Concepteurs : Florence Legouge, Françoise C., Philip Anderson, Patrick De Backer, Antoine Chaignot Rédacteur : Guillaume Rosquin Charité et institution En France, l'État prend en charge la charité par l'impôt et sa redistribution, ce qui exonère le citoyen d'être directement charitable. Cette fonction a été transférée de l'Église à l'État, puis aujourd'hui à des entreprises mécènes et des associations de bénévoles. C'est l'effet de « l'amendement Coluche », un système de défiscalisation des versements caritatifs qui devait être provisoire et s'est enraciné car il satisfait l'État qui se décharge ainsi d'une fonction. Alors que les bénévoles ont une volonté de solidarité, d'aider leurs prochains. On constate également que l'action d'aider ne dépend pas des moyens car ce sont souvent des gens humbles qui s'investissent le plus. La cité a besoin d'une charité naturelle, sans jugement. L'État qui administre la cité ferait-il défaut ? Les classes sociales ont-elles conscience de leurs natures et de la nécessité de collaborer entre elles ? Car il est net que la minorité riche influe sur la cité par ses entreprises. Or, derrière une bonté de façade, il peut y avoir des propos dédaigneux, comme parler des « sans dents ». En conséquence, les gens sont donc portés à se regrouper pour se prendre en charge collectivement, et il y a des créations d'associations formidables. En comparaison, l'État avec sa structure pyramidale et sa lourde bureaucratie est bien peu efficace. On se demande donc quelle est sa mission ? D'où vient son absence de flexibilité ? Pourtant les circonstances actuelles nous ont imposé une autre façon de travailler et nous avons pu être mobiles, réactifs, flexibles. Ces hiérarchies, sources de souffrances, ont dû laisser l'humain s'exprimer et créer son mode de travail, comme dans l'Economie Sociale et Solidaire qui fonctionne souvent par cercles collaboratifs. Cela laisse plus de place pour la charité, pour prendre soin des gens autour de soi, de ses collègues. On a vu chacun apporter un soutien aux personnes dans le besoin. La charité est redevenue un geste. La charité est un acte de bienveillance. Charité et acteMais il faut aussi trouver la « bonne distance » pour permettre le contre-don (Mauss). Recevoir de l'aide nuit à la confiance en soi. Il faut se laisser la possibilité de recevoir en échange car le don peut être humiliant. D’autant plus lorsque le don est réclamé parce que le besoin est impératif. Le fait de donner sans retour doit donc être contrôlé sans pour autant être un jugement. En donnant, on se fait du bien à soi, on remplit un besoin. Mais lequel est-ce ? Est-ce une culpabilité qu'on soulage ? Alors que l'ancien principe des « tables ouvertes » s'est perdu, avons-nous aussi perdu une qualité puisqu'on n'ouvre plus sa porte aux gens dans le besoin. Car la charité oblige à ouvrir son cœur. A-t'il donc été habituel de donner en faisant partie d'une structure, d'un organisme de patronage ? Dans les campagnes il y avait de l'entraide, tandis qu'à présent c'est dans les hôpitaux qu'on va trouver des visiteurs qui viennent apporter de la compagnie, créer des liens, donner de leur temps. Et au lieu d'ouvrir sa porte, on va maintenant dans des lieux prévus pour y donner ce que l'on veut. C'est l'enfant qui a reçu et donne en retour. Tout comme ceux ayant souffert vont soutenir ceux qui souffrent. C'est en cela une notion de justesse et de justice. Dans le droit latin la justice se rapporte à ce qui est mérité, et qui est décrit par des lois. Or ici la loi est la relation à l'autre qui se construit. La justesse comprend une recherche de reconnaissance et c'est par le regard des autres que l'on existe. L'acte charitable commence donc par une conscience de soi, et d'un sentiment de l'acte juste. Il faut être en capacité d'empathie et de pitié. Le chemin de vie doit être parsemé d'actes justes. Car après tout, que serait l'État sans nous ? Devons-nous tout lui déléguer ? L'état n'est-il pas l'assemblée du peuple citoyen dans la cité ? Car nous avons aussi la problématique des millionnaires qui décident du bien commun tout en s'affranchissant d'impôt. Peuvent-ils décider de ce qu'il est juste de faire ? Nous avons donc plutôt un problème d'agencement des systèmes et de la liberté. Qui doit décider qui aider.
