Concepteurs : Françoise C., Antoine CHAIGNOT, Nicolas ROUGIERS Concept d'opinion Le concept de l'opinion diffère selon les cultures et les représentations sociales. En France on l'assimile souvent à l'opinion politique : que penser de la peine de mort, de l'avortement, du Président ? Faut-il alors faire la publicité de ses opinions ou les garder intimes ? Car cela joue sur la formation de celles de la jeunesse. Et donc comment se construit-elle ses opinions ? Sommes-nous vierges de toute influence ? Ainsi il peut arriver de rencontrer dans sa scolarité un professeur qui laisse traverser son discours par une idéologie qui prône la liberté et la contestation mais qui dans les faits se montrera autoritaire voire arbitraire et tyrannique avec ses élèves lors de contrôles et d’évaluations. Il y aura alors une dissonnance entre le contenu du discours et les actes. La psychologie sociale s'intéresse à la formation des opinions car elles conduisent à l'apparition de représentations sociales, souvent prégnantes dans les familles. Celles-ci sont-elles solides et inamovibles, ou versatiles ? Cette expression se fait aussi par l'attitude, le comportement, et se voit chez les parents, enseignants, entourage, amis. Les opinions s'expriment sur l'actualité, la politique, les gens. Souvent établies sur des a priori, on juge le bien, le sympathique. Il s'agit donc d'un jugement de valeur basé sur une interprétation. L'essor des réseaux sociaux Nous pouvons le voir sur Linkedin, aux propos publiés les gens opinent pour dire s'ils sont d'accord ou pas d'accord. Mais il faut aussi noter comment les gens osent l'exprimer dans le champ public, ou se taisent. L'absence totale de commentaires dénoterait-il des ordres implicites de se taire ? Car si on argue que « qui ne dit mot consent », en réalité ces publications visent à faire réagir afin de diffuser largement le propos. Ces opinions sont-elles alors émotionnelles ? Y'aurait-il des facteurs analogues à de la terreur, ou à la pudeur de regarder une œuvre pornographique ? Pourquoi donc ne pas toujours réagir en donnant son opinion, comme si nous n'en étions pas totalement libres ? Car certaines influences peuvent dériver en emprise. On sait que l'homme désire naturellement appartenir à des groupes car cela contribue à son identité, et que ceux-ci tendent à rechercher des consensus. L'individu manque de conscience des rouages, et finalement ne s'expriment librement que ceux qui n'ont plus rien à perdre, tels des marginaux ou des retraités, des indépendants. Les gens évitent les risques inhérents à la liberté, et peuvent avoir peur d'être catalogués. Ainsi en prenant l'exemple des éoliennes où la droite est contre, on peut trouver aussi bien des arguments justes que d'autres de mauvaise foi. Un tel sujet clivant peut devenir virulent. Nous nous demanderons alors pourquoi certains expriment leur indignation et d'autres pas. Serait-ce pour ne pas se mettre en porte-à-faux vis-à-vis de son employeur, même si par ailleurs on est soutenu en privé ? Les gens se retiennent-ils de contredire autrui ? On en arrive même à devoir prendre des publications en photo avant qu'elles nous soient bloquées. Linkedin est-il bien un lieu de débats ? Pudeur et impudeur des opinions S'il est devenu possible d'échanger avec des scientifiques sur les RS, on peut aussi noter que certaines professions restent silencieuses. Et les partages de conférences de grands scientifiques ou les articles de fond entraînent finalement peu de commentaires. Inversement on y trouve diverses populations qui se victimisent et qui suscitent des élans de solidarité morale. Difficile donc de trouver matière à réflexion, des points de vue de qualité, dans une masse d'informations sans intérêt. En effet, émettre une opinion c'est se dévoiler, montrer une manière d'envisager le débat. L'option du dialogue, dans lequel on peut être en désaccord mais toujours unis, est assez peu usitée. Et de fait, peut-on débattre de tout ? Car débattre est par essence polémique, c'est un affrontement : le but est de convaincre l'autre par ses arguments. Or peut-on continuer de respecter quelqu'un quelles que soient ses opinions ? Tandis que dans un dialogue, en théorie les deux partis en ressortent tous deux gagnants. On peut y maintenir sa position, admettre les arguments de son protagoniste, et faire évoluer sa position si nécessaire. Alors que dans le débat le principe est que l'un a raison et que les autres ont tort. Il semble donc plus paisible de se forger une opinion par le dialogue, plutôt que de devoir céder à plus fort que soi. De plus, les opinions sont souvent des croyances, des certitudes fondées sur un récit non vérifié, ou sinon tirées d'un imaginaire en lequel on a foi. Si l'opinion est réputée volatile, la croyance est cristallisée. Conséquences épistémologiques Nous voyons donc la problématique qu'il peut se poser de vérifier une théorie par des expériences qui la corroborent. Comment savoir si une théorie est véridique ? Or c'est une nécessité humaine que de savoir se faire une opinion des théories pour savoir s'il faut les croire, et les suivre. Ainsi on trouve des idéaux de société différents (tel que le marxisme) qui ont suivi une méthodologie pour être construits, et ont créé des courants de pensée. De ce fait leurs arguments sont généralement corrects mais on peut ne pas être d'accord avec eux. Cela peut en particulier venir de biais cognitifs pour ne pas aller à l'encontre de nos pensées, et nous causer des biais de sélection. Il arrive qu'on s'arc-boute, qu'on rejette des arguments qu'on prend pour des dogmes. Alors qu'une théorie peut apporter un éclairage porteur d'idées pour aider à lire le monde. Le défaut est d'en faire une « grille » que l'on « plaque » sur quelque chose sans rapport. C'est ainsi que des théories psychologiques ont été plaquées sur l'économie (Kahneman). Faut-il donc arrêter de se poser des questions ou prendre position pour agir ? Doit-on appliquer ses convictions, en ayant conscience de ses limites ? Car comment peut-on reprocher d'appliquer une théorie ? Ne devons-nous pas être dans l'action, comme un principe moral ? Car la problématique est d'établir la valeur d'une théorie, par rapport à ses propres valeurs, et se demander si elle est supérieure aux autres. D'où le besoin de dialogues et débats. En effet ce qui touche aux sujets sociétaux s'articulent autour de principes moraux. Or une théorie scientifique est réputée neutre axiologiquement, amorale. Mais si on prend par exemple l'idée d'un « mur de la rareté » du malthusianisme, il faudrait ne pas aider les pauvres pour éviter leur multiplication. La qualité d'une théorie doit donc être jugée sur les axiomes qu'elle a pris. L'action conduit donc à chercher le changement d'opinion, et c'est par les représentations que l'on fera agir. Fabrique du consentement A partir d'amorces incitatives, qui peuvent exister temporairement comme des modes, l'individu va chercher à rationaliser ses actes. C'est ici le débat Chomsky-Lippmann sur la propagande, la fabrique du consentement. Par exemple, il sera opportun avant un vote de diffuser des images qui inclinent à certains choix. Le libre-arbitre de ses opinions est donc douteux. Chacun essaie de convaincre une population pour en tirer des suffrages permettant à son ambition de s'accomplir. Sur ce point l'État doit disposer d'un pouvoir de conviction. Il est préférable que tout le peuple adhère à la même vision, quel que soit le régime, libéral ou communiste. Ce qui rend difficile de pouvoir exprimer des opinions différentes. De fait, l'éducation permet une multitude de possibilités, pour se forger ses opinions ou se les fabriquer. On peut ainsi être séduit par une théorie ou la critiquer, mais encore faut-il pouvoir en discuter, rencontrer des controverses, l'interroger. Or nous n'apprenons pas à le faire. Nous n'avons comme exemples que les tenants de diverses théories qui s'affrontent, s'opposent. Alors que, comme en médecine, il faudrait disposer d'une attitude scientifique pour les évaluer. C'est de cette façon que l'on distingue l'art de la science, le suivi d'un dogme de l'examen des connaissances. Nous sommes trop dans le besoin d'agir, de nous agiter, pour prendre le