Concepteurs : Florence Legouge, Antoine Chaignot, Patrick de Backer Relations ou relation ? Il n'y a pas un modèle unique de relation entre les êtres humains, celle-ci peut prendre des formes multiples, complexes. Elles partent d'une relation à soi-même qui se transforme en relation aux autres. Le style de relation que l'on a avec les autres ressemble à la relation que l'on a avec soi-même. Ceci à différents niveaux : pensée à pensée, cœur à cœur, relation amoureuse, ou filiale, etc. C'est aussi une question de réceptivité à l'opportunité qui se présente, et l’on pourra s'interroger sur les nouvelles formes de relations induites par Internet et les réseaux sociaux. Or, la science n'en dit pas grand-chose car il lui manque des instruments pour mesurer les relations, des moyens d'expériences. En effet, une relation est-elle nécessairement intéressée ? Les réseaux de rencontres répondent à des désirs, des besoins. Va-t'on vers l'autre avec un esprit noble ou un esprit manipulateur ? Cherche-t'on à se faire plaisir, à vendre quelque chose ? Ne pouvons-nous pas nous contenter d’être avec nous-mêmes ? Peut-on avoir une relation dans le seul but d'avoir une relation ? Quel devient l'intérêt d'échanger ? Pour Aristote l'amitié pouvait être motivée par trois facteurs : le plaisir tiré de la relation, l'intérêt qu'elle pouvait avoir, ou la communauté de qualités humaines (vertus). D'autre part, le mot intéressant vient du latin inter-esse, être entre. La relation peut alors permettre d'atteindre un but, d’accomplir une quête. Tandis que pour le misanthrope l'enfer c'est les autres. Le bien auquel on parvient doit donc être dissocié du plaisir trouvé dans la relation. Qu'est-ce alors que l'homme ? L'homme est-il membre d'un tout, tel qu'une cité, ou est-il un individu isolé ? Le modernisme numérique rend la distinction plus difficile et les générations âgées peuvent être déroutées par les filtres qu'Internet a créés. La réalité d'une relation où on se rencontrait en face-à-face a été remplacée par la réalité virtuelle portée par des messageries et des vidéoconférences. Or, a-t’on bien affaire aux mêmes personnes lorsqu'on les a devant soi ou les voit derrière un écran ? Se réunit-on pour discuter d'un sujet, ou avoir un moment convivial erratique ? Car si on considère les sites de rencontres « amoureuses », les utilisateurs sont là avec un objectif, ils veulent parfois aller vite, et cherchent le bénéfice de la liaison avant qu'elle ait eu lieu. De plus, comparé aux agences matrimoniales, la possibilité de pouvoir mener des dialogues simultanés avec plusieurs personnes n'est elle pas le symptôme d'une forme de consommation, voire d'une boulimie ? Nous constatons donc une perte de sens de la réalité et une instrumentalisation des relations. L'homme animal politique selon Aristote, faisant corps dans la cité, devient plus solitaire, individualiste. Or n'avons-nous pas un besoin vital car « sans l'autre je ne suis rien » ? N’existons-nous que par le regard des autres ? Pourrions-nous vivre comme Robinson, en retraite dans une île déserte ? La relation fournit donc un sens, circule, et dans celle-ci nous pouvons être tour à tour prédateur et nourrisseur, prendre ou donner, avec un équilibre ou non. Ce qui nous oblige à avoir des capacités de donner et de recevoir.
