Il est ardu de traiter ce sujet complexe en 2 heures d'atelier et 1000 mots de compte-rendu. Des renseignements complémentaires ont dû être collectés pour documenter l'aspect de la procédure de reconnaissance de maladie professionnelle (MP) ou accident du travail (AT). Nous sommes partis d'un récit où la victime questionne la société que ses 75 jours d'ITT (Interruption de Travail Temporaire) n'aient pas pour conséquence la poursuite des gens l'ayant rendu malade. Nous avons aussi évoqué des récits d'ostracisme sur soupçon de favoritisme, de cas de xénophobie discriminante (racisme), et aussi celui d'une femme trop belle pour qu'on lui reconnaisse ses compétences professionnelles.
Notre âme, psyché, est capable de résister à des agressions et du stress mais avec des limites qui sont propres à chacun, et qui provoquent son usure, son cabossage. La particularité de cet « organe » qu'est notre âme est que sa souffrance est indétectable par un instrument objectif, que cette souffrance semble incompréhensible à la victime, et lui fait perdre son discernement. Elle ne peut donc se relier immédiatement à ce qui cause son trouble, d'autant que celui-ci est généralement le fait d'autres personnes, ce qui fait rapidement rentrer les RPS dans un champ pénal, le besoin de réparation d'une injustice, de châtier les fautifs. Si en plus le fautif de stress, violences, ou harcèlement se trouve être le manager de la victime, celui-ci représente directement la responsabilité de l'employeur, qui en devient justiciable. Si une tendance est à la sensibilisation des employés aux phénomènes émotionnels, très peu est fait pour sensibiliser les employés aux RPS, aux troubles de l'âme dus aux interactions avec ces congénères sociaux que sont les humains avec lesquels on travaille au quotidien. Ainsi le Document Unique qui liste les risques encourus par un salarié ne lui est pas présenté lors d'un entretien d'embauche. Il n'est pas informé de ce qui l'attend, cela sera une surprise. Et ce risque d'être usé, miné par son emploi questionne la notion de « propriété » du travailleur car il est soumis à un usus et fructus par contrat, mais aussi à un abusus consécutif à ses conditions de travail. Un phénomène de rupture se produit lorsque les contraintes de l'environnement dépassent les ressources du travailleur en terme de résistance psychique. Mais son tourment ne fait que commencer car cette victime pourra être soupçonnée de mauvaise foi, d'intentions parasitaires, et on tendra à dénier sa souffrance. Alors qu'il peut être objectivement établi, pourvu que tout le monde accepte ce parler vrai dont Aristote faisait une vertu, que la victime soit dans un contexte dévalorisant, frustrant, épuisant, déshonorant. On arrive vite à la définition de la dignité [1] comme étant le respect de la personne qui ne doit pas être traitée comme un moyen, et du besoin de fraternité dans l'entreprise. L'acteur clé dans cette situation, celui qui joue le rôle d'un « Judas » est le médecin qui soulage la victime de sa maltraitance en lui prescrivant un arrêt de travail, et juge que sa perte de santé est causée par les conditions d'emploi du patient, qu'il relate dans un Certificat Médical Initial (CMI). Au lieu d'être traité par la CNAM, cet arrêt devient géré par la CARSAT qui va dépêcher une enquête pour savoir si l'employeur doit être condamné à payer pour ces frais de santé, dont une pension éventuelle. Il va sans dire que celui-ci, porté à la mesquinerie pour des questions de rigueur budgétaire, n'y est pas enclin avec joie. Il y a souvent retournement de la situation pour présumer la victime chicanière ou malveillante. Quant aux burn-out et bore-out ils sont le fait d'un « assèchement émotionnel » qui conduisent à une asocialité par repli sur soi, de survivre en s'isolant de la société. Si celui-ci dure trop longtemps la victime se retrouvera en situation de précarité du fait de son nécessaire licenciement pour inaptitude. En plus de soins et de repos, il lui faudra prendre un avocat pour se défendre, comme une double peine. Il est donc indispensable d'archiver des preuves dès qu'on remarque l'apparition d'un besoin de résistance à une pression psychique. Les entreprises qui ont un devoir de protection de leur personnel s'en prémunissent par la mise en place de codes de déontologie pour réguler les facteurs de risque que sont les autres collaborateurs et l'organisation. Mais il y a peu de campagnes de sensibilisation tant que des décès ne surviennent pas, pour autant qu'ils aient lieu dans l'enceinte de l'entreprise. Le salarié mélancolique a donc intérêt à bien choisir le lieu où il met fin à ses jours, comme une sorte de sacrifice ultime, en y ajoutant un courrier d'intention, testament si possible validé par un notaire pour éviter sa contestation. Ce qui est étrange est le manque d'implication de la Médecine du Travail (MT) qui n'est consultée qu'à l'issue d'une ITT de plus de 6 mois, pour juger de l'aptitude du travailleur – que l'on estime guéri – à reprendre son emploi. En effet la MT a connaissance de ses conditions d'emploi, peut consulter son Document Unique, et demander des aménagements de poste, ce qui devient compliqué lorsque l'aménagement porte sur l'attitude des collègues à son égard. Il semblerait donc logique qu'il y ait un échange entre le médecin-traitant et la MT pour décider de l'opportunité d'établir un CMI. Ces deux médecins ne seraient plus seuls avec leur patient pour réagir et agir. De notre atelier réflexif découle des questionnements qui suggèrent des besoins d'une meilleure législation pour encadrer ce type de maladies professionnelles, dans lesquelles les DRH et la CARSAT se retrouvent à enquêter comme Agatha Christie pour établir qui doit couvrir les frais de soins ou d'obsèques. Ne pourrait-t'on pas simplement provisionner comptablement ces coûts avec le travail d'analyse d'un actuaire ? Un peu comme l'armée admettait un risque (5%) que les recrues du service militaire soient victimes d'aléas funestes, malgré les précautions prises pour les en prémunir. Au lieu de s'évertuer à vouloir un « risque zéro » avec la même ferveur que l'état fantasme à l'idée de n'avoir aucun mort sur les routes, pourquoi ne pas s'assurer contre les risques psycho-sociaux ? [1] http://www.un.org/fr/universal-declaration-human-rights/
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Septembre 2022
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