos carences partagées, et d’un superflu de force dans nos vertus communes. Ainsi d’une tradition de « plan de carrière, » qui évoque une mine à ciel ouvert, une extraction de minéraux, ne devrions-nous pas plutôt penser à nos « lieux d’emménagement, » notre citoyenneté, dans notre cité du travail ? Souvent dans les entreprises les équipes ont été pensées par métier et leur manager est un expert de leur métier afin de pouvoir leur prêter assistance. Ce sont des équipes de gens d'un certain identique au niveau de leurs compétences. N'aurions-nous pas de meilleures productivités de celles-ci si leurs compétences étaient transverses, complémentaires ? Ce qui fait que la compétence du manager serait davantage orientée vers l'organisation et la collaboration. Certes un travailleur aurait plus de mal à trouver main-forte pour résoudre un problème mais il y gagnerait en responsabilité et autonomie, en capacité d'aide complémentaire. Ainsi la propension à recruter des clones, issus des mêmes écoles, serait en fait contre-productive sur le plan décisionnel et créatif. La presse managériale, surtout américaine (exemple de Forbes [1]), se focalise sur la définition du leader idéal. Il doit être comme ceci et pas comme cela, le chef idéal qu'on suivrait jusqu'en enfer s'il le demande. Pour cela il peut donner des ordres stricts mais cela n'est plus trop en vogue, ou il peut convaincre de faire, ce qui nécessite des preuves, des arguments irréfutables, ou bien persuader de faire, ce qui est une approche plus douce, soft power. Jeff Bezos l'a compris en mettant en œuvre dans ses réunion de direction une méthodologie qu'il a reprise de la Rhétorique d'Aristote [2]. Il commence ses réunions en faisant lire un discours narratif mettant en œuvre « ethos » (personnalité, mode d'être), « logos » (discours et raison, arguments), et « pathos » (émotions). Puis il invite à en débattre. D'après l'article le résultat est d'une efficacité redoutable, ce qui était d'ailleurs l'intention d'Aristote en terme de débats politiques ou plaidoiries judiciaires. Au travers de cette approche on incite son auditoire à penser qu'il a affaire à un « type bien » qui a eu une « bonne idée. » Et on actionne des leviers psychologiques incitant à écouter le discours, à être persuadé par les indices, à défaut d'être convaincu par les arguments. De ce fait on va y souscrire de bon cœur, avec un aval rassuré par la profondeur de réflexion exposée. On pourrait alors se dire qu'il suffit de lire la Rhétorique d'Aristote pour devenir un bon manager, mais ça ne suffit pas. Il faudrait aussi lire son corollaire, l'Ethique à Nicomaque, pour que les vertus de ce manager collent à son discours. Que son ethos soit plaisant, qu'on se prenne à aimer son pathos. Car il n'y a rien de plus fragile que de déguiser ses vertus, qui finiront par être percées à jour. De ce fait il faut aussi être transparent, non dissimulé, porter les valeurs de l'entreprise avec une humeur égale et gaie car elle se propage à ses collaborateurs. Or un salarié heureux est bien plus productif qu'un salarié malheureux. On se doit donc de leur parler avec son cœur et avec son corps, être convaincu par ce que l'on avance, être enthousiaste et optimiste pour donner une confiance en son patron. Un leader inquiet inquiète, sensation que personne n'aime, qui nuit à la confiance. Car plutôt qu'un texte lu par l'assistance, autant prononcer ce discours, avec ces trois ingrédients de l'éthos, du logos, et du pathos, cela n'en rend les propos que plus vrais, expose un véritable leadership. Et d'ailleurs cette rhétorique aristotélicienne était conçue pour des débats au Parlement ou des plaidoiries dans un tribunal, pas pour écrire des récits héroïques. Dans son approche le patron doit valoriser et responsabiliser son équipe, dire que l'on compte sur elle, susciter l'adhésion au projet, se montrer bienveillant pour, comme le disait aussi Fayol, que les collaborateurs se sentent heureux de se dévouer pour l'entreprise, d'y travailler avec le plaisir d'y aller le matin. Car lorsqu'on est malheureux à son travail on sera tenté d'aller voir son médecin dès le moindre petit souci de santé, soucis qui surviendront plus vite, voire de façon psychosomatique. L'esprit, la psyché, fait beaucoup pour la bonne santé du corps. Le repos nocturne ou dominical ne repose pas que le corps, il repose aussi l'âme. Et l'exténuer au travail par un stress excessif n'est pas bon pour la personne que l'on emploie. Si donc cette technique de Jeff Bezos est d'une nature noble, la manière dont il l'emploie la détourne de sa vocation qui n'est pas que la persuasion, mais aussi le lien humain entre l'orateur et l'auditeur. 1:https://www.forbes.com/sites/lizryan/2016/07/02/ten-things-a-good-manager-wont-ask-employees-to-do/ 2:https://www.inc.com/carmine-gallo/jeff-bezos-bans-powerpoint-in-meetings-his-replacement-is-brilliant.html |
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Novembre 2020
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