Concepteurs : Philip Anderson, Yolaine Hodebourg, Florence Legouge, Françoise C. Rédacteur : Guillaume Rosquin Compte-rendu de l'atelier du 09/09/2020 Situation des jeunes travailleurs Les jeunes sont salariés avec l'idée que c'est une mission temporaire, étant loyaux mais infidèles. Car à présent les évènements extérieurs ne sont plus maîtrisés et l'entreprise ne peut plus garantir un emploi à vie. Ils se sont donc préparés tôt à ce mode de vie, se forment en permanence, et prennent là où ils sont ce qu'ils peuvent apprendre avant de partir ailleurs, sans état d'âme, comme des papillons qui butinent. Les entreprises doivent s'y habituer, c'est une contrepartie de leur nouvelle fragilité. Cela s'est encore accentué depuis 2008. C'est lorsque le jeune commence à être performant qu'il s'en va. Face à cela le management n'a pas su se remettre en cause pour devenir plus participatif que directif. Car la première expérience pour le jeune travailleur lui fait mettre tout le monde dans le même schéma. On se rend compte qu'il n'y a plus cette conversion des apprentissages en alternance par un emploi dans l'entreprise. Après s'être form, le jeune part travailler ailleurs. Une possibilité pour le retenir est de lui apporter un tutorat pendant sa formation. Ces jeunes ne trouvent pas chez leurs parents des sources de sagesse pour savoir comment se comporter au travail, jugeant que leurs situations réciproques ne sont pas comparables. Le dialogue familial est donc à rétablir. Car le fondement est de savoir comprendre la logique des autres, en particulier ceux qui sont en situation de vous gouverner. Sans éducation au dialogue, cela n'est pas possible, la communication est difficile et on ne parvient pas à savoir ce que l'autre veut. Il faut également comprendre quelles sont les manières d'être pour superviser et lorsque l'on est supervisé. Comme vu dans le précédent atelier, le mouton n'accepte plus son berger s'il se pose des questions dont les réponses remettent en cause son autorité. Le manager-berger doit donc réapprendre à se faire respecter car les codes de ces manières d'être ont changé. L'entreprise fantasmée Peut-être à cause des nombreuses écoles de management au savoir théorique, le jeune espère un idéal qui n'existe pas. Il rencontre alors des difficultés d'intégration. Il lui faut se mettre à son compte pour réaliser qu'il faut avoir les bonnes attitudes, ne pas contrarier les managers et les clients, et que conserver ses collaborateurs est une problématique du chef d'entreprise car les départs induisent des changements dans l'organisation. Or il faut savoir que tous les chefs, patrons ou managers, ne suivent pas le même style (?) même si les grandes entreprises les forment à des canevas relationnels. Un chef peut être conducteur (leader), gouverneur qui dirige, commandeur qui ordonne, ou administrateur qui gère. Il y a aussi le patron qui applique une stature traditionnelle, dite « paternaliste », familière et autoritaire. Il faut donc prendre son temps lorsqu'on cherche du boulot et rencontrer les potentiels chefs pour savoir avec lesquels on va s'entendre, avoir plaisir à collaborer. Cela implique de savoir les questionner pour les reconnaître, et de se connaître soi-même pour savoir ce qui nous convient. Ici aussi le dialogue est essentiel. En effet le salarié à des attentes à l'égard de son chef d'entreprise et de ses managers à qui il délègue ses pouvoirs : l'employé tient ces chefs responsables du confort et de l'ambiance de travail, de la sécurité de son emploi, et du niveau de rémunération. Si ces trois critères se dégradent l'employé se mettra à préparer son départ pour trouver d'autres chefs. Pour cela ceux-ci doivent exercer leur travail d'organisateurs, de bons gestionnaires, et de visionnaires. Le travailleur s'occupe du quotidien, son chef prévoit ce que sera l'avenir, et fait en sorte que le travailleur soit bien considéré. Or les jeunes suivent à présent des études où ils n'ont pas d'ancrages, avec des séjours à l'étranger, et y apprennent des modes de collaboration qui ne se retrouvent pas en entreprise. Habitués à des campus et à une faible relation avec leurs enseignants, ils découvrent ensuite des milieux assez clos et des managers assez présents, contrôleurs. La difficulté est accentuée dans une grande structure où il est difficile de connaître les gens pour développer des relations de travail basées sur les valeurs humaines et le bien-être. Dès lors la start-up est un modèle en vogue où les jeunes se plaisent, y trouvent une tension qui leur convient, où ils ne subissent pas une hiérarchie oppressante. Mais avec la phase de confinement en 2020 ils ont découvert qu'il existe une autre vie possible que celle sur son lieu de travail. Ils réfléchissent donc à de nouveaux styles de vie. La figure du chef Auparavant la légitimité des chefs était assurée par leurs compétences dans l'art et la technique car ils étaient des ingénieurs qui finissaient par se mettre à leur compte. Alors qu'aujourd'hui on attend d'eux qu'il soient des gestionnaires et qu'ils ne pilotent pas à vue. L'entreprise est devenue tournée vers ses clients qui sont essentiels à son existence. Sont apparus des