temps de cogiter, d'agiter nos esprits. Nous cherchons des recettes toutes faites qui soient efficientes. Éducation et société Nous trouvons des « genres éducatifs » assez différents entre les universités, les écoles de management, et les écoles d'ingénieur. Si les premières apprécient les controverses, les secondes sont plus en cohésion avec le monde de l'entreprise, adeptes du pragmatisme. Le développement de l'esprit critique ne s'y pratique pas avec la même ardeur, ni la découverte de disciplines connexes. Or n'y a t'il pas un gain potentiel à apprendre aux employés à réfléchir méthodiquement ? Ne devrait-il pas y avoir une relation entre les besoins de la société et les programmes ? Faut-il ne viser que l'efficacité et la rentabilité, plutôt que l'ouverture d'esprit ? Se questionne donc l'instrumentalisation des individus, dans un contexte où il y a peu de place pour les opinions. La société est faite d'experts sachant, et de suivants. Comment la démocratie peut-elle s'y épanouir ? La simple notion de vérité est devenue incomprise, on ne l'explique plus. Celle-ci effraie car comment alors être ou faire ? Où peut-on avoir des débats contradictoires, remettre en question sa pensée ? Et tout le monde en est-il capable ? Car aujourd'hui l'objectif de la communication est devenu de raconter des histoires (storytelling) pour faire adhérer à un projet. On établit des opinions sur des faits, des statistiques, comme on jugerait un délit. Nous avons donc délégué notre pouvoir aux politiques, qui eux-mêmes s'en réfèrent aux experts. Or entre les experts choisis et ceux que nous montrent les media, les qualités ne sont pas toujours les mêmes. Nous avons ainsi vu avec le Covid tout l'écart qu'il y a entre la science et la recherche. Entre agir vite et laisser à la recherche le temps de tester ses hypothèses, nous nous sommes retrouvés avec des injonctions paradoxales. De là nous sommes victimes de biais de sélection, et du niveau de vulgarisation des discours. S'informer est devenu complexe, surtout que nous n'avons reçu aucune éducation à l'esprit critique. L'esprit critique L'approche la plus commune est de se nourrir de textes de diverses natures et opinions pour envisager divers points de vue. Or il faut disposer de loisirs pour cela. Il faut également que dès l'enfance on apprenne à se poser des questions. Le principe est de problématiser la situation sur laquelle il faut se faire une opinion. Il faut aussi pouvoir restituer un débat pour donner son opinion, comprendre les enjeux. Être curieux pour lire ceux qui ont réfléchi, et se cultiver sur la question. Mais chemin faisant il est possible de tomber sur des tenants d'une « chapelle idéologique » pour qui le principe de liberté exclut les idées hérétiques. Comment alors en discuter, et en décider démocratiquement ?
Car en l'absence de discernement, c'est s'ouvrir aux emprises, à la tyrannie. Il est important d'oser exprimer son opinion en argumentant, et d'accepter la critique, la confrontation avec des opinions divergentes, dignes de respect. Mais il faut disposer de temps pour le faire, et de personnes désireuses de « ferrailler ». Il faudra également se préparer aux arguments contraires, en les recherchant au préalable. Sera-t'on dans la certitude, ou dans la versatilité ? Jusqu'à quel point une opinion doit-elle être arrêtée ? Car c'est par cela que nous sommes ensuite en capacité de voter, de prendre une position, même si plus tard, comme on le voit avec le Brexit, il pourra y avoir des regrets du choix que l'on a fait. On aura voté pour ou contre, mais on l'aura choisi.
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Concepteurs : Florence Legouge, Françoise C., Gaétane Hazeran, Patrick de Backer, Philippe Deliège, Martin Bolle Situation Avec l'apparition d'Internet, publier des textes ou diffuser des films est devenu à la portée de tout le monde qui sait écrire ou réaliser un film. Si au préalable le « droit de lecture » était commun dès l'enfance, et le « droit d'écrire » exceptionnel, requérant d'être édité, à présent ce droit d'écriture est devenu commun. Le droit d'être publié n'est plus limité. Et pour certains il est devenu une part fondamentale de leur activité professionnelle, en particulier les politiciens et les chefs d'entreprise. Au lieu de communiquer avec des « bullet points », des présentations synthétiques, il leur faut se mettre à rédiger, et le manque de moyens leur fait sous-traiter l'activité à des « prête-plume ». Mais ceci se trouve noyé dans des diffusions de divertissements de tous côtés. Or si on le compare à des œuvres comme celles de Proust, il faut pouvoir apprécier la valeur de ce qu'on lit. Aujourd'hui nous sommes plus lecteurs de Wikipedia et de fake news, d'un risque de mal lire ce qui est écrit. Par exemple, se pourrait-il que des chefs d’entreprise, très prolixes sur les réseaux sociaux, fassent rédiger leurs publications par une équipe qui imite leur style, jusqu'aux tics de langage ? En irait-il de même pour les ministres ? Cela crée une ambiance de village où les spécialistes s'expriment. De là il faut savoir écrire un discours, ce qui pourrait nécessiter une formation en lettres et philosophie. Il y a donc un essor du copywriting, des concepteurs-rédacteurs, entre autres sur Twitter, pour faire connaître une activité économique ou politique. Pour autant les jeunes délaissent les canaux des aînés et se retrouvent plutôt sur Instagram. Ils seraient en opposition avec les ambitions capitalistes de Mark Zuckerberg. Car il est net que sur Twitter il y a une dimension de narcissisme pour y clamer « j'existe », comme si exister réclamait d'être tenté, essayé, ne soit pas assuré. On veut y faire exister ce qu'on a à l'intérieur de soi, partager ses sentiments, tout en gardant l'objectif de gagner de l'argent. Le propos doit donc être rendu vivant. Tout devient sacré dans le mot, l'émotion, comment on le reçoit, se l'approprie. La parole devient force de vie. Mais va-t'elle bien coller à la personne ? Tant dans sa congruence que dans sa permanence. Imposer un style d'écriture fait partie de l'écrivain. Du « monde d'avant » limitatif, tout le monde est excité par cette nouveauté, et les jeunes sont nés dedans, ils l'ont intégré spontanément. Car tout dépend à présent de qui on suit. Un écrivain peut s’améliorer en publiant sur les réseaux sociaux. La lecture et l'écriture sont-elles alors un facteur d'accroissement de l'intelligence ? Les bonheurs C'est ainsi qu'est née la fonction de community manager pour gérer les réactions du public de suiveurs, travaillant en salariés ou en free-lance. Par ailleurs la communication s'est sophistiquée en se dotant d'une réflexion préalable et d'une stratégie : on désigne des cibles, et une ligne éditoriale. Elle devient pragmatique,à cause d'un effet entraîné par un travail. Il faut donc à présent se former à la communication écrite et orale. On le voit aussi dans la recherche scientifique qui devient socialisante, et ses comités de lecture qui veillent à un degré de vulgarisation des textes, afin qu'ils soient simples et efficaces. L'effort n'a pas disparu mais il est caché, avec un risque de « placage » des résultats à la réalité. Il faut donc les prendre avec un certain recul pour comprendre le problème entre la source de données, la publication, et la vulgarisation du résultat. Cela a donc abouti à l'exercice de la « thèse en 180 secondes » avec l'élaboration d'une structure de présentation attendue : contexte, problème, analyse, résultats. On y appréciera les études de cas qui permettent un storytelling, malgré un risque de standardisation. La structure narrative a pris le pas sur les schémas en constatant son efficacité sur les marchés commerciaux, car elle fonctionne comme une recette de cuisine : d'une trame prédéfinie, des variations de saveur sont possibles. Donc les chercheurs comme les patrons développent à présent leur réputation pour accroître leurs recommandations, et leur avancement. On vous achète si vous êtes visible. Et cela peut être addictif, les politiciens comptent le nombre de fois où leur tweet est vu. C'était impressionnant avec Donald Trump. Il y a alors l'usage d'un signe dans le message pour indiquer s'il est authentique ou rédigé