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Le souci de la peur

29/3/2019

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Je ne suis pas certain que cette émotion soit bien connue, familière, chez les gens. Les gens semblent malaisés avec ce sujet dans une société où il y a injonction de bonheur et performance. Le thème revient régulièrement sur Linkedin. Le problème est la stupeur, la lâcheté, et la témérité. La peur se produit, avec plus ou moins d'exactitude, lorsqu'il y a la présence d'un danger plus ou moins imminent. Elle stimule donc la vigilance, et le dynamisme des réponses aux circonstances. Mais elle est parfois erronée, non fondée, ou au contraire absente alors qu'elle devrait être ressentie. On « se fait des films » fictionnels en croyant à un danger imaginaire, ou alors on manque de prendre conscience d'un risque en se croyant en sécurité.

Platon et Aristote écrivent sur la peur. A leur époque le problème est que les cités grecques passent leur temps à guerroyer les unes contre les autres, et qu’il y a donc régulièrement des morts, des estropiés, et que c’est une boucherie car ils n’ont pas d’armes à feu, ce sont des armes blanches. Curieusement si des voix s’élèvent (selon Aristote) pour dénoncer l’esclavage des ennemis faits prisonniers, personne n’a l’air outré que les cités grecques veuillent s’entretuer. J’ai même lu que pour certains « être un homme » voulait dire qu’on en avait tué au moins un autre. Il y a en cela une certaine similitude avec les principes de virilité chez les Maoris, guerriers éternels.

Ce qu'en dit Aristote est que la peur est l'imagination d'une souffrance à venir, mais pas d'une douleur ressentie. Il y a aussi la peur d'une perte possible, en particulier de la vie, ou sinon d'un objet utile tel que sa carte bancaire, ou d'un « objet » d'amour. Et à force de ces pertes on devient morose comme le note Aristote chez les personnes âgées. Le fait que ce soit une croyance renvoie à l'épistémologie que Platon décrit dans la République : au fur et à mesure de l’approfondissement des connaissances, on passe du stade de conjecture à croyance, puis à la réflexion (dianoia) et enfin à l'intelligence (noési). C'est comme aller d'une interrogation « serait-ce dangereux ? » jusqu'à une affirmation incon­testable du niveau de dangerosité et de précautions à y apporter. Or si un tiers se prend de rassurer par un « n'ayez crainte », il faut avoir assez confiance en lui, ce qui est une autre croyance, selon le degré d'intelligence qu'il peut avoir sur le risque encouru. Or il arrive qu'il soit idiot.

Il faut alors distinguer les types de risques, et donc les types de souffrances possibles. Je pense que celles-ci peuvent être physiques, psychologiques, éthiques (morales), ou économiques. Et pour qu'il y ait douleur, forme d'émotion, il faut une lésion ou une maladie. J'entends la souffrance psycho­logique comme un problème de lésion ou maladie de l'ego, réalités qui heurtent les rêves, quand la souffrance morale serait une lésion ou maladie en terme de justice, d'équité, donc du rapport entre soi et le groupe ou la société dont on fait partie. Quant aux souffrances économiques, cela peut aller à la perte de son logement, ou des moyens de se procurer de quoi manger, s'habiller, se déplacer, et se distraire ou s'éduquer. Il y a alors la question de savoir de quoi vient la souffrance, si elle est causée par un tiers, volontairement ou maladroitement, ou par un caprice du Kosmos, ou par sa propre maladresse.

Mais si cette peur est celle de l'enfant qui craint les réactions des adultes censés veiller sur lui, il va être anxieux. J’ai par exemple été témoin dans mon enfance à des faits qui m'ont choqués :
  • Une maîtresse d’école en colère trainant un enfant hurlant en le tenant et tirant par l’oreille pour le jeter dans la cave de l’école potentiellement hantée par des rats et le laissant gémir bruyamment, se lamenter, pendant une heure ou deux, alors qu’il n’avait que 5 ou 6 ans, et n’avait commis comme crime que d’avoir envie de jouer.
  • Un professeur de mathématique au collège flanquant une spectaculaire torgnole à mon voisin de table qui s’était plaint trop fort que je le dérangeais avec mon bavardage incessant que je lui chuchotais. Il me semble cet enseignant fumait en classe, et qu’il serait mort d’un cancer du poumon.
Je concevais donc les adultes comme potentiellement dangereux, et c’est peut-être ainsi que je me suis mis à avoir une épouvante de mes parents en colère, les craindre, sans raison objective. Car la violence des enseignants se faisait devant témoins, les autres élèves, ce qui pouvait les limiter, mais que penser d’une violence de parents, sans témoins ? C'est tout le problème de la protection infantile par l'Etat. Je vivais dans la crainte, la peur, de me faire estropier ou tuer par un adulte, tandis que la violence des « petites brutes », enfants de mon âge qui me cassaient la figure à peu près chaque jour, me faisait moins peur car je ne les voyais pas en mesure de me causer plus que des hématomes.
Photo
Two doors © Nicolas Rosquin 2018
Lorsqu’on sait la douleur que l’on va éprouver et qu’on s’y est habitué, on n’en a plus peur, c’est comme aller chez le dentiste, on s'endurcit, ou alors on scinde les émotions de la représentation pour faciliter l'acceptation.

