Le pathos (πάθος) est le ressenti, l'émotion, la passion. La pathologie est la science qui les étudie. Où donc avez-vous mal ? Que je puisse cerner de quoi vous souffrez ? Car il ne faut pas demander à un potentiel client « quel est votre problème ? » Un problème (de πρόβλημα en grec) est un obstacle. Vous suggérez alors que votre prospect est un peu bête puisqu'il n'arrive pas à le résoudre seul. Mais il peut aussi avoir un problème insurmontable et il lui faut de l'aide. Tandis qu'en lui demandant quelles sont ses douleurs vous faites preuve de sympathie (ressentir avec) à défaut de pouvoir être empathique (ressentir en dedans) puisque vous êtes en bonne santé. Et vous montrez que vous voulez le soulager, lui apporter du plaisir, ou au minimum un réconfort.
Ethique ?
C'est un synonyme de morale, mais plus technique. L'établir permet de définir les mœurs, la déontologie, ce qu'il convient de faire, et ce qui n'est pas convenable. Or les grandes entreprises ont commencé à se doter de Directions d'Ethique(1) car les scandales fracassants de fraudes morales se sont accompagnés de procès pharaoniques. Ces départements peuvent donc être financés sur le budget réservé aux coûts juridiques. Devez-vous supporter des frais juridiques régulièrement, des procès ? Combien vous coûtent-ils en moyenne ?
Car il m'a été donné de remarquer dans des entreprises que les procès semblaient perçus comme des conséquences inéluctables, qu'ils étaient comme une sorte de partie de cartes occasionnelle que l'on gagne ou perd, le fait qu'on ne peut arriver à satisfaire tout le monde. C'est à dire toutes ces petites disruptions causées par une partie prenante particulière (client, fournisseur, salarié, etc) qui vous insatisfait ou est insatisfaite de vous, lorsque finalement cela se rapporte plus à vos valeurs, à la direction que vous suivez, à la manière dont vous procédez, à votre élan moteur. Quelquefois vous pouvez être la victime, ce qui veut dire que vous avez manqué de prudence, et d'autres fois vous avez mis quelqu'un en colère, ce qui signifie que vous l'avez déprécié, vexé, peut-être outragé, avec une dimension de dommage matériel et/ou moral.
Mais avez-vous tout d'abord une compréhension des champs que recouvrent les questions éthiques ? Vos règles déontologiques sont-elles sans failles, alors que vous « subissez » des procès, des conflits ? En effet il y a une promptitude à croire que les tribunaux sont là pour vous taper sur les doigts lorsque vous avez commis une bêtise, et que les avocats sont des as pour vous tirer de ce pétrin. Gagné ou perdu un procès ou conflit est le signe que votre organisation est imparfaite, il y a eu un défaut de vertu : imprudence, intempérance, témérité ou lâcheté, irrespect, inconsidération, etc... Et le gros danger d'un procès est que la honte rejaillisse sur vous, que votre réputation soit touchée. Ce qui veut dire que vos parties prenantes vertueuses vont alors commencer à se méfier de vous, et que vous allez attirer des vicieux, ce qui fait empirer les risques.
Le philosophe n'est pas là pour juger les gens, les blâmer, il est là pour les écouter, analyser leurs propos pour en déduire les causes et les principes sous-jacents, le raisonnement, trouver ce qui cloche, et y proposer des remèdes, à moindre coût.
Lanceurs d'alerte ?
Ils sont devenus redoutables depuis Edward Snowden. Ils sont un mal pour un bien. D'un côté ils assainissent les mœurs, de l'autre ils dévoilent les complots. Se mêlent-ils de ce qui les regarde ? Oui, car ils se sentent citoyens de votre société et ils veulent pouvoir être fier de celle-ci. Ils ont la noblesse d'âme de contribuer au secours de victimes innocentes. Mais s'ils ne trouvent pas une oreille attentive et bienveillante dans leur société, ou s'y sentent menacés, ils vont aller communiquer leurs avis à des forces plus puissantes, des contre-pouvoirs, et là vous allez voir arriver des ennuis, des inconvénients fâcheux.
Donc plutôt que mettre une chape de plomb sur votre entreprise, donnez-leur une boîte aux lettres sécurisée où ils puissent s'épancher, et sans doute vous permettre d'éviter bien plus graves soucis. Un ombudsman, un défenseur des droits, est nécessaire pour instruire les plaintes de façon neutre, impartiale. Car quelquefois c'est le pouvoir dirigeant l'entreprise qui est visé.
Truands ?
Ce mot d'origine gauloise, celte, signifiait à l'origine un tricheur, quelqu'un qui ne respecte pas les règles, les usages. On en a fait un synonyme de gangster et c'est dommage. Or s'il y a des alertes qui sont lancées, c'est à priori contre des gens que l'on présume truands. C'est bien pour cela que l'on conçoit des déontologies, pour qu'il y ait des règles écrites qui aient valeur de lois, et qu'ainsi les injustices commises par ces truands soient reconnues comme des infractions.
Mais les bannir est vain, il en revient toujours, et parfois des innocents succombent à leurs passions par vice ou par maladresse. C'est pour cela qu'on a inventé les tribunaux pour régler les incidents d'injustices, et que leurs magistrats, pour être respectés dans leurs décisions, doivent être indépendant et impartiaux. Car il arrive aussi que des truands se plaignent d'innocents. Avant de leur infliger une peine, voyons si nous pouvons plutôt être psychagogues.
Ayatollahs ?
Il n'y a pas de mot en français pour désigner les personnes qui s'octroient le droit d'édicter des règles morales et les faire appliquer. J'ai donc pris ce mot persan. En raison des pressions juridiques qui pèsent sur les entreprise pour des questions d'éthique, leurs directions, habituées à leur fonction de leadership, s'instaurent en ayatollahs. Il n'y a pas de séparation entre le spirituel et le temporel. Sauf que les dirigeants ont rarement reçu une formation poussée en philosophie. Comme on le voit souvent sur des sites web d'entreprises, elles s'inventent une philosophie en faisant fi de tous les penseurs qui ont irradié notre culture de lumières. L'existentialisme ? Peuh, facile...
Or, est-ce une coïncidence, il est question que les travailleurs s'interrogent de plus en plus sur le sens de leur travail, se demandent à quoi il sert ? C'est là où le philosophe apporte plus que de la morale, il apporte un sens à cette morale, et une certaine forme de spiritualité. En cela ce qui s'appelle la « philosophie pratique », c'est à dire un raisonnement sur l'individu, la personne, et la société dans laquelle il vit, sa cité-état, se propose comme une réponse à ces questions. Car ce qui est en jeu se rapporte à la norme ISO 26000, à la responsabilité sociale et environnementale, c'est l'humanité !