Concepteurs : Françoise C., Patrick De Backer, Tristan Bitsch Rédacteur : Guillaume Rosquin Compte-rendu de l’atelier philosophique du 26 août 2020 Que signifie être mouton ou rebelle ?La question interpelle sur des points incompatibles : faire confiance est-il irresponsable ? Pourquoi vivre en société ne permet-il pas de se reposer les uns sur les autres ? Ce qui se produit est l'apparition de clans : on croyait avoir de l'autorité et on est dans un troupeau à côté d'autres troupeaux. Que devient l'autonomie ? Car le mouton est par essence grégaire. Sans troupeau le mouton n'en est plus un, c'est une brebis égarée ou un mouton évadé qui comme Épictète apprécie de vivre dans un certain dénuement. Le rebelle remet en question la confiance et le lien social avec lequel on se réunit autour de valeurs et de croyances. L'autorité se définit collectivement : c'est par la reconnaissance accordée par le groupe à son berger, organisateur de la vie du troupeau, que celui-ci peut exercer son commandement, la gouvernance de l'ensemble. Être mouton est donc nécessaire, même si sa docilité paraît péjorative. Alors que le rebelle remet en cause la légitimité de cette autorité, soit en révolutionnaire subversif, soit en réformateur. Il peut vouloir prendre le contrôle, ou sinon changer les modalités de ce contrôle. Contrat socialIl y a donc un contrat social tacite (tel que l'ont établi Aristote et Rousseau) et se pose la question de savoir si on peut être simultanément anarchiste, réfutant toute autorité, et contractualiste. Se pourrait-il qu'être mouton provient d'une « prédisposition génétique » à accepter un rapport de domination ? Un adolescent est-il un anarchiste ? Car son attitude bouscule les règles du contrat. Comment donc se positionner dans un vivre-ensemble tout en respectant les singularités de chacun ? Peut-on être simultanément mouton et rebelle, ou ni l'un ni l'autre ? Nietzsche voit alors des chameaux et des lions, joueurs et puissants (Ainsi parlait Zarathoustra). Nous devons laisser chacun être soi-même plutôt que se ranger à une église, une assemblée unie par un même dogme se voulant universel, afin que chacun soit reconnu comme individu. Restera-t-il alors des rebelles fous et marginaux, voire psychotiques, vivant en autarcie ? Car il semble dans la nature humaine d'être une partie d'un ensemble. Car comment faire pour ne pas vivre seul sans qu'une autorité ne soit imposée, et qu'elle risque alors l'insoumission, la fronde ? L'adolescent est dans une soif de liberté. Faut-il alors être belliqueux pour exprimer sa singularité et donc se construire ? La question se pose du statut du mouton dans le troupeau. Les moutons semblent identiques mais Ils ont une place plus ou moins attribuée dans le troupeau. Ceci leur permet de se différencier par des avantages et inconvénients. Le rebelle se marginalise et devient bandit, banni du groupe, ou se regroupe avec d'autres rebelles et vont former une secte. Le fait déclencheur Il s'agit donc d'être soi sans être noyé dans un groupe qui vous aliène. Les enfants ont besoin d’élaborer peu à peu la socialisation qui est de trouver une place dans un groupe tout en préservant sa singularité. Pour cela il y a besoin d’un cadre structurant avec des règles que peu à peu l’enfant s’approprie. L’ordre « c’est pour ton bien » sans donner du sens soumet la singularité de l’enfant à une autorité qui peut l’empêcher de laisser exprimer sa singularité et le rendre conforme de façon mécanique. Cela finit par les faire réagir bruyamment ou être en désaccord avec ce que l'autorité attend d’eux. Car faut-il suivre des règles ? Comme l'a dit Hérodote, au départ il n'y avait que la nature (physis) et l'homme a créé des règles (nomos) pour éviter le chaos. Le rebelle questionne donc le système (est finalement un philosophe) si les réponses qu'il trouve remettent en cause la légitimité de l'autorité, et pourra inventer un nouveau conformisme dans lequel il finira par redevenir mouton. D'où un besoin d'éducation à l'autonomie et à la liberté. Il faut pouvoir choisir sa prison ou son berger en autonomie. Penser par soi-même plutôt que sombrer dans le sectarisme. Se poser des questions est donc le début de la désobéissance, mais cela nécessite d'apprendre à savoir poser des questions. Pourquoi, comment, où, … En effet la moutonnerie nous rattrapera dans une secte. Il convient d'avoir une posture pour vivre dans la communauté tout en conservant des pensées indépendantes. Questionner, parce qu'avec les réponses, vient aussi la mesure de ce que l'on est. Dualité Il y a donc une dualité entre le mouton et le rebelle en fonction des circonstances. On peut laisser faire ceux qui organisent et trouver la vie de mouton confortable. Le problème apparaît lorsque l'autorité devient tyran, cherche son profit personnel plutôt qu'apporter le bien-être à son peuple. Et qu'alors aucune désobéissance n'est plus permise.
Comme l'a dit Sartre la rébellion est un acte de liberté, on est donc mouton par choix. Il faut prendre conscience de la liberté fondamentale de ses choix, du cadre de sa dépendance. Car sans cadre il n'y a pas d'organisation à laquelle se raccrocher. Mais ce cadre ne doit pas devenir un Ordre impliquant dictature et rétorsion. Le cadre est fourni par une autorité de type Magister qui vous conduit à l'émancipation, alors que l'ordre vient d'un Dominus qui vous aliène, vous éteint. Il faut donc pouvoir changer de cadre ; changer de bergers et de bergeries, partir, laisser d'autres venir à sa place, aller moutonner ailleurs, et se rebeller contre l'ordre qui aliène. Le rebelle est un mouton voyageur.
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Septembre 2022
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