Les informaticiens et les contrôleurs de gestion sont fréquemment confrontés à un agacement dans l'exercice de leurs métiers, les 'bugs', mot anglais qui désigne une punaise, cet insecte qui ne fait pas grand mal mais qui pue si on l'écrase. Ils sont donc contraints de « déverminer » pour les uns leur travail de programmation de leurs erreurs, leurs inattentions, et pour les autres les livres de comptes des entreprises où un montant a été affecté à un poste qui n'était pas le sien. L'erreur est humaine, comme le dit le dicton, mais persévérer est diabolique. Ce qui entraîne le principe des 'versions' d'un même ouvrage, le nouveau étant voulu meilleur que le précédent, mais avec parfois des 'pertes' d'une fonctionnalité jugée inopportune, sans vérifier auprès des usagers ce qu'ils en pensaient. Cet usager va alors devoir y palier par lui-même, avec ses propres moyens, qui n'incluent pas toujours un niveau de science de la difficulté du même niveau que le professionnel qui y avait songé. Ce paradigme, façon de voir les choses, peut s'employer dans d'autres domaines. Ainsi je me suis régalé à lire « l'Histoire de la Philosophie » dirigée par Jean-François Pradeau qui contient des 'résumés' de l'oeuvre des philosophes majeurs depuis Thalès, en la corrélant à ce schéma visuel établi par Deniz Cem Önduygu sur son site www.denizcemonduygu.com/philo/browse/ Ainsi ces philosophes seraient des « programmeurs » de l'humanité (occidentale) avec un logiciel « Open Source » qui ferait l'objet de révisions régulières en fonction des besoins de leurs époques. Certains ajoutent des « nouveaux modules », d'autres en suppriment des anciens considérés obsolètes. Et puis à certains moments, comme on le voit avec Jean-Jacques Rousseau ou John Rawls, on réécrit un module qui avait été perdu parce qu'à un moment il ne servait plus à rien, en laissant croire qu'on est le premier à en avoir eu l'idée, qu'on innove. Mais on peut alors remarquer trois façons pour les informaticiens de voir leur métier, sous un angle de 'moralité' et de 'finalité économique'. Il y a ceux qui sont employés et travaillent dans une entreprise favorable à « l'Open Source », ceux employés par celles qui sont toujours adeptes des « brevets exclusifs », et ceux qui se lancent à leur compte avec des ambitions variables. D'une part l'informaticien a besoin comme tout le monde d'échanger ses efforts, son travail, contre de l'argent pour assurer sa subsistance, mais il voit ses confrères avec philanthropie lorsqu'il s'associe à leurs projets, ou avec misanthropie quand il trouve sa « part du gâteau » trop mince. Or il y a des gloutons, de 'mauvais compagnons', mot qui signifie « celui avec qui on partage son pain ». Certains rêvent d'orner leur poignet d'une montre 'Rolex' pour paraphraser Jacques Séguéla. Au fil des pages de son traité qualifié de « Métaphysique », Aristote fournit progressivement son point de vue sur ce qu'il considère être son job, philosophe, et les deux autres catégories qui lui font de l'ombre, les sophistes et les dialecticiens. Le sophiste prétendrait avoir tout compris alors qu'il ne pige rien, le dialecticien passerait son temps à polémiquer avec les autres. Il m'est effectivement arrivé en tant qu'informaticien, débattant sur un module à concevoir, d'être confronté à des confrères sophistes ou dialecticiens, en me demandant s'ils avaient le souci de contenter nos clients par notre travail, ou de se contenter eux-mêmes par une « victoire » de leur autorité sur la mienne. C'est à dire qu'ils semblaient voir la 'solution' comme les satisfaisant par un moindre effort, plutôt que vouloir un bonheur philanthropique de ceux qui nous payaient à le faire en devinant leurs besoins non exprimés car non imaginés ou peut-être implicites.
Il me semble alors, ce qui a l'air d'être un « module oublié » de la philosophie, qu'entre une approche dite « KISS » (Keep It Simple and Stupid) et celle de « l'hyper-sophistication » où on ne pige plus rien, le « juste milieu vertueux » de l'informatique se situerait dans le « smart », une production intellectuelle qui soit élégante, raffinée, intelligente, mais n'aille pas jusqu'à des idées où l'utilisateur va être « dépassé » car elles lui passent « au dessus de la tête ». C'est à dire qu'en matière de 'justice' et donc d'équité, être philanthrope est aimer tout autant ses usagers avec leur diversité intellectuelle, et fournir des moyens appréciés de tous. Car l'informaticien est dans une position « d'autorité » sur ses utilisateurs qui vont avoir à se « plier » à la manière qu'il a employé pour répondre à une problématique qu'ils rencontrent et qu'ils veulent résoudre. Il n'est alors pas mieux d'inverser les pouvoirs en décidant que celui qui paie est admis comme un tyran, potentiellement capricieux, et lui laisser une totale autorité pour définir ce qu'on doit faire pour lui, car du fait de ses lacunes en 'science informatique' il saura mal ce qu'il peut demander, et risque donc d'être déçu, de s'être trompé sur le coût du « jouet » dont il rêve. L'argent est un mauvais maître. L'autorité ne doit pas tyranniser ses bénéficiaires. Le véritable souci est le 'bug' lorsqu'il cause des catastrophes, en particulier guillotiner toute l'aristocratie française en fournissant des prétextes de crucifixion d'un « fautif » que la foule est prompte à désigner. Heureusement depuis l'instauration du TPI à La Haye on a un peu mieux défini ce qu'est un « crime contre l'humanité », et qu'il est absurde de punir un crime par un autre crime. Ce que je crois alors être un 'bug' de notre société actuelle, car elle a inventé les moyens d'y palier, est dans la résolution des « luttes de classes » : les informaticiens sont « enfermés » avec d'autres informaticiens dans des locaux et voient leurs usagers, non-informaticiens, comme des « barbares ». Alors que si à l'instar du « programme Erasmus » ils allaient passer un peu de temps chez leurs bénéficiaires, il verrait bien qu'ils ne sont pas « méchants et stupides », mais que chaque profession a ses propres soucis à résoudre, et qu'il n'y en a pas de plus « idiots » que d'autres. Simplement la vertu de la spécialisation qui est le propre de l'homme, qu'Aristote nomme « entéléchie », le fait d'atteindre une 'finalité' qui soit la 'fonction' qu'on va se plaire à remplir dans la société, ne doit pas conduire à des phénomènes de « castes » qui ne dialoguent plus entre elles. Or comment une « caste de philosophes » enfermés dans des universités, sans dialogue apparent avec la société, peut-elle remplir la fonction 'politique' qu'avaient Platon et Aristote ?
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Guillaume
International Business Controller. Chercheur en Sciences de Gestion. Ingénieur Systèmes d'Informations. Archives
Mai 2022
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