Lors de la dernière Université d'été du MEDEF, le groupe Malakoff Médéric, institution d’assurance complémentaire maladie, a interrogé 7 dirigeants d'entreprises en leur demandant quelles seraient les particularités du dirigeant de demain(1). Ceux-ci ont mis en avant son caractère humaniste, proche des attentes de son personnel, bienveillant. Trop d'attention a été porté sur la financiarisation au détriment du bien-être de ceux qui réalisent la valeur ajoutée et le profit qui en découle. Il doit être également responsable aussi des impacts sociaux et environnementaux, et pas seulement financiers.
Alfonso Caycedo est le concepteur dans les années 1960 d'une approche thérapeutique neuropsychiatrique qu'il appelle sophrologie comme étant « l'étude de la conscience humaine et des valeurs existentielles de l'être ». Ce néologisme de racines grecques pouvant s’entendre comme une connaissance (logos) de l'esprit (phronésis) sain/harmonieux (sos). La sophrologie utilise la respiration, la relaxation dynamique et la visualisation pour ressentir ce qui est dans le corps physique. Elle laisser surgir par la visualisation, l'image d'un lieu, d'une chose, d'une situation pour y trouver des sensations positives. Elle permet d'améliorer, de transformer des situations pour les ressentir positivement. La sophrologie ne s'attaque pas de front aux émotions (peurs, etc) mais installe plutôt un nouveau regard par un élargissement de la conscience. Florence Legouge est une professionnelle indépendante qui après une carrière variée est devenue sophrologue. Elle aimerait intervenir dans les entreprises pour des initiations à la sophrologie, mais il se pose pour elle plusieurs difficultés : elle doit se faire connaître des entreprises, les persuader de l'intérêt pour elles de sa démarche, et atteindre cette disruption qu'est la passation d'une commande entraînant la réalisation de la prestation. Le premier problème est donc la réputation, le second le discours délibératif, et le troisième une entéléchie car la puissance du discours doit se transformer en acte. La réputation se définit comme une opinion, une honorabilité, et une notoriété. Il faut donc que la réalité que l'on est, en tant qu'individu perçu comme étant une personne, soit connue et comprise comme vertueuse, d'une façon claire et intelligible afin de ne pas provoquer de fausses opinions. Il faut donc effectuer un travail de communication axé sur les potentielles croyances préjudiciables, les identifier, s'informer des opinions couramment admises comme vraies. Or si notre vertu professionnelle contrevient aux idées courantes parce qu'elle est trop novatrice, cette démarche publicitaire peut être très longue. La vie n'a pas suffit à Caycedo pour que sa pratique soit largement adoptée, ce sont ses disciples qui y parviennent. Florence Legouge doit donc s'appuyer sur les jugements qui ont déjà été émis pour servir de précédents aux jugements de son auditoire. Ensuite pour que son discours puisse être persuasif, il est nécessaire qu'au delà de ses arguments solides et si possible irréfutables, elle mette en avant son ethos et qu'elle suscite un pathos, qui soit de l'envie qui découle sur de l'ardeur et non de l'indignation. Cet ethos doit refléter sa bienveillance, ses vertus morales et intellectuelles, et sa compétence professionnelle. Quant au pathos, pour qu'il soit de l'envie, Florence Legouge doit apparaître comme étant en compétition avec ses auditeurs dans le domaine de la recherche de bien-être, d'équilibre physique et psychique : elle y est arrivée mieux qu'eux, et c'est précisément cette manière de faire des missionnaires catholiques en Afrique, telle que l'on me l'a expliqué. Il ne faut pas faire de prosélytisme mais simplement se montrer en exemple. L'âme est le mot désignant l'animation d'un corps qui devient vivant grâce à sa psyché. Celle-ci a besoin d'être incarnée pour être capable de ressentis. L'esprit est le souffle vital. Il est donc crucial qu'ils soient alignés, que les puissances de vie et de rationalité se rejoignent. Sans cela point de liens possibles avec la société, sa civilisation, où nous sommes tous des vivants fait d'un corps et d'une âme. Or travaillant de plus en plus avec des outils numériques, à l'âme sans éthique, dans un corps électronique qui ne ressent rien, il est facile de se mettre à leur ressembler, à devenir un homme-ordinateur comme il fut des hommes-machine. Cet alignement sophrologique rejoint alors cette « digital detox » que l'on s'est mise à exiger en imposant des périodes de repos déconnectés. Car on attire ce que l'on est, ou ce que l'on devient. Qui se ressemble s'assemble. L'ami est aussi un miroir qui permet d’apercevoir à quoi nous pouvons ressembler à d'autres yeux que les nôtres. Nous pouvons ainsi présumer de dysfonctionnements qu'une thérapie peut corriger, et nous amener à de nouveaux amis. Or il doit exister une certaine forme d'amitié dans les entreprises afin de coopérer sans la tension d'une inimitié ruinant les rapports humains entre collaborateurs. Mais l'amitié n'est pas juste avoir un but commun, il faut aussi que les âmes s'accordent, comme les organes d'un corps vivant où aucune chamaille n’entache le bon fonctionnement de l'ensemble. Il faut donc bien que tout cela puisse s'aligner avec confort, et comment le faire sans alignement préalable de soi-même ? Il nous semble, selon cette analyse, que la sophrologie apparaît comme un facteur favorisant la prospérité d'une entreprise. Que son usage intéresse aussi bien des fonctions exécutrices que directrices, car ne faut-il pas qu'elles coopèrent ensemble efficacement ? Il est également fréquent qu'à force d'être dans la direction on en oublie une certaine humanité par son éloignement du terrain : on se désincarne, telle une âme devenant pur esprit. Mais de toutes les directions qui pilotent une société, laquelle réagira la première ? Cela sera t'il la Direction Générale, les Ressources Humaines, ou les partenaires sociaux ? D'où viendra cette idée que de pouvoir se faire de nouveaux amis, de nouvelles parties prenantes, il pourra en déboucher un travail meilleur par un esprit apaisé d'avoir opéré une réunion et un alignement avec son corps physique ? Car chacun peut le constater : lorsqu'on se sent mal, que l'on souffre, la qualité du travail que l'on produit s'en ressent. C'est simplement parce que la souffrance distrait de la concentration qui est nécessaire à l'accomplissement de tâches. On commet davantage d'erreurs, et c'est humain. En entrant en soi-même, la sophrologie permet de prendre momentanément une distance avec son environnement, un recul pour mieux l'appréhender ensuite, un bien-être de l'esprit qui revigore.
5 Commentaires
|
Auteurs
Chaque semaine des experts passionnés par un sujet se réunissent pour en débattre afin de le formaliser et le communiquer Archives
Septembre 2022
Catégories
Tous
|