Or nous n’avions, enfants, aucun recours possible connu en terme de justice pour porter plainte contre nos enseignants, exiger leur punition, un jugement équitable, selon l'article 375 du Code Civil. Nous n'en avions pas été informés, et l'omerta régnait, la peur d'être emmerdé, d'être victime de vengeances si nous allions nous plaindre. Nous avons été éduqués non pas avec une notion d’Etat de Droit, c’est à dire d’un pays où les lois priment sur les individus, mais avec une notion d’Autorité, d’obéir à ceux qui ont le pouvoir de nous infliger des souffrances, des douleurs physiques ou morales. Nous avons été dressés pour nous plier à l’autoritarisme. Mais en vieillissant, devenant adolescents et assez sportifs, grands et musclés, sveltes, l’attitude des adultes s’est adoucie, comme s’ils se mettaient à craindre que nous ne soyons plus aussi dociles et inoffensifs qu’un jeune enfant qui ne peut se défendre. Nous avons été préparés à une jungle darwinienne, mais sans un entraînement à la compétition pour y survivre comme cela se fait dans d'autres pays.

Et l'inconvénient de ne faire qu'obéir aux autres est de ne pas apprendre l'autonomie, le nomos en grec étant les lois, donc l'autonomie est la faculté de se définir soi-même ses propres lois pour son existence. C'est à dire se bâtir un Surmoi qui établit les droits et interdits par rapport au Kosmos dans lequel nous vivons notre existence terrestre. Et puis comme l'homme est un « animal social » (Aristote) il faut que son autonomie s'accorde avec l'autonomie de ses voisins pour ne pas entrer en guerre. Or l'autonomie qui permet de s'affranchir d'une tutelle, d'un protectorat de plus fort que soi, implique de bien connaître les trois « fonctions régaliennes » : la gouvernance exécutive, le législatif sur délibération, et la justice instruite. Car on ne décide pas de lois sur un coup de tête, intuitivement, mais de façon réfléchie, et on ne juge pas et condamne sur des présomptions, il faut instruire les procès et permettre l'apologie de l'accusé. Enfin la gouvernance, commandement des tâches, doit être courageuse, consciente des risques et protections nécessaires pour s'en prémunir.

En effet les lois définissent les libertés individuelles, et les sanctions en cas de dommage causé à autrui, d'infraction aux règles. Sans lois l'état ne peut fournir d'assistance pour protéger les citoyens les uns des autres, et la peur règne. L'état a besoin d'un cadre pour agir, et l'impose aux citoyens du fait que ce cadre est défini par des parlementaires élus par les citoyens. Mais la question est alors de savoir quels sont les citoyens favorables à ce cadre ? Le but du cadre étant de diminuer les risques, les dangers, et donc les peurs. Un enfant doit pouvoir aller à l'école sans terreur des dangers qu'il y trouvera. Mais cela implique que l'enseignant accepte cet encadrement qui le contrôle. Par extension un employé doit pouvoir aller à son travail sans être effrayé par la journée qu'il risque d'y passer. Il faut donc qu'il y dispose d'un cadre qui le sécurise, et de moyens de se plaindre lorsqu'il est agressé, en particulier par son manager, son autorité directe.

Il me semble alors que le concept de peur, émotion irrationnelle (phobie) ou pleine conscience du danger, doit être relié aux principes de Bien en soi et de Mal en soi. Le Bien peut se voir comme une homéostasie de bien-être accompagné d'une progression sur les 4 dimensions susceptibles de souffrances, en accroissant sa résistance. Alors que le Mal est une agression au bien-être par une douleur, ou une corruption de ses facultés de résistance. Il faut donc viser le Bien et craindre le Mal. Mais je ne crois pas que répondre au Mal par un autre Mal soit un Bien, il suffit juste de le rendre inoffensif, avec éventuellement une menace, pour qu'il cesse sa haine. Il est plus complexe d'accroître sa résistance car c'est de l'ordre du vaccin, et il pourrait être tentant de s'entrainer sur un mal affaibli pour se préparer à un mal plus coriace. C'est l'idée de la pratique d'un art martial entre gens de bonne compagnie pour être à même d'affronter un voyou brutal et violent, c'est prévoir d'y répondre avec une technicité faisant peur à l'agresseur.
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    Guillaume

    International Business Controller. Chercheur en Sciences de Gestion. Ingénieur Systèmes d'Informations.

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