La spécialisation de l'homme a eu un effet néfaste sur la connaissance. Les savoirs sont cloisonnés. L'inter-disciplinarité est complexe à mettre en oeuvre. On ne peut pas être expert en tout.
Dans les jeux de rôle type Dungeon & Dragons il y a le personnage du barde. Le touche-à-tout. Celui qui propage la connaissance. Qui se promène à droite et à gauche. Dont le « travail », son gagne-pain, est de raconter des histoires de pays lointains qu'il a visité. Il apporte une vision globale, une meilleure compréhension. Cela en fait un enseignant. Et un psychologue.
Lorsque je me suis mis à étudier les philosophes grecs, je me suis demandé ce qui les avait amené à cela. Les historiens retracent facilement le progrès des idées depuis Thalès, et la conséquence sur le progrès économique, le confort de vie. Pour avoir de meilleures maisons que des huttes il faut des architectes, pour avoir des architectes il faut connaître la géométrie (et la maçonnerie), pour connaître la géométrie il faut l'étudier, pour l'étudier il faut l'avoir découverte. Rétro-planning.
Mais pourquoi des mathématiques passer à de l'éthique ? A quel besoin social répond un philosophe chez les grecs ? Comment échange t'il sa production d'idées contre de l'argent ? Aristote l'explique. Ce sont des architectes d'une vie sociale démocratique. Pour le fonctionnement démocratique de leurs cités, qui rappelle cette forme de « nation fédérale » du Saint-Empire Romain-Germanique de la Renaissance, il faut des gouvernants, des magistrats, la « tête dans le guidon » de leurs problèmes, de leurs expertises, et des gens qui préparent les citoyens à être aptes à défendre leurs droits pour éviter les tyrans. Ainsi les futurs hommes-libres doivent apprendre la réthorique (savoir parler à une assemblée) et la philosophie (bâtir leurs arguments avec solidité). Le philosophe a donc un rôle politique considérable, indispensable. Et puis les premiers forums devaient être aussi anarchiques que nos réseaux sociaux, un total brouhaha. Des assemblées qui s'emportaient.
Aujourd'hui où on rêve d'entreprises libérées, de sociocratie, d'abolition de ce pouvoir aristocratique du « management », où les syndicats deviennent moins soutenus, représentatifs, les salariés sont-ils convenablement préparés, compétents, pour agir en hommes libres dans votre entreprise, en citoyens de votre petite cité ?