effets de mode qui font que le client n'est plus captif et part se fournir ailleurs s'il y trouve mieux. La pérennité de l'entreprise passe donc par une gestion habile plus que par la qualité du management humain. Mais si ce patron réunit ces deux qualités on reste avec lui. Se mettre à son compte devient donc un désir de pouvoir choisir ses clients et son mode de vie. Il s'agit de créer un enrichissement mutuel entre soi et eux par l'échange de connaissances. On y trouve une réelle liberté au sens d'Aristote et de Hobbes de n'être plus commandé, et de pouvoir adapter son travail à sa manière de vivre. Car le salariat est fatiguant, les contraintes sont nombreuses, et sa propre sécurité dépend d'un autre que soi, qui peut être faillible. Cela créé une situation de pression morale qui dérive parfois sur du harcèlement. Alors que l'entreprenariat cause une insécurité compensée par la qualité de vie que cela apporte. Cela devient comme un jeu où chaque mois tout peut être remis en question. Aristote disait qu'il y a peu de différence entre l'esclavage et le salariat. L'humain aime pouvoir maîtriser sa propre situation, quitte à réduire ses besoins à cause de sa précarité. Mais il y a aussi les gens qui ne voient que leur intérêt et leur plaisir propre (égoïstes), et utilisent les entreprises pour se former pour évoluer, et les chefs d'entreprise salariés dont la rémunération ne dépend pas de leur efficacité. Certains ne jouent pas le jeu, trichent. Une forme de solution est alors apparue dans les SCOP qui agrègent des indépendants qui s'entraident tout en gérant leur propre clientèle individuellement, en étant rétribués selon le régime des salariés, ce qui leur donne droit aux allocations chômage en cas d'échec de leur activité. Mais comme ces organisations échappent au modèle du capitalisme, elles restent marginales. Parmi les premiers à s'être ainsi mutualisés on trouve les instituteurs qui pour se fournir avaient créé la CAMIF comme centrale d'achat, la MGEN en complémentaire santé, la CASDEN comme banque, et la MAIF pour s'assurer. La capacité de l'humain à ainsi s'associer pour combler des lacunes des employeurs est donc ancienne. Mais l'Éducation Nationale a alors accru sa direction pyramidale, est devenue gestionnaire, bien que non soumise aux vicissitudes d'une entreprise et que ses « clients », à l'instar des hôpitaux, ont besoin qu'on puisse leur consacrer du temps sans qu'il soit comptabilisé, mesuré. L'E.N. se retrouve managée comme une banque, avec des procédures strictes qui deviennent kafkaïennes. Or peut-on tayloriser l'enseignement ? Ne faut-il pas plutôt s'y impliquer ? L'image de soi L'humain a besoin que ses compétences ne soient pas étouffées par sa hiérarchie, qu'il puisse disposer d'une liberté d'initiatives supervisées avec bienveillance en cas d'erreur. Il en va de l'image de soi qui ne désire pas être instrumentalisé, réifié, manipulé. On se forme donc pour peut-être un jour créer son propre emploi, lorsque le moment sera venu, s'il vient un jour. L'humain n'est pas paresseux par nature.
Dans ce but les métiers manuels apportent une plus grande capacité migratoire, de mobilité, car ils sont devenus en tension. Ils permettent également de s'incarner davantage qu'un métier intellectuel dont la production est virtuelle. Mais la compétence indispensable reste un sens de l'organisation si on veut diriger une entreprise, pour soi-même ou avec des salariés. Ce qui implique de comprendre comment les choses marchent pour pouvoir les implémenter, tout en restant concentré sur son cœur de métier. Il peut donc y avoir un besoin d'inventer un nouveau modèle tel que l'intraprenariat dans les entreprises. Celui-ci est généralement confié à des profils commerciaux qui vont développer une nouvelle affaire, pour laquelle la personnalité du dirigeant joue beaucoup, et qui recrée un plaisir dans l'emploi par l'autonomie ainsi procurée. On se met à croître tout en gagnant de l'argent au sein d'une organisation qui fournit un socle. Mais pour cela il faut être mûr à la suite de sa longue formation empirique, comme une sorte de mutation de la chenille devenant papillon. Les gens seront ce qu'ils peuvent être. Il convient donc de motiver les meilleurs talents, et que ceux-ci se constituent un réseau pour établir une toile où les gens créeront de la valeur ensemble. Le travail doit avoir un sens et donner envie. Dès lors il faut se donner le temps d'enquêtes métier pour dénicher les genres de patrons pour lesquels on aime travailler (chef d’entreprise ou manager n+1), et les types d'organisations dans lesquelles on s’épanouira. Il ne faut pas s'y ennuyer, être désabusé, être dans cette immédiateté que procurent les loisirs numériques, mais accepter le besoin de construire progressivement des relations mutuellement profitables. Ainsi pour le chef trop accaparé dans la gestion et la planification, l'entretien annuel est un outil indispensable pour connaître les attentes de ses collaborateurs, plutôt que s'en servir pour assigner de nouvelles contraintes. Car en cas de peur le salarié ira se réfugier dans le syndicalisme pour y chercher du dialogue.
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