par le ghostwriter, le « génie familier » qui parle pour vous. Car la finalité est de créer un mouvement d'influence. Ce n'est pas qu'une envie d'écrire et un besoin de public. L'écriture est une activité solitaire. Alors qu'il y a de l'adrénaline dans le succès d'un article. On se retrouve enchaîné à un algorithme qui gère le niveau de diffusion. Cela peut être très addictif, avoir un effet de drogue par le circuit de la récompense. C'est là où il faudrait réussir à être sage comme on se met à la bière sans alcool après en avoir bu quelques unes. Il faut aussi ne pas être dupe de ce qui se passe. On écrit en fait à une personne sans la nommer pour qu'elle réagisse. C'est une action sur ses émotions, un court-circuit de sa réflexion. C'était en particulier un talent que d'y parvenir avec un message de 140 caractères. L'oral permet en général une diction de 150 mots par minute, alors que la lecture oscille entre 120 et 850 mots par minute selon le lecteur. Un choix sera donc à faire entre un article et une vidéo. Et puis il y a la nuance entre le contenu et le contenant, qui peut aller jusqu'au spectacle artistique. La manière de présenter une œuvre met l'auteur dans un avatar virtuel de son identité réelle, il devient un personnage. Car un article prend des heures de préparation. Il faut apprendre à le vendre en cassant la glace, attraper la confiance. Le paradigme a changé, même si l'emploi de prête-plumes est très ancien. Souffre-t'on pour autant d'authenticité ? Cherche-t'on à toucher les gens comme si on jouait un personnage ? Que dire de certains auteurs qui sont illisibles ? Il faut être accessible. Une œuvre collective est un travail d'équipe, même si elle est signée d'un auteur principal, comme on peut le voir avec le cinéma ou la bande dessinée. C'est aussi une source d'emplois. On s'y demande quelles idées sont vendables. On aime parler de bonheurs et de malheurs, de joies et de peines, jouer sur le côté vivant, comme s'il y avait une partie de savoir et une partie vivante, avec une lueur d'espoir. On appelle à l'action par la motivation qu'une émotion suscite. Car la réaction est avant tout émotive. On peut devenir célèbre pour avoir commis une faute. Et puis on tend à perdre sa faculté de jugement en face d'une argumentation bien faite. Ainsi il peut exister plusieurs vérités. Dire ce que l'on pense nécessite un entraînement, connaître l'intention de l'action, le pourquoi du message, et le pour quoi. Toute publication revêt une intention, qui n'est pas toujours l'intérêt général. Et les malheurs... Dès lors le message donne une direction, davantage que fournir une vérité. Les choses sont posées avec des mots, et structurent la pensée. Le temps manque pour pouvoir réfléchir, les publications deviennent comme des marches d'un escalier. Selon le média, le journal, il peut être demandé des chiffres, des ratios, des tableaux, ou des illustrations, des photos. Le style littéraire joue également sur l'efficacité. Ainsi il semble y avoir des écarts pour la fonction de Maire entre celui du petit village qui communique mal et celui de la grande agglomération qui s'exprime beaucoup, mais en réalité les équipes ne sont pas les mêmes. Le niveau des malentendus à gérer ensuite n'est pas le même. En effet on peut déclencher des émotions involontaires par l'écrit, d'où le développement des émoticons pour illustrer son message. D'où également l'impératif de ne pas twitter à chaud sous le coup d'une émotion. Les community managers y sont habitués et ont une grande intelligence émotionnelle. Doit-on alors choisir des sujets qui ne déclenchent pas d'émotions, de réactions ?
Car les réseaux sociaux présentent l'avantage de s'ouvrir à d'autres identités sociales, d'autres professions, et ne pas rester dans un entre-soi. Les copywriters ne sont d'ailleurs pas avares de conseils. L'expérience est instructive : il faut maîtriser la langue, les concepts, le terrain. Il faudra aussi choisir son réseau selon sa cible, certaines communautés sociales se retrouvent plus sur certains réseaux que d'autres. Il faut aussi se méfier que l'écrit engage plus que la parole, il peut rester publié très longtemps quand l'oral s'oublie plus vite. Certaines situations peuvent causer des ravages sur le psychisme, par manque de capacité de recul. Le respect de la personne n'est pas assuré et il peut même arriver qu'on usurpe son identité. Nous arrivons donc au paradoxe de devoir protéger les écrits intellectuels tout en se protégeant des rumeurs, des brocards populistes, des harcèlements. Nous avons donc comme dans un jeu d'échec des pièces en mouvement, où peu sont rationnelles. On s'interprète les uns les autres avec plus ou moins d'exactitude. Il n'y a plus le frein naturel de voir la personne émue en face de soi, la communication en ligne est sans filtre. Les mots s'emballent, il faut gérer son impulsivité, sa respiration. Mais est-on concerné personnellement ? Concepteurs : Florence Legouge, Antoine Chaignot, Patrick de Backer Relations ou relation ? Il n'y a pas un modèle unique de relation entre les êtres humains, celle-ci peut prendre des formes multiples, complexes. Elles partent d'une relation à soi-même qui se transforme en relation aux autres. Le style de relation que l'on a avec les autres ressemble à la relation que l'on a avec soi-même. Ceci à différents niveaux : pensée à pensée, cœur à cœur, relation amoureuse, ou filiale, etc. C'est aussi une question de réceptivité à l'opportunité qui se présente, et l’on pourra s'interroger sur les nouvelles formes de relations induites par Internet et les réseaux sociaux. Or, la science n'en dit pas grand-chose car il lui manque des instruments pour mesurer les relations, des moyens d'expériences. En effet, une relation est-elle nécessairement intéressée ? Les réseaux de rencontres répondent à des désirs, des besoins. Va-t'on vers l'autre avec un esprit noble ou un esprit manipulateur ? Cherche-t'on à se faire plaisir, à vendre quelque chose ? Ne pouvons-nous pas nous contenter d’être avec nous-mêmes ? Peut-on avoir une relation dans le seul but d'avoir une relation ? Quel devient l'intérêt d'échanger ? Pour Aristote l'amitié pouvait être motivée par trois facteurs : le plaisir tiré de la relation, l'intérêt qu'elle pouvait avoir, ou la communauté de qualités humaines (vertus). D'autre part, le mot intéressant vient du latin inter-esse, être entre. La relation peut alors permettre d'atteindre un but, d’accomplir une quête. Tandis que pour le misanthrope l'enfer c'est les autres. Le bien auquel on parvient doit donc être dissocié du plaisir trouvé dans la relation. Qu'est-ce alors que l'homme ? L'homme est-il membre d'un tout, tel qu'une cité, ou est-il un individu isolé ? Le modernisme numérique rend la distinction plus difficile et les générations âgées peuvent être déroutées par les filtres qu'Internet a créés. La réalité d'une relation où on se rencontrait en face-à-face a été remplacée par la réalité virtuelle portée par des messageries et des vidéoconférences. Or, a-t’on bien affaire aux mêmes personnes lorsqu'on les a devant soi ou les voit derrière un écran ? Se réunit-on pour discuter d'un sujet, ou avoir un moment convivial erratique ? Car si on considère les sites de rencontres « amoureuses », les utilisateurs sont là avec un objectif, ils veulent parfois aller vite, et cherchent le bénéfice de la liaison avant qu'elle ait eu lieu. De plus, comparé aux agences matrimoniales, la possibilité de pouvoir mener des dialogues simultanés avec plusieurs personnes n'est elle pas le symptôme d'une forme de consommation, voire d'une boulimie ? Nous constatons donc une perte de sens de la réalité et une instrumentalisation des relations. L'homme animal politique selon Aristote, faisant corps dans la cité, devient plus solitaire, individualiste. Or n'avons-nous pas un besoin vital car « sans l'autre je ne suis rien » ? N’existons-nous que par le regard des autres ? Pourrions-nous vivre comme Robinson, en retraite dans une île déserte ? La relation fournit donc un sens, circule, et dans celle-ci nous pouvons être tour à tour prédateur et nourrisseur, prendre ou donner, avec un équilibre ou non. Ce qui nous oblige à avoir des capacités de donner et de recevoir.