Car la charité réduite au don sans cœur est un asservissement, une corvée. Dans ce cas, il est préférable de recevoir d'institutions qui y sont obligées. Ce serait humiliant de demander l’aumône à quelqu'un qui ne vous aime pas, on serait gêné de lui être redevable. Cela implique donc un lâcher-prise que de recevoir l'amour de quelqu'un. Il est d'ailleurs notable qu'en s’appauvrissant on se libère de ces difficultés du cœur. Lorsqu'on n’a plus rien à perdre on peut tout donner. Est-ce donc bien à l'État d'apporter cette aide ? Mais que faire du jugement, du reproche fait aux personnes qui n'arrivent pas à se débrouiller ? Frédéric Laloux propose alors une organisation en réseau, où chaque élément du système dispose d’une autonomie sous le contrôle de l’ensemble. En effet, nous sommes à présent dans une société où le mot d'ordre est le contrôle de gestion et la rentabilité. Il n'est plus permis de prendre le temps de s'occuper convenablement des gens. Et chacun doit s'employer là où il est le plus efficace, donc à la vocation qui le porte. De quelle façon peut-on donc être encore charitable, avoir le soin de ses proches et de soi-même ? Ce rythme effréné épuise l'humain dans sa capacité à s'exprimer. L’excès de rationalisation est un facteur de souffrance dans les organisations. L'objectif de profit est un frein à la bienveillance. Il faut donc arbitrer entre ce qu'on apporte à la société et l'enrichissement des capitalistes. En cela, l'entreprise à mission est-elle une imposture ? Charité et société On se souvient des entreprises « paternalistes » (welfare companies) qui remplissaient ce rôle de patronage avec l'aide de l'Église. Déjà à l'époque, chacun avait l'espoir de progrès, de sécurité, et de confort. Mais peut-on tout faire par charité ? Faut-il aider les autres quand on le peut ? C'est en cela que travaillant dans des structures de soin, il faut distinguer l'accompagnement de son salaire, ce que l’on donne de soi et ce qui est l'emploi. La charité est donc plus liée à l'individu qu'à la structure qui l'emploie. C'est un besoin de cultiver des liens qui nécessite du temps. Ça n'est pas avec des révolutions brutales qu'on résout les difficultés. La première des libertés est le droit de refuser d'obéir.
De là on voit que cette société basée sur une économie d'échange de bien et service atteint ses limites et qu'une dimension humaine doit y être développée. La justesse se fait dans le tout, nous sommes reliés à l'ensemble. L'individualisme nous mène à une impasse, à un système contre-nature. La charité est une démarche naturelle et c'est le système qui ne va pas. Nous avons perdu l'essence de qui nous sommes et nous avons perdu les relations aux autres. L’égocentrisme nous a paradoxalement éloignés de nous-mêmes. Nous avons perdu le sens de notre espace. C'est ainsi qu'il faut permettre l'émergence de petites structures pour être en accord avec sa vie. Les jeunes veulent réussir à vivre et ne veulent pas du schéma de leurs aînés. Ils veulent des échanges à l'instar du principe blablacar. La charité est un don de soi et nous avons besoin de construire une société charitable pour remplacer la « main invisible » d'Adam Smith, pour reprendre le pouvoir sur notre vie.
