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Aimez-vous manger seul(e) ?

17/5/2019

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65% environ des gens en âge de travailler travaillent, les autres cherchent un emploi, ou pas. Sur ces travailleurs 12% environ dirigent une entreprise, puisqu'il y a 3,8 entreprises pour 30,6 actifs, et 9% sont chômeurs connus, et puis comme dans les 79% restant il y a parfois des grosses équipes, il doit bien y avoir dans les 8% de managers, mais sans garantie car il ne semble pas y avoir de comptage des travailleurs responsables d'autres travailleurs. La précision des chiffres nous importe peu dans le propos de cet article, ce sont les ordres de grandeur. En général les travailleurs ne travaillent pas chez eux car selon la DARES cela ne concernerait que 8% des travailleurs. Et vu les salles de restauration, établissements commerciaux ou cantines d'entreprise, ils déjeunent en général entre collègues, plus rarement seuls. Or c'est pourtant assez instructif de le faire car parfois vous ne pouvez faire abstraction de la conversation de vos voisins de table, et vous découvrez alors des points de vue que vos habituels compagnons de repas se gardent d'aborder devant vous, ou alors que vous êtes si amis que vos points de vue s'accordent naturellement.

D'aucuns se plaindront de moi pour dire que ce que je fais n'est pas poli, mais doit-on alors tous aller déjeuner dans des boîtes insonorisées, des bocaux d'où rien ne filtrerait ? Cela rejoint ce dicton où la curiosité serait un « vilain défaut », dans le sens où ce « vilain » est un domestique rustre qui écoute la conversation de ses patrons. Alors que dans le cas d'un philosophe la curiosité serait plutôt une « noble qualité » car c'est ce qu'on appelle « l'étonnement aristotélicien », le fait de chercher à comprendre les « merveilles » (sic) que le monde présente à vos yeux, et ici à vos oreilles. Mais il faut également pour cela avoir quelques notions de psychologie clinique car ce que vous risquez d'entendre peut vous heurter si vous faites ce qui s'appelle un « transfert » et que vous n'y êtes pas préparé. Car ces personnes qui parlent trop fort n'ont pas le moindre soupçon que ce qu'ils disent puissent choquer la moralité de cet(te) inconnu(e) assis(e) à côté d'eux, ils pensent leurs propos parfaitement « normaux ».

Cet effet de « transfert » provoque en effet une réaction de jugement, bien ou mal, coupable ou innocent, qui peut gâcher le plaisir de votre repas. En fait de politesse, ne serait-il pas plus logique dans une salle collective d'avoir des conversations à voix basse qui ne gênent pas les voisins, plutôt qu'un brouhaha qui force tout le monde à parler fort pour être entendu, et risque ainsi de polluer les oreilles de l'infortuné qui s'est assis à côté de vous ? Mais ce type de règle de conduite n'est mis en place que dans les salles de lecture de bibliothèque, où il n'y pas bien vu d'y déballer un sandwich. On y pallie davantage avec une musique de fond qui couvre les voix. Et cela a pour conséquence de nuire aux liens sociaux et politiques, que les grecs antiques entretenaient avec l'organisation de banquets municipaux. Pour une étrange raison, lorsqu'on festoie ensemble, on se relie les uns aux autres, ce qui est le sens original du mot religion en latin, et que les premiers chrétiens célébraient avec des agapes, repas nommés selon le mot grec qui désigne « l'amour spirituel ». Regardez donc la représentation de la Cène du Christ, avec le gars au milieu qui mange seul...
Photo
Léonard de Vinci - Le dernier dîner
Dans ces moments de solitude où la spiritualité peut être un réconfort, il peut être une solution de contrebalancer ce réflexe de jugement avec un désir de pardon, de laisser à la liberté d'opinion son opportunité d'agape d'un groupe homogène, et de prier pour un éventuel « salut » de leurs âmes. Mais je ne suis pas certain qu'en déjeunant avec des amis de ma congrégation j'apprécierais qu'un voisin d'une autre confession religieuse se mette à invoquer ses puissances divines pour venir corriger ce qui lui semble une errance de notre part. Nous apprécierions davantage l'opportunité d'un dialogue inter-religieux, démarche qui est je crois assez rare, car il faut alors admettre que chaque camp, ces deux opinions paradoxales, détient une vérité qui est correcte. Ce qui signifierait qu'il est tout aussi juste d'être Abrahamique, Polythéiste, qu'Athée. Je crois alors qu'il doit y avoir une part d'incon­scient collectif (cf. Carl Jung) hérité de Saint Augustin ou d'Aristote voulant qu'il y ait une unique vérité et que les autres opinions soient nécessairement fausses. Mais Aristote disait alors que le sage doit confronter l'opinion qu'il s'est faite aux opinions d'autres sages, ce qui me semble être la vocation des dialogues de Platon. La Vérité n'apparaîtrait pas dans le débat dialectique et polémique, elle serait issue d'une mise en concordance et harmonie de divers points de vue.

En langage plus moderne cela s'appelle de « l'intelligence collective », même si je trouve que l'emploi du mot intelligence dans ce contexte est mal approprié. Tout comme avec la religion, le fait de relier dans son origine latine, l'intelligence lie des choses entre elles. C'est la faculté de compréhension, pourvu qu'on puisse établir des liens entre diverses choses pour en faire un tout qui paraisse cohérent. Certes les membres de ce collectif doivent pouvoir se comprendre entre eux, et il leur faut être bienveillants, indulgents, pour parfois demander d'expliquer à nouveau un point autrement. Il ne faut pas non plus être restreint par un complexe de timidité, ou s'épancher plus que les autres par un désir de domination, ou encore vivre comme une blessure une remise en cause. Est-ce pour ces raisons que comme on le voit avec le Banquet de Platon, cette mise en commun de nombreuses opinions pour en dégager une unanimité se déroule mieux dans le courant d'un repas ?

En l'occurrence ces moments que je vis désagréablement se produisent à une fréquence bisannuelle, ce qui est largement supportable, et lorsque mes voisins sont des dirigeants d'entreprise. Ce qui me choque est de les entendre parler de leurs collaborateurs avec plus de mépris qu'un moniteur d'équitation en a pour ses chevaux. On se souviendra que pour certains le mot management aurait pour origine le manège de chevaux, quand pour d'autres c'est le ménage (couple) dans un manoir. Imaginer alors de « prier pour leur pardon » en essayant de soulager leurs tourments avec des méthodes pour apaiser leurs angoisses me semble curieux, même si c'est commercialement efficace pour le conseiller qui le propose. Je préconiserais davantage un saut de paradigme dans le cadre d'un repas d'entreprise pour restaurer l'amour, la bienveillance, la communauté des intérêts, le sens d'une équipe qui œuvre collectivement à un ouvrage dont la vente assure la subsistance de tous. Il y a un « rideau de fer » entre le management et les employés qu'il faut abattre, ou alors ne pas s'étonner ensuite que ceux-ci se désengagent.
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    Guillaume

    International Business Controller. Chercheur en Sciences de Gestion. Ingénieur Systèmes d'Informations.

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