Il fut une époque où il convenait, lorsqu'on se lançait dans un projet, de concevoir un « plan » avec une grande expertise afin de ne pas construire un édifice bancal. C'est ainsi que se construisent les cathédrales. Mais cela n'est plus possible aujourd'hui car notre société, sous l'influence d'économistes comme Philippe Aghion[1], est dans une frénésie de croissance mue par l'innovation. Cela rend notre soubassement instable. Sitôt conçu une solution celle-ci sera bientôt dépassée. Il devient alors inepte d'aller se former avec un enseignant à une technique, sauf à ce que celui-ci soit lui-même dans cette frénésie de nouveautés permanentes, qu'il soit à la pointe de l'innovation. Sachant que certaines innovations connaîtront un échec, que d'autres parviendront à des capitalisations énormes en peu de temps, et pourront même déstabiliser notre équilibre politique.
L'histoire est en marche à une vitesse effrénée. Doit-on lever le pied ? Vers quoi courrons-nous ? Sommes-nous tous préparés et entrainés à une telle cadence ? Car les risques ont été identifiés par un de mes anciens professeurs, Pierre-Yves Gomez, dans son ouvrage « le travail invisible » qui a été mis en image dans une petite vidéo[2]. Il est apparu une problématique de subjectivité par rapport au sens du travail que l'on réalise car dans notre culture le métier est lié à notre identité (état-civil), mais aussi de son rapport à la collectivité, à ses concitoyens, les autres habitants de sa société, sa cité. Si la vidéo le traduit par une situation d'agacement du corps social et une mauvaise productivité, il me semble qu'à l'issue de notre atelier de réflexion Koru Conseil du 6 juin dont les résultats seront bientôt publiés, les conséquences sont directes sur les Risques Psycho-Sociaux. De ces deux constats a découlé mon mode d'action, mon projet d'entreprise, la façon de le conduire. Mon activité initiale dans l'informatique m'a amené à des approches Agile et « Lean » de façon naturelle. Réussir à mettre au point ces fichus logiciels nécessite tant d'itérations et d'inconnues à résoudre que je brosse un rapide schéma du plan et je commence à bosser, corrigeant le cap à mesure que le projet avance. L'essentiel devient d'arriver, pas de savoir à l'avance par où on va passer, cela devient exploratoire et aventurier, ce qui requiert une dynamique en terme de prise de décision, et des « balises » sur lesquelles on se repère régulièrement. Et puis pour rester confiant, ne pas se désespérer, il faut littéralement se sentir enthousiasmé, accompagné d'un dieu qui vous porte chance. Car autrement ce scoutisme devient corvée, sacerdoce. Qui voudrait devenir le héros d'un dirigeant pingre et mesquin, ces financiers que dénonce Pierre-Yves Gomez ? Et puis grâce à cette chance qui « guide mes pas, » je vis des coïncidences, que mes amis athées appèlent « synchonicités, » qu'il faut savoir aussitôt relier comme des indices apparaissant dans un jeu vidéo d'investigation : les portes s'ouvrent lorsqu'on en a les clés, et certaines ont plusieurs serrures, particularité de la liberté dont Isaiah Berlin parle peut-être. Ainsi cette semaine a démarré avec un problème à résoudre, une question à répondre, et en me laissant vivre le fil de l'histoire que je tisse, la réponse est venue naturellement : Il y a d'abord eu cet échange avec Rudy Viard qui me fait profiter de son expertise, me disant que je devais identifier mon client-type et une offre répondant à un problème qu'il rencontre. Puis cette assemblée de gens qui me ressemblent, tous épris de liberté et de générosité, organisée par Olivier Luisetti (« CEE3 ») où il m'a fait l'honneur d'être dans les premiers à me présenter, louant la spiritualité que j'y apportais. Car se sont aussi présentées les collaboratrices de l'agence bancaire qui nous prodiguait l'usage de ses locaux, et l'une d'elle m'a inspirée, se définissant comme experte en projets immobiliers ayant pour vocation d'accompagner les investisseurs décidés, de l'idée ferme jusqu'à la signature chez le notaire. J'ai donc immédiatement noté les mots expert et accompagnement. Car c'est je pense pour cette raison que Marc-Aurèle a réussi à faire se développer à Rome des « philosophes particuliers » qui assistaient des patriciens, des patrons. Cet expert qui vous accompagne suggère que vous ne savez aller seul au but que vous vous êtes fixé, comme par exemple aller contempler le panorama depuis le sommet du Mont Blanc, et en redescendre ensuite en bonne santé et heureux de votre promenade alpine. En effet ceux qui s'en croient aptes sans assistance, ayant une foi prétentieuse en leurs capacités d'alpiniste, doivent souvent être secourus par un hélicoptère de la Gendarmerie. Or s'il y a bien une activité dans laquelle on laisse gaillardement s'aventurer des néophytes, c'est la création d'entreprise et la direction de travailleurs, activité que l'Etat croit facilement gérable grâce à une épaisseur de lois comparable à l'Encyclopédie Universalis. Mais hélas le déchet est énorme avec la moitié des entreprises ne survivant pas plus de trois ans. Et la stabilité de cet écosystème stagne avec une entreprise pour 9 actifs, plus un 10ème actif qui cherche du travail, ayant peut-être l'idée de procréer une nouvelle boîte, son bébé économique. Il existe toutes sortes d'experts qui remédient aux troubles des organes d'une entreprise, et l'aident à accomplir ses obligations administrative que notre Etat-Léviathan lui assigne dès qu'elle réussit à croître et atteindre une certaine taille. Or une autre de mes « consoeurs, » Laura Lange, décide justement de diffuser sur TLM[3] un court exposé de l'utilité de la philosophie dans notre société moderne, dont le thème rejoint le désir de notre président Emmanuel Macron que les projets de start-up soient évalués par des philosophes sur le plan éthique, moral, car ils s'engouffrent tous ou presque dans des failles législatives, les Parlements n'arrivant plus à suivre le rythme eux non plus. Ne sommes donc nous pas, grâce à la philosophie, dotés d'une expertise en bon sens, celui que René Descartes disait partagé de tous, qui nous rend apte à accompagner ceux qui bondissent et rebondissent, doivent changer de travail car ils s'y sont usés, laminé, et parfois licenciés, pour les guider dans une voie où leur âme s'épanouit ? Avons-nous besoin de coaches ou de guides ? [1] http://www.college-de-france.fr/site/philippe-aghion/inaugural-lecture-2015-10-01-18h00.htm [2] https://www.youtube.com/watch?v=B_1BPdB_UMc [3] https://www.youtube.com/watch?v=cjU2Jz-mAjA
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Guillaume
International Business Controller. Chercheur en Sciences de Gestion. Ingénieur Systèmes d'Informations. Archives
Mai 2022
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