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Tout comme la métaphysique est une discipline qui tente d’expliquer avec rationalité les raisons des faits de la physique, dans cet atelier dont le thème était la coopération contre la compétition, il peut être utile de montrer quelle méta-coopération nous avons employée. Olivier F., polytechnicien, observe la société pour y détecter quelles valeurs y émergent, Patricia J., docteur en virologie, est spécialiste de la marketisation d’innovations médicales, comment une valeur peut atteindre son marché, Olivier L., universitaire spécialiste de logistique et d’achats, de transversalité du management, connaît les techniques de conversion d’un marché en usagers, et Guillaume R., expert en analyse des systèmes de gestion, s’en fait leur rapporteur. Nous sommes donc comme 4 éléments complémentaires d’une roue pouvant tourner, s’articuler, pour permettre une prospérité de nos idées plus efficaces qu’en tentant chacun dans notre coin d’en faire commerce. Et représentant pour notre auditoire une capacité de fournir des points de vues se complétant pour y chercher une quintessence, qui va constituer le point de vue de ceux qui auront décidé d’aller nous écouter pour s’enrichir eux-mêmes. Le comportement de coopération n’est pas inné, il faut l’induire et qu’il permette une réciprocité, un partage, une justice distributive. C’est alors qu’une joie survient grâce à l’existence de cette solidarité : on n’est plus dans une solitude inquiétante, on dispose d’un soutien mutuel, d’un retour sur ce que l’on offre. On se sent alors pleinement vivant car on fait société, on voit une unité qui nous rassemble. Mais encore faut-il s’en rendre compte, avoir conscience de ce qui se produit, de la force de création collective comparé à un artiste seul. Car cet éprouvé est contagieux, se propage. On y retrouve la valeur de l’Ubuntu : je suis parce que nous sommes. En travaillant sur deux textes, un extrait de Charles Darwin publié par Olivier F. et un petit essai sur la paix économique publié par Guillaume R., nous les avons reliés avec les travaux d'Elinor Ostrom, prix Nobel d’économie sur le thème des Communs, dont on retrouve une image dans le principe de production des Logiciels Libre (Open Source). On arrive à une plus grande efficacité de la production lorsqu’on s’accorde un temps de palabre préalable pour se mettre tous d’accord sur l’ouvrage qu’on se propose de réaliser ensemble, communément. Nous nous sommes attristés sur la tournure prise par les Jeux Olympiques, compétition initialement faite pour unir les nations autour d’athlètes donnant le meilleur d’eux-mêmes, cherchant à se surpasser pour l’honneur de leur peuple, moment de partage et de joie, de paix, qui est devenu un enjeu bassement politique et économique. Mais noté le modèle économique de Foot Locker qui permet en s’achetant une paire de chaussures plus onéreuse que les autres d'accéder à la particularité de série limitée, qui fait que l’on devient à la fois membre d’une communauté de clients, d’un collectif d’usagers, tout en distinguant son identité par le modèle que l’on porte. Il y a donc un désir d’être bien tous ensemble tout en affirmant sa différence, d’avoir la joie de la coopération sans l’inconvénient d’une uniformisation, tel le goût d’une aristocratie dont on serait l’un des patriciens. Car si à plusieurs on survit plus facilement que séparément, il n’est pas dans la logique de l’humanité d’être tous identiques car nous souffrions alors tous ensemble de nos carences partagées, et d’un superflu de force dans nos vertus communes. Ainsi d’une tradition de « plan de carrière, » qui évoque une mine à ciel ouvert, une extraction de minéraux, ne devrions-nous pas plutôt penser à nos « lieux d’emménagement, » notre citoyenneté, dans notre cité du travail ? Souvent dans les entreprises les équipes ont été pensées par métier et leur manager est un expert de leur métier afin de pouvoir leur prêter assistance. Ce sont des équipes de gens d'un certain identique au niveau de leurs compétences. N'aurions-nous pas de meilleures productivités de celles-ci si leurs compétences étaient transverses, complémentaires ? Ce qui fait que la compétence du manager serait davantage orientée vers l'organisation et la collaboration. Certes un travailleur aurait plus de mal à trouver main-forte pour résoudre un problème mais il y gagnerait en responsabilité et autonomie, en capacité d'aide complémentaire. Ainsi la propension à recruter des clones, issus des mêmes écoles, serait en fait contre-productive sur le plan décisionnel et créatif. |
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Septembre 2022
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