Mais que devient cette liberté avec l'actuelle nécessité de distanciation sociale ? Comment avoir encore des rencontres inattendues si un déplacement requiert une attestation ? Par ailleurs, les réseaux sociaux tendent à un utilitarisme des relations : les gens s'y retrouvent pour savoir ce qu'il advient de leurs contacts, glaner des informations. Tandis qu'un lieu comme un café permet des rencontres inattendues, imprévues, parfois insolites. On peut s'y laisser porter, être plus fluide, sans but d'excellence affichée. Relations au travail Celles-ci sont particulières car intéressées : pour avancer en carrière il faut se faire valoir, et la reconnaissance permet de justifier ses progrès. La lutte pour le pouvoir y est manifeste, même si elle se dissimule dans une apparente bienveillance. Les égos se comparent, se jaugent. On peut en être facilement éliminé par un licenciement, ou soi-même éliminer l'entreprise avec une démission. Sans cela le risque est de se retrouver placardisé ou muté lorsque l'on dérange. On voit même apparaître des entretiens de licenciement par outils de vidéoconférence. Que dire aussi du Président des USA brutalement éjecté de son moyen de communication favori ? On désintègre à présent les gourous qui dérangent. Or on trouve dans la société, et en particulier dans les entreprises, des gens qui veulent dominer par la manipulation. Leur structure énergétique résulte d'une trahison, ils n'ont confiance en personne et cherchent un pouvoir de domination, attaquant tous leurs détracteurs. Pour autant, il faut être dans une stabilité émotionnelle pour se mettre en relation avec l'autre. Les énergies doivent être compatibles, en mouvement, ou sinon ce sera la guerre. Celles-ci doivent être perceptibles, et comprises pour savoir les employer. Il faut trouver sa juste place, afin qu'elles circulent correctement. Bien se connaître Pour Spinoza il faut comprendre ce qui nous affecte, être en accord avec la nature, c’est-à-dire le tout. Car nous ferions tous partie d'un même ensemble. Mal nous connaître nuit à nous reconnaître dans ce tout. En effet, il nous faut connaître nos désirs car notre relation de base est une relation à soi. Selon notre vécu nous serons portés à certains points de vue, à certaines ambitions. C'est en changeant en soi qu'on change d'être, de sa relation au monde. Ce qui entraîne le changement d'entourage par ce nouveau regard, cette nouvelle manière de penser. Nous sommes donc en vibration avec le monde. Ceci dit, nous ne pouvons pas tout connaître et nous nous retrouvons alors ballottés par la vie. Puisque nous sommes affectés par ce que nous percevons, cela agit comme un cercle auto-entraînant qui peut être vertueux ou vicieux, maintenant le bien ou le mal. Il faut donc savoir si l’on agit selon sa nature ou si on décide rationnellement selon ses besoins. C'est là que peut se faire sentir une nécessité de métamorphose, pour pouvoir choisir sa vie, le futur que l'on veut pour soi-même, et ne pas arriver là où on ne veut pas : arrêter de grandir dans un état pour passer à un autre état à construire, et ne pas croire qu'en changeant de contexte on changera soi-même. Il faut changer à l'intérieur. Protéiforme Nous sommes chacun avec de multiples facettes : tour à tour tueur, gourou, amuseur, etc. C'est ce qui nous permet de distinguer l'acceptable de l’inacceptable. Changer est donc se transformer et c'est une erreur de l'envisager comme un affrontement avec soi-même. Il faut être dans l'acceptation du futur qui vient et travailler sur ses fondations, ce qui n'est pas toujours lumineux et joyeux. Cela peut se noter dans la synchronicité entre qui on est et qui l’on attire. Les relations pérennes montrent la compatibilité entre soi et l’autre et on peut très bien se retrouver avec des victimes ou des bourreaux selon les cas. Il faut parfois savoir accepter sa noirceur.
Alors que notre société nous pousse à des relations basées sur la raison, il faut réaliser que celles-ci font partie de notre instinct, de notre manière de survivre. Paradoxalement, nous sommes mal équipés pour ces relations , il y a un décalage entre potentiel et usage, nous avons un problème d’ajustement. Car on ne peut s'empêcher de les penser par la tête alors qu'il faudrait les aborder par le cœur. Nous avons besoin de ressentir et éprouver dans la chair. En conclusion, on peut se demander quels palliatifs trouver à la privation de relations que nous impose la situation sanitaire. il y a par exemple la question des étudiants, jeunes gens en pleine construction d'eux-mêmes, qui dépérissent, alors que c'est l'âge d'une effervescence de relations. Car nous devenons adultes sur cette base de relations qui nous suivra au long de la vie, puisque dans la société nous sommes en relation les uns avec les autres, ne serait-ce que du fait de contrats de travail. En effet, le contrat est un lien formel entre personnes. Les jeunes gens qui en sont privés vont-ils alors en garder des séquelles, des handicaps ? Nous avons besoin de respirer la vie qui est en nous. Concepteurs : Florence Legouge, Françoise C., Philip Anderson, Patrick De Backer, Antoine Chaignot Rédacteur : Guillaume Rosquin Charité et institution En France, l'État prend en charge la charité par l'impôt et sa redistribution, ce qui exonère le citoyen d'être directement charitable. Cette fonction a été transférée de l'Église à l'État, puis aujourd'hui à des entreprises mécènes et des associations de bénévoles. C'est l'effet de « l'amendement Coluche », un système de défiscalisation des versements caritatifs qui devait être provisoire et s'est enraciné car il satisfait l'État qui se décharge ainsi d'une fonction. Alors que les bénévoles ont une volonté de solidarité, d'aider leurs prochains. On constate également que l'action d'aider ne