Mais que devient cette liberté avec l'actuelle nécessité de distanciation sociale ? Comment avoir encore des rencontres inattendues si un déplacement requiert une attestation ? Par ailleurs, les réseaux sociaux tendent à un utilitarisme des relations : les gens s'y retrouvent pour savoir ce qu'il advient de leurs contacts, glaner des informations. Tandis qu'un lieu comme un café permet des rencontres inattendues, imprévues, parfois insolites. On peut s'y laisser porter, être plus fluide, sans but d'excellence affichée. Relations au travail Celles-ci sont particulières car intéressées : pour avancer en carrière il faut se faire valoir, et la reconnaissance permet de justifier ses progrès. La lutte pour le pouvoir y est manifeste, même si elle se dissimule dans une apparente bienveillance. Les égos se comparent, se jaugent. On peut en être facilement éliminé par un licenciement, ou soi-même éliminer l'entreprise avec une démission. Sans cela le risque est de se retrouver placardisé ou muté lorsque l'on dérange. On voit même apparaître des entretiens de licenciement par outils de vidéoconférence. Que dire aussi du Président des USA brutalement éjecté de son moyen de communication favori ? On désintègre à présent les gourous qui dérangent. Or on trouve dans la société, et en particulier dans les entreprises, des gens qui veulent dominer par la manipulation. Leur structure énergétique résulte d'une trahison, ils n'ont confiance en personne et cherchent un pouvoir de domination, attaquant tous leurs détracteurs. Pour autant, il faut être dans une stabilité émotionnelle pour se mettre en relation avec l'autre. Les énergies doivent être compatibles, en mouvement, ou sinon ce sera la guerre. Celles-ci doivent être perceptibles, et comprises pour savoir les employer. Il faut trouver sa juste place, afin qu'elles circulent correctement. Bien se connaître Pour Spinoza il faut comprendre ce qui nous affecte, être en accord avec la nature, c’est-à-dire le tout. Car nous ferions tous partie d'un même ensemble. Mal nous connaître nuit à nous reconnaître dans ce tout. En effet, il nous faut connaître nos désirs car notre relation de base est une relation à soi. Selon notre vécu nous serons portés à certains points de vue, à certaines ambitions. C'est en changeant en soi qu'on change d'être, de sa relation au monde. Ce qui entraîne le changement d'entourage par ce nouveau regard, cette nouvelle manière de penser. Nous sommes donc en vibration avec le monde. Ceci dit, nous ne pouvons pas tout connaître et nous nous retrouvons alors ballottés par la vie. Puisque nous sommes affectés par ce que nous percevons, cela agit comme un cercle auto-entraînant qui peut être vertueux ou vicieux, maintenant le bien ou le mal. Il faut donc savoir si l’on agit selon sa nature ou si on décide rationnellement selon ses besoins. C'est là que peut se faire sentir une nécessité de métamorphose, pour pouvoir choisir sa vie, le futur que l'on veut pour soi-même, et ne pas arriver là où on ne veut pas : arrêter de grandir dans un état pour passer à un autre état à construire, et ne pas croire qu'en changeant de contexte on changera soi-même. Il faut changer à l'intérieur. Protéiforme Nous sommes chacun avec de multiples facettes : tour à tour tueur, gourou, amuseur, etc. C'est ce qui nous permet de distinguer l'acceptable de l’inacceptable. Changer est donc se transformer et c'est une erreur de l'envisager comme un affrontement avec soi-même. Il faut être dans l'acceptation du futur qui vient et travailler sur ses fondations, ce qui n'est pas toujours lumineux et joyeux. Cela peut se noter dans la synchronicité entre qui on est et qui l’on attire. Les relations pérennes montrent la compatibilité entre soi et l’autre et on peut très bien se retrouver avec des victimes ou des bourreaux selon les cas. Il faut parfois savoir accepter sa noirceur.
Alors que notre société nous pousse à des relations basées sur la raison, il faut réaliser que celles-ci font partie de notre instinct, de notre manière de survivre. Paradoxalement, nous sommes mal équipés pour ces relations , il y a un décalage entre potentiel et usage, nous avons un problème d’ajustement. Car on ne peut s'empêcher de les penser par la tête alors qu'il faudrait les aborder par le cœur. Nous avons besoin de ressentir et éprouver dans la chair. En conclusion, on peut se demander quels palliatifs trouver à la privation de relations que nous impose la situation sanitaire. il y a par exemple la question des étudiants, jeunes gens en pleine construction d'eux-mêmes, qui dépérissent, alors que c'est l'âge d'une effervescence de relations. Car nous devenons adultes sur cette base de relations qui nous suivra au long de la vie, puisque dans la société nous sommes en relation les uns avec les autres, ne serait-ce que du fait de contrats de travail. En effet, le contrat est un lien formel entre personnes. Les jeunes gens qui en sont privés vont-ils alors en garder des séquelles, des handicaps ? Nous avons besoin de respirer la vie qui est en nous.
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Septembre 2022
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