Concepteurs : Françoise C., Patrick de Backer Situation Les ateliers philosophiques pour les enfants se développent, peut-être plus que pour les adultes. Ils ont un caractère expérimental, proche de la psychologie, et différents d'une étude de la littérature. On n'y trouve pas de réponses définitives. Peut-on y participer sans connaissances philosophiques ? On peut par exemple s'intéresser au travail, à l'activité de l'homme, ce sur quoi il n' y a pas une connaissance fermement établie de ce que c’est, et qui se trouve être de l'ordre de la philosophie sociale. Souvent on se sert de citations pour s'approprier la pensée d'auteurs qu’on prend pour autorités. Tel Aristote pour qui l'homme a toujours envie de savoir. Ou Thomas d'Aquin pour qui la théologie peut être une science. Car nous voulons savoir où nous sommes mais la science suffit-elle pour le savoir ? Comment savoir qui on est, d'où on vient ? La philosophie arrive lorsque la science est dépassée, et qu'il faut accepter de ne pas avoir de réponse, ou alors aller trouver celles-ci dans la théologie. Cependant il ne faut pas se laisser entraîner dans l'idéologie. Ainsi la science se réfère à l'épistémologie, à une éthique. Tous les usages de la science, de ses résultats, ne sont pas bons. C'est ainsi qu'on retrouve la philosophie un peu partout dès qu'un questionnement se pose. Cela évite de se laisser enfermer dans des chapelles. La science a créé diverses branches mais il ne reste qu'un seul genre de diplôme de philosophie, pour autant qu'un philosophe puisse être diplômé. Car les seuls examens se font par dissertations. Est-ce bien formateur pour philosopher ? Notre monde est rempli de procédures qui nuisent aux initiatives, à réfléchir à ce qui nous entoure. Nous finissons par avoir du mal à les comprendre. C'est en cela que la philosophie apporte un bénéfice pour savoir comment se poser des questions, afin de mieux voir notre environnement. D'ailleurs souvent des philosophes ont cumulé plusieurs expertises, tel Descartes qui était mathématicien et philosophe. Pourtant comme le note Etienne Klein à propos du temps qui passe, les philosophes n'ont pas lu Einstein pour connaître son point de vue sur le temps. On n'étudie pas non plus la philosophie avec une progression historique comme on le fait avec les mathématiques. On ne raconte pas que le premier à se dire philosophe était Pythagore et que sa secte avait des ressemblances avec celle des raëliens. Et puis des champs restent méconnus, tels la philosophie en entreprise dont le développement est récent. L'exemple du travail Ainsi philosopher c'est par exemple se demander si la valeur du travail a disparu. L’homme travaillait par nécessité jusqu'à Marx qui donne au travail une dimension philosophique. Le travail était un labeur, il est devenu principe d'épanouissement. Pour Marx produire avait permis à l’homme de s’accomplir lorsque le travail n’était pas industriel. Aujourd'hui l'homme se produit dans sa production. La société a connu des périodes successives : industrialisation, 30 glorieuses, automatisation, avec des effets sur l'environnement, la consommation. Tandis qu'avec les démotivations, le chômage, on se demande quel sens a encore le travail. Un vide s'est ouvert qu'il faut combler. Seule constante, le tout semble être de ne pas aller contre le client. Faudrait-il alors recevoir les salariés dans des consultations philosophiques ? Avec la problématique d'être protégé dans ce que l'on dit. Remettre en mouvement sa pensée, aider à redémarrer, à se questionner. Il faudra donc que la philosophie reste à l'extérieur de l'entreprise, même si elle s'y intéresse, pour ne pas créer de conflits d'intérêt, ne pas y être censurée. Elle emploie une méthodologie de pensée, une dialectique, et elle ne vise pas un résultat. Pour l'instant le principe de l'entreprise reste l'obéissance, l'exécution. Comment donc la philosophie pourrait-elle se mettre au service de l'entreprise ? Philosophie et entreprise
Aujourd'hui l'entreprise cherche à donner envie de travailler pour une cause. Elle veut s'attacher les employés, obtenir leur fidélité. La compétition économique est-elle alors contre-productive ? Un test fait avec des écoles avait montré que celles coopérant parvenaient à de meilleurs résultats scolaires que celles en compétition. Mais la philosophie moderne n'est-elle pas individualiste ? Pour disserter collectivement, discuter, il faut un espace sans jugement pour pouvoir développer sa manière de penser. On voit également beaucoup de philosophie-spectacle, telles des performances. L'esthétique du propos est plus recherchée que sa profondeur. C'est une modernisation du sophisme. Par économie et simplicité ne voudrait-on pas du prêt-à-penser ? On soutient même des thèses en trois minutes. Quelle image voulons nous en tirer ? Image donnée Car l'image fournit cette opposition entre la représentation et la réalité. Le comédien est un imitateur. On veut savoir sans se donner la peine de chercher. Si la philosophie aide à chercher, elle ne donne pas de réponses. Et rares sont ceux qui se documentent aux sources. On s'est habitué à prendre quelques idées, quelques citations, dans des synthèses. L'acquisition du savoir est devenue superficielle. Certaines formations forment même des experts en rédaction de synthèses. Cela s'oppose à la science dont les résultats ne sont pas immédiats, et dont on ne peut pas faire un spectacle. Et puis il y a la difficulté d'aborder des réflexions, même avec des amis. Notre société est basée sur l'efficacité, la rapidité, et de dire des bons mots. La curiosité des gens s'est amoindrie.
La philosophie bouscule les pensées toutes faites et oblige à « sortir de sa zone de confort ». Elle surprend. Elle permet de sortir d’un schéma de pensée routinier, d’aller dans une zone d'étonnement dans laquelle on n'est pas encore convaincu, certain de ce qu'on pense. Il peut y avoir des enjeux, tels que vouloir vivre mieux ses contradictions, se questionner sur son être. Tandis que le confort, l’agréable et le facile, est de suivre des idées toutes faites, simplistes, sans grande profondeur. C'est en cela que prendre des extraits de textes est manipulatoire, ce ne sont que des images de ces textes, choisies, qui confortent une opinion. La philosophie aide à s'en méfier. Serait-elle alors un service public ? Peut-elle avoir une place en marge des organisations ? En effet une capacité d'étonnement est bonne pour le travail. Il n’est pas nécessaire d’être sous la férule de l'enseignant en situation de pouvoir. Il faut conserver cette capacité de demander qu'ont les enfants. Or peu de gens posent des questions. Ont-ils peur ? Est-ce une affaire de culture ? Une gêne ? La remise en cause d'une situation serait-elle un facteur d'exclusion ? Car le philosophe questionne, et peut déstabiliser. On recherche plutôt des outils de productivité. Certains détournent ainsi la finalité de la philosophie dans un but marketing. Car comment employer les compétences d'un philosophe dans une entreprise ? Cela ne va-t'il pas aboutir à des confrontations, des conflits ? La réponse peut être dans le développement de soi par un goût des questions sans réponse. Un peu comme avec le judo, il faut se servir de la force de son adversaire, apprendre le respect. La philosophie doit être libre, publique, et l’on doit disposer d'un temps pour s'y consacrer.
2 Commentaires
Brigitte Aiache
7/3/2021 19:39:55
Je partage votre réflexion
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DE BACKER
8/3/2021 07:49:37
Bonjour Madame ;
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Septembre 2022
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