dépend pas des moyens car ce sont souvent des gens humbles qui s'investissent le plus. La cité a besoin d'une charité naturelle, sans jugement. L'État qui administre la cité ferait-il défaut ? Les classes sociales ont-elles conscience de leurs natures et de la nécessité de collaborer entre elles ? Car il est net que la minorité riche influe sur la cité par ses entreprises. Or, derrière une bonté de façade, il peut y avoir des propos dédaigneux, comme parler des « sans dents ». En conséquence, les gens sont donc portés à se regrouper pour se prendre en charge collectivement, et il y a des créations d'associations formidables. En comparaison, l'État avec sa structure pyramidale et sa lourde bureaucratie est bien peu efficace. On se demande donc quelle est sa mission ? D'où vient son absence de flexibilité ? Pourtant les circonstances actuelles nous ont imposé une autre façon de travailler et nous avons pu être mobiles, réactifs, flexibles. Ces hiérarchies, sources de souffrances, ont dû laisser l'humain s'exprimer et créer son mode de travail, comme dans l'Economie Sociale et Solidaire qui fonctionne souvent par cercles collaboratifs. Cela laisse plus de place pour la charité, pour prendre soin des gens autour de soi, de ses collègues. On a vu chacun apporter un soutien aux personnes dans le besoin. La charité est redevenue un geste. La charité est un acte de bienveillance. Charité et acteMais il faut aussi trouver la « bonne distance » pour permettre le contre-don (Mauss). Recevoir de l'aide nuit à la confiance en soi. Il faut se laisser la possibilité de recevoir en échange car le don peut être humiliant. D’autant plus lorsque le don est réclamé parce que le besoin est impératif. Le fait de donner sans retour doit donc être contrôlé sans pour autant être un jugement. En donnant, on se fait du bien à soi, on remplit un besoin. Mais lequel est-ce ? Est-ce une culpabilité qu'on soulage ? Alors que l'ancien principe des « tables ouvertes » s'est perdu, avons-nous aussi perdu une qualité puisqu'on n'ouvre plus sa porte aux gens dans le besoin. Car la charité oblige à ouvrir son cœur. A-t'il donc été habituel de donner en faisant partie d'une structure, d'un organisme de patronage ? Dans les campagnes il y avait de l'entraide, tandis qu'à présent c'est dans les hôpitaux qu'on va trouver des visiteurs qui viennent apporter de la compagnie, créer des liens, donner de leur temps. Et au lieu d'ouvrir sa porte, on va maintenant dans des lieux prévus pour y donner ce que l'on veut. C'est l'enfant qui a reçu et donne en retour. Tout comme ceux ayant souffert vont soutenir ceux qui souffrent. C'est en cela une notion de justesse et de justice. Dans le droit latin la justice se rapporte à ce qui est mérité, et qui est décrit par des lois. Or ici la loi est la relation à l'autre qui se construit. La justesse comprend une recherche de reconnaissance et c'est par le regard des autres que l'on existe. L'acte charitable commence donc par une conscience de soi, et d'un sentiment de l'acte juste. Il faut être en capacité d'empathie et de pitié. Le chemin de vie doit être parsemé d'actes justes. Car après tout, que serait l'État sans nous ? Devons-nous tout lui déléguer ? L'état n'est-il pas l'assemblée du peuple citoyen dans la cité ? Car nous avons aussi la problématique des millionnaires qui décident du bien commun tout en s'affranchissant d'impôt. Peuvent-ils décider de ce qu'il est juste de faire ? Nous avons donc plutôt un problème d'agencement des systèmes et de la liberté. Qui doit décider qui aider.
Car la charité réduite au don sans cœur est un asservissement, une corvée. Dans ce cas, il est préférable de recevoir d'institutions qui y sont obligées. Ce serait humiliant de demander l’aumône à quelqu'un qui ne vous aime pas, on serait gêné de lui être redevable. Cela implique donc un lâcher-prise que de recevoir l'amour de quelqu'un. Il est d'ailleurs notable qu'en s’appauvrissant on se libère de ces difficultés du cœur. Lorsqu'on n’a plus rien à perdre on peut tout donner. Est-ce donc bien à l'État d'apporter cette aide ? Mais que faire du jugement, du reproche fait aux personnes qui n'arrivent pas à se débrouiller ? Frédéric Laloux propose alors une organisation en réseau, où chaque élément du système dispose d’une autonomie sous le contrôle de l’ensemble. En effet, nous sommes à présent dans une société où le mot d'ordre est le contrôle de gestion et la rentabilité. Il n'est plus permis de prendre le temps de s'occuper convenablement des gens. Et chacun doit s'employer là où il est le plus efficace, donc à la vocation qui le porte. De quelle façon peut-on donc être encore charitable, avoir le soin de ses proches et de soi-même ? Ce rythme effréné épuise l'humain dans sa capacité à s'exprimer. L’excès de rationalisation est un facteur de souffrance dans les organisations. L'objectif de profit est un frein à la bienveillance. Il faut donc arbitrer entre ce qu'on apporte à la société et l'enrichissement des capitalistes. En cela, l'entreprise à mission est-elle une imposture ? Charité et société On se souvient des entreprises « paternalistes » (welfare companies) qui remplissaient ce rôle de patronage avec l'aide de l'Église. Déjà à l'époque, chacun avait l'espoir de progrès, de sécurité, et de confort. Mais peut-on tout faire par charité ? Faut-il aider les autres quand on le peut ? C'est en cela que travaillant dans des structures de soin, il faut distinguer l'accompagnement de son salaire, ce que l’on donne de soi et ce qui est l'emploi. La charité est donc plus liée à l'individu qu'à la structure qui l'emploie. C'est un besoin de cultiver des liens qui nécessite du temps. Ça n'est pas avec des révolutions brutales qu'on résout les difficultés. La première des libertés est le droit de refuser d'obéir.
De là on voit que cette société basée sur une économie d'échange de bien et service atteint ses limites et qu'une dimension humaine doit y être développée. La justesse se fait dans le tout, nous sommes reliés à l'ensemble. L'individualisme nous mène à une impasse, à un système contre-nature. La charité est une démarche naturelle et c'est le système qui ne va pas. Nous avons perdu l'essence de qui nous sommes et nous avons perdu les relations aux autres. L’égocentrisme nous a paradoxalement éloignés de nous-mêmes. Nous avons perdu le sens de notre espace. C'est ainsi qu'il faut permettre l'émergence de petites structures pour être en accord avec sa vie. Les jeunes veulent réussir à vivre et ne veulent pas du schéma de leurs aînés. Ils veulent des échanges à l'instar du principe blablacar. La charité est un don de soi et nous avons besoin de construire une société charitable pour remplacer la « main invisible » d'Adam Smith, pour reprendre le pouvoir sur notre vie. Concepteurs : Philip Anderson, Florence Legouge, Françoise C. Rédacteur : Guillaume Rosquin Quelquefois on veut atteindre le Graal avant d'en connaître le chemin. Il vaut mieux aller en soi pour y chercher ce qui vous anime. Si le CV à pris pour vocation d'être un document vous aidant à obtenir un entretien en vue d'embauche, il ressemble de moins en moins au latin curriculum vitae qui signifie « le déroulement de la vie ». Mais entre la sémantique et la vraie vie, il importe de se comprendre dans la société, et d'employer un vocabulaire que le recruteur comprend. Comment donc alors rédiger un CV ? Qu'est-ce qu'on en attend ? Est-ce la stabilité dans le métier ? A-t'on droit à avoir un parcours atypique ? Comment écrire ce que le recruteur a envie de lire sans être trop transparent ? Il faudrait à chaque fois reprendre la sémantique de l'offre d'emploi pour être sûr d'utiliser les mots voulus. Mais cette approche, difficile pour quelqu'un de maladroit en communication écrite, ne risque-t'elle pas de faire échouer des bons profils ? Ainsi une femme non motarde peut-elle candidater avec succès à une offre demandant « un homme qui connait la moto » ? Si vous habitez Angers avez-vous le droit de postuler à un emploi à Lyon ? Les critères peuvent être mauvais. Souvent dans les emplois les critères techniques ne sont pas les plus importants car il est relativement aisé de les apprendre. Plus complexes sont les critères humains, de savoir-être, qui peuvent sembler invisibles, et faire de vous une personne-clé, non interchangeable. Comment être un pro des relations humaines ? Et puis comment aborder un candidat qui a effectué une reconversion, un changement de cap dans ses compétences ? Comment le situer au côté de jeunes candidats qui se sont mis à rivaliser d'adresse pour produire des CV tous plus éclatants que les autres ? Car dans d'autres circonstances, plus commerciales, on dispose de quelques minutes pour présenter un pitch, pour convaincre d'essayer, et plus tard cela se renforce par le bouche à oreille, la réputation. D'où l'apparition de CV filmés en vidéo. Mais dans la plupart des cas il y a un effet de stress, d'angoisse, en prévision de ce moment où on joue sa vie, qui fait qu'on se pose trop de questions. La sophrologie apparaît alors comme un possible remède pour se détendre et aborder cette épreuve en étant plus détendu. Les informations voulues Car le CV ne sert pas qu'à vérifier les compétences attendues, on y regarde aussi la connaissance qu'a le candidat du monde de l'entreprise et de ses règles. S'adaptera-t'il à la discipline, à la hiérarchie ? Montrent-ils qu'ils s'investissent dans leur travail ? Ont-ils eu des parents chefs d'entreprise ? Ont-ils un esprit entrepreneurial ? Le déroulement de la vie donne donc des indications sur la connaissance des règles, et permet de présager si le candidat pourra avoir des problèmes. Constater un début de vie active à 16 ans est aussi un indicateur d'une maturité précoce. Mais le fait d'avoir contracté un emprunt pour suivre ses études en est un autre car on ne part plus dans la vie active la fleur au fusil, on a un crédit à rembourser et l'accès à l'emploi devient critique. Il faut donc suivre une méthode pour avoir les emplois dans lesquels on pourra développer une expérience probante qui servira de tremplin pour les emplois suivants. Il faut en particulier montrer qu'on obtient des résultats, et qu'on a acquis une compétence comportementale qu'on relatera dans la lettre d'accompagnement, dite « de motivation ». Il faut se montrer utile et bienveillant, se projeter sur le lendemain. C'est en cela que la sophrologie peut débloquer des problèmes et faciliter une meilleure rédaction de CV. Car il s'agit de communiquer pour donner envie au recruteur de s'exprimer. Il ne vous contacte pas seulement pour vous entendre mais pour vous expliquer le poste. Dans ce but le comportement en communication doit être désirable. Il faut être coopératif, non directif, et respecter la réflexion de l'autre. On a autant besoin de compétences professionnelles que d'habileté en communication. Car dans quelques années vous devez parvenir au fait que votre N+1 regrettera votre départ. Il peut donc y avoir besoin d'une nouvelle forme de CV plus efficace pour débloquer les nœuds, pour relier les besoins de l'entreprise avec les objectifs du candidat. Car on vise un assemblage, le sens du latin legō, d’où l'intellegere est l'intelligence. Il ne faut pas perdre du temps et les annonces stéréotypées n'aident pas à choisir les postes où on s'épanouira. Quelles compétences ? Le CV compétences paraît adapté pour les parcours atypiques et doit faire apparaître les soft skills, montrer qu'on garde la flamme de l'envie, qu'on ne s'épuise pas par manque de ressources, qu'on reste créatif, qu'on sait ce que l'on veut, ce qu'on est devenu, ce qu'on veut être. Car avec les entreprises devenues mouvantes, vaut-il mieux un CV thématique ou chronologique ? Il y a ainsi d'autres approches comme celle de Denis Castra qui avait créé une organisation d'aide au retour à l'emploi par la mise en situation en entreprise : refaire un apprentissage pour retrouver la réalité d'un métier, à la manière du compagnonnage. L'important étant le lien et la confiance. Dans le déroulement de la vie il y a aussi les hobbies dont les compétences mises en œuvre peuvent être transférables à l'emploi, qui ont un sens pour l'entreprise. L'important est de présenter des qualités, et que ce déroulement de vie ait un sens, que les étapes s'articulent entre elles. On doit trouver une cohérence dans le métier, donner l'impression qu'on a travaillé dans la sérénité. Pour cela il faut montrer que là où on est passé on a trouvé confort, bonne ambiance, sécurité, et revenu. Il faut donc se doter des moyens de remplir son CV par ses expériences, prendre en charge le déroulé de sa vie, ne pas s'endormir sur le diplôme, garder sa motivation et ses priorités pour un choix de vie. Le parcours doit être réfléchi. D'où le besoin de N+1 encourageants. Les compétences s'entendent comme savoirs, savoir-faire, et savoir-être et dénotent des aptitudes, alors que l'exercice (leur application) va indiquer l’habileté dans ces aptitudes. Pour y parvenir il faut donner confiance aux gens, être en présence avec eux. Cela induit une compétence en sociabilisation d'où découle un comportement. Mais lorsque l'habileté est transposable elle devient compétence, et donc celles-ci peuvent se révéler par une mise en situation. Et il y a alors le problème des candidats inaptes à bâtir un tel type de CV, n'en ayant pas les compétences, ou ayant besoin d'une préparation émotionnelle pour se projeter dans l'entreprise. L'élan vital Savoirs, savoir-faire, et savoir-être doivent répondre à une vraie envie, un élan, pour lequel l'usage de l'intuition peut être profitable. Il faut s'estimer soi-même positivement, et nous y retrouvons Spinoza disant « S’aimer soi-même, persévérer dans son être, affirmer la Joie de sa propre existence, telle est la condition fondamentale pour aimer autrui. » Ceci nous amène donc au besoin d'un CV technique et d'un CV de vie, en plus d'une compétence en ciblage des entreprises dans lesquelles on trouvera les moyens de continuer son projet de vie. En théorie 10 candidatures devraient suffire pour obtenir un emploi, à la condition qu'on sache qui va aimer nous rencontrer, qui sera en joie de nous connaître.
Il faut ainsi se positionner pour avancer, articuler sa vie autour de ses compétences, savoir ce que l'entreprise prospectée fait, comment elle est organisée, pour présumer y avoir sa place en lui étant un apport de compétences. Les choses doivent avoir un sens. Le CV n'est pas que le déroulement de la vie, il doit aussi montrer les atouts, les performances, le rendement. La performance provient du vieux français parfournir qui est de fournir entièrement, mot ayant transité en anglais où il est devenu le fait d'exécuter une action, d'être sur scène, de réaliser quelque chose. La vie est une performance. L'employeur attend d'être parfourni par votre travail, que vous n'en laissiez pas à côté. L'esthétique de l'existence de Michel Foucault doit apparaître dans votre parcours. Concepteurs : Philip Anderson, Yolaine Hodebourg, Florence Legouge, Françoise C. Rédacteur : Guillaume Rosquin Compte-rendu de l'atelier du 09/09/2020 Situation des jeunes travailleurs Les jeunes sont salariés avec l'idée que c'est une mission temporaire, étant loyaux mais infidèles. Car à présent les évènements extérieurs ne sont plus maîtrisés et l'entreprise ne peut plus garantir un emploi à vie. Ils se sont donc préparés tôt à ce mode de vie, se forment en permanence, et prennent là où ils sont ce qu'ils peuvent apprendre avant de partir ailleurs, sans état d'âme, comme des papillons qui butinent. Les entreprises doivent s'y habituer, c'est une contrepartie de leur nouvelle fragilité. Cela s'est encore accentué depuis 2008. C'est lorsque le jeune commence à être performant qu'il s'en va. Face à cela le management n'a pas su se remettre en cause pour devenir plus participatif que directif. Car la première expérience pour le jeune travailleur lui fait mettre tout le monde dans le même schéma. On se rend compte qu'il n'y a plus cette conversion des apprentissages en alternance par un emploi dans l'entreprise. Après s'être form, le jeune part travailler ailleurs. Une possibilité pour le retenir est de lui apporter un tutorat pendant sa formation. Ces jeunes ne trouvent pas chez leurs parents des sources de sagesse pour savoir comment se comporter au travail, jugeant que leurs situations réciproques ne sont pas comparables. Le dialogue familial est donc à rétablir. Car le fondement est de savoir comprendre la logique des autres, en particulier ceux qui sont en situation de vous gouverner. Sans éducation au dialogue, cela n'est pas possible, la communication est difficile et on ne parvient pas à savoir ce que l'autre veut. Il faut également comprendre quelles sont les manières d'être pour superviser et lorsque l'on est supervisé. Comme vu dans le précédent atelier, le mouton n'accepte plus son berger s'il se pose des questions dont les réponses remettent en cause son autorité. Le manager-berger doit donc réapprendre à se faire respecter car les codes de ces manières d'être ont changé. L'entreprise fantasmée Peut-être à cause des nombreuses écoles de management au savoir théorique, le jeune espère un idéal qui n'existe pas. Il rencontre alors des difficultés d'intégration. Il lui faut se mettre à son compte pour réaliser qu'il faut avoir les bonnes attitudes, ne pas contrarier les managers et les clients, et que conserver ses collaborateurs est une problématique du chef d'entreprise car les départs induisent des changements dans l'organisation. Or il faut savoir que tous les chefs, patrons ou managers, ne suivent pas le même style (?) même si les grandes entreprises les forment à des canevas relationnels. Un chef peut être conducteur (leader), gouverneur qui dirige, commandeur qui ordonne, ou administrateur qui gère. Il y a aussi le patron qui applique une stature traditionnelle, dite « paternaliste », familière et autoritaire. Il faut donc prendre son temps lorsqu'on cherche du boulot et rencontrer les potentiels chefs pour savoir avec lesquels on va s'entendre, avoir plaisir à collaborer. Cela implique de savoir les questionner pour les reconnaître, et de se connaître soi-même pour savoir ce qui nous convient. Ici aussi le dialogue est essentiel. En effet le salarié à des attentes à l'égard de son chef d'entreprise et de ses managers à qui il délègue ses pouvoirs : l'employé tient ces chefs responsables du confort et de l'ambiance de travail, de la sécurité de son emploi, et du niveau de rémunération. Si ces trois critères se dégradent l'employé se mettra à préparer son départ pour trouver d'autres chefs. Pour cela ceux-ci doivent exercer leur travail d'organisateurs, de bons gestionnaires, et de visionnaires. Le travailleur s'occupe du quotidien, son chef prévoit ce que sera l'avenir, et fait en sorte que le travailleur soit bien considéré. Or les jeunes suivent à présent des études où ils n'ont pas d'ancrages, avec des séjours à l'étranger, et y apprennent des modes de collaboration qui ne se retrouvent pas en entreprise. Habitués à des campus et à une faible relation avec leurs enseignants, ils découvrent ensuite des milieux assez clos et des managers assez présents, contrôleurs. La difficulté est accentuée dans une grande structure où il est difficile de connaître les gens pour développer des relations de travail basées sur les valeurs humaines et le bien-être. Dès lors la start-up est un modèle en vogue où les jeunes se plaisent, y trouvent une tension qui leur convient, où ils ne subissent pas une hiérarchie oppressante. Mais avec la phase de confinement en 2020 ils ont découvert qu'il existe une autre vie possible que celle sur son lieu de travail. Ils réfléchissent donc à de nouveaux styles de vie. La figure du chef Auparavant la légitimité des chefs était assurée par leurs compétences dans l'art et la technique car ils étaient des ingénieurs qui finissaient par se mettre à leur compte. Alors qu'aujourd'hui on attend d'eux qu'il soient des gestionnaires et qu'ils ne pilotent pas à vue. L'entreprise est devenue tournée vers ses clients qui sont essentiels à son existence. Sont apparus des effets de mode qui font que le client n'est plus captif et part se fournir ailleurs s'il y trouve mieux. La pérennité de l'entreprise passe donc par une gestion habile plus que par la qualité du management humain. Mais si ce patron réunit ces deux qualités on reste avec lui. Se mettre à son compte devient donc un désir de pouvoir choisir ses clients et son mode de vie. Il s'agit de créer un enrichissement mutuel entre soi et eux par l'échange de connaissances. On y trouve une réelle liberté au sens d'Aristote et de Hobbes de n'être plus commandé, et de pouvoir adapter son travail à sa manière de vivre. Car le salariat est fatiguant, les contraintes sont nombreuses, et sa propre sécurité dépend d'un autre que soi, qui peut être faillible. Cela créé une situation de pression morale qui dérive parfois sur du harcèlement. Alors que l'entreprenariat cause une insécurité compensée par la qualité de vie que cela apporte. Cela devient comme un jeu où chaque mois tout peut être remis en question. Aristote disait qu'il y a peu de différence entre l'esclavage et le salariat. L'humain aime pouvoir maîtriser sa propre situation, quitte à réduire ses besoins à cause de sa précarité. Mais il y a aussi les gens qui ne voient que leur intérêt et leur plaisir propre (égoïstes), et utilisent les entreprises pour se former pour évoluer, et les chefs d'entreprise salariés dont la rémunération ne dépend pas de leur efficacité. Certains ne jouent pas le jeu, trichent. Une forme de solution est alors apparue dans les SCOP qui agrègent des indépendants qui s'entraident tout en gérant leur propre clientèle individuellement, en étant rétribués selon le régime des salariés, ce qui leur donne droit aux allocations chômage en cas d'échec de leur activité. Mais comme ces organisations échappent au modèle du capitalisme, elles restent marginales. Parmi les premiers à s'être ainsi mutualisés on trouve les instituteurs qui pour se fournir avaient créé la CAMIF comme centrale d'achat, la MGEN en complémentaire santé, la CASDEN comme banque, et la MAIF pour s'assurer. La capacité de l'humain à ainsi s'associer pour combler des lacunes des employeurs est donc ancienne. Mais l'Éducation Nationale a alors accru sa direction pyramidale, est devenue gestionnaire, bien que non soumise aux vicissitudes d'une entreprise et que ses « clients », à l'instar des hôpitaux, ont besoin qu'on puisse leur consacrer du temps sans qu'il soit comptabilisé, mesuré. L'E.N. se retrouve managée comme une banque, avec des procédures strictes qui deviennent kafkaïennes. Or peut-on tayloriser l'enseignement ? Ne faut-il pas plutôt s'y impliquer ? L'image de soi L'humain a besoin que ses compétences ne soient pas étouffées par sa hiérarchie, qu'il puisse disposer d'une liberté d'initiatives supervisées avec bienveillance en cas d'erreur. Il en va de l'image de soi qui ne désire pas être instrumentalisé, réifié, manipulé. On se forme donc pour peut-être un jour créer son propre emploi, lorsque le moment sera venu, s'il vient un jour. L'humain n'est pas paresseux par nature.
Dans ce but les métiers manuels apportent une plus grande capacité migratoire, de mobilité, car ils sont devenus en tension. Ils permettent également de s'incarner davantage qu'un métier intellectuel dont la production est virtuelle. Mais la compétence indispensable reste un sens de l'organisation si on veut diriger une entreprise, pour soi-même ou avec des salariés. Ce qui implique de comprendre comment les choses marchent pour pouvoir les implémenter, tout en restant concentré sur son cœur de métier. Il peut donc y avoir un besoin d'inventer un nouveau modèle tel que l'intraprenariat dans les entreprises. Celui-ci est généralement confié à des profils commerciaux qui vont développer une nouvelle affaire, pour laquelle la personnalité du dirigeant joue beaucoup, et qui recrée un plaisir dans l'emploi par l'autonomie ainsi procurée. On se met à croître tout en gagnant de l'argent au sein d'une organisation qui fournit un socle. Mais pour cela il faut être mûr à la suite de sa longue formation empirique, comme une sorte de mutation de la chenille devenant papillon. Les gens seront ce qu'ils peuvent être. Il convient donc de motiver les meilleurs talents, et que ceux-ci se constituent un réseau pour établir une toile où les gens créeront de la valeur ensemble. Le travail doit avoir un sens et donner envie. Dès lors il faut se donner le temps d'enquêtes métier pour dénicher les genres de patrons pour lesquels on aime travailler (chef d’entreprise ou manager n+1), et les types d'organisations dans lesquelles on s’épanouira. Il ne faut pas s'y ennuyer, être désabusé, être dans cette immédiateté que procurent les loisirs numériques, mais accepter le besoin de construire progressivement des relations mutuellement profitables. Ainsi pour le chef trop accaparé dans la gestion et la planification, l'entretien annuel est un outil indispensable pour connaître les attentes de ses collaborateurs, plutôt que s'en servir pour assigner de nouvelles contraintes. Car en cas de peur le salarié ira se réfugier dans le syndicalisme pour y chercher du dialogue. Concepteurs : Françoise C., Patrick De Backer, Tristan Bitsch Rédacteur : Guillaume Rosquin Compte-rendu de l’atelier philosophique du 26 août 2020 Que signifie être mouton ou rebelle ?La question interpelle sur des points incompatibles : faire confiance est-il irresponsable ? Pourquoi vivre en société ne permet-il pas de se reposer les uns sur les autres ? Ce qui se produit est l'apparition de clans : on croyait avoir de l'autorité et on est dans un troupeau à côté d'autres troupeaux. Que devient l'autonomie ? Car le mouton est par essence grégaire. Sans troupeau le mouton n'en est plus un, c'est une brebis égarée ou un mouton évadé qui comme Épictète apprécie de vivre dans un certain dénuement. Le rebelle remet en question la confiance et le lien social avec lequel on se réunit autour de valeurs et de croyances. L'autorité se définit collectivement : c'est par la reconnaissance accordée par le groupe à son berger, organisateur de la vie du troupeau, que celui-ci peut exercer son commandement, la gouvernance de l'ensemble. Être mouton est donc nécessaire, même si sa docilité paraît péjorative. Alors que le rebelle remet en cause la légitimité de cette autorité, soit en révolutionnaire subversif, soit en réformateur. Il peut vouloir prendre le contrôle, ou sinon changer les modalités de ce contrôle. Contrat socialIl y a donc un contrat social tacite (tel que l'ont établi Aristote et Rousseau) et se pose la question de savoir si on peut être simultanément anarchiste, réfutant toute autorité, et contractualiste. Se pourrait-il qu'être mouton provient d'une « prédisposition génétique » à accepter un rapport de domination ? Un adolescent est-il un anarchiste ? Car son attitude bouscule les règles du contrat. Comment donc se positionner dans un vivre-ensemble tout en respectant les singularités de chacun ? Peut-on être simultanément mouton et rebelle, ou ni l'un ni l'autre ? Nietzsche voit alors des chameaux et des lions, joueurs et puissants (Ainsi parlait Zarathoustra). Nous devons laisser chacun être soi-même plutôt que se ranger à une église, une assemblée unie par un même dogme se voulant universel, afin que chacun soit reconnu comme individu. Restera-t-il alors des rebelles fous et marginaux, voire psychotiques, vivant en autarcie ? Car il semble dans la nature humaine d'être une partie d'un ensemble. Car comment faire pour ne pas vivre seul sans qu'une autorité ne soit imposée, et qu'elle risque alors l'insoumission, la fronde ? L'adolescent est dans une soif de liberté. Faut-il alors être belliqueux pour exprimer sa singularité et donc se construire ? La question se pose du statut du mouton dans le troupeau. Les moutons semblent identiques mais Ils ont une place plus ou moins attribuée dans le troupeau. Ceci leur permet de se différencier par des avantages et inconvénients. Le rebelle se marginalise et devient bandit, banni du groupe, ou se regroupe avec d'autres rebelles et vont former une secte. Le fait déclencheur Il s'agit donc d'être soi sans être noyé dans un groupe qui vous aliène. Les enfants ont besoin d’élaborer peu à peu la socialisation qui est de trouver une place dans un groupe tout en préservant sa singularité. Pour cela il y a besoin d’un cadre structurant avec des règles que peu à peu l’enfant s’approprie. L’ordre « c’est pour ton bien » sans donner du sens soumet la singularité de l’enfant à une autorité qui peut l’empêcher de laisser exprimer sa singularité et le rendre conforme de façon mécanique. Cela finit par les faire réagir bruyamment ou être en désaccord avec ce que l'autorité attend d’eux. Car faut-il suivre des règles ? Comme l'a dit Hérodote, au départ il n'y avait que la nature (physis) et l'homme a créé des règles (nomos) pour éviter le chaos. Le rebelle questionne donc le système (est finalement un philosophe) si les réponses qu'il trouve remettent en cause la légitimité de l'autorité, et pourra inventer un nouveau conformisme dans lequel il finira par redevenir mouton. D'où un besoin d'éducation à l'autonomie et à la liberté. Il faut pouvoir choisir sa prison ou son berger en autonomie. Penser par soi-même plutôt que sombrer dans le sectarisme. Se poser des questions est donc le début de la désobéissance, mais cela nécessite d'apprendre à savoir poser des questions. Pourquoi, comment, où, … En effet la moutonnerie nous rattrapera dans une secte. Il convient d'avoir une posture pour vivre dans la communauté tout en conservant des pensées indépendantes. Questionner, parce qu'avec les réponses, vient aussi la mesure de ce que l'on est. Dualité Il y a donc une dualité entre le mouton et le rebelle en fonction des circonstances. On peut laisser faire ceux qui organisent et trouver la vie de mouton confortable. Le problème apparaît lorsque l'autorité devient tyran, cherche son profit personnel plutôt qu'apporter le bien-être à son peuple. Et qu'alors aucune désobéissance n'est plus permise.
Comme l'a dit Sartre la rébellion est un acte de liberté, on est donc mouton par choix. Il faut prendre conscience de la liberté fondamentale de ses choix, du cadre de sa dépendance. Car sans cadre il n'y a pas d'organisation à laquelle se raccrocher. Mais ce cadre ne doit pas devenir un Ordre impliquant dictature et rétorsion. Le cadre est fourni par une autorité de type Magister qui vous conduit à l'émancipation, alors que l'ordre vient d'un Dominus qui vous aliène, vous éteint. Il faut donc pouvoir changer de cadre ; changer de bergers et de bergeries, partir, laisser d'autres venir à sa place, aller moutonner ailleurs, et se rebeller contre l'ordre qui aliène. Le rebelle est un mouton voyageur. |
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