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Quel poste occupe un philosophe ?

29/6/2018

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Dans le blog La pause philo dirigé par Marianne Mercier, celle-ci a co-écrit avec Julien de Sanctis et Costanza Tabacco un billet[1] pour tenter de définir une déontologie des « philosophes de terrain ». Il s'agit d'une activité qui est en émergence, de professionnels qui vont prêcher les vertus de la philosophie dans des milieux sociaux-éducatifs ou entrepreneuriaux. On voit aussi dans les colloques de professionnels d'un secteur économique intervenir des philosophes qui donnent leur avis sur les pratiques des entreprises. Ainsi par exemple Luc Ferry était venu parler de transhumanisme au Digital Summit de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, et Julia de Funès commenter un colloque organisé par le groupe Malakoff Médéric sur les « fragilités[2] » des salariés. J'ai aussi noté que les Aéroports de Paris organisaient des conférences philosophiques pour leur personnel.

Il y a donc un appétit naissant des entreprises en pointe pour faire intervenir chez elles des professionnels qui jusqu'alors n'oeuvraient qu'en Facultés et Lycées, quand ils ne rédigeaient pas un essai relatant leurs pensées, leur réflexions. Et il semble, d'après les articles que cite Marianne Mercier, que des entreprises vont même jusqu'à embaucher un philosophe à demeure chez elles. La question qu'il faut alors se poser est du service, du département de l'entreprise, où rattacher hiérarchiquement cet employé dont la productivité est toute relative. En fait-on un « Monsieur Bonheur » dans les RH, un formateur interne, un ombudsman expert en éthique dans le service juridique, un assistant du service d'ordonnancement des process pour qu'ils aient du sens, un membre du comité stratégique ?

Ce qu'il faut commencer par admettre, qu'on soit marxiste ou pas, c'est que même dans une usine intégralement robotisée comme une que j'ai visité dans les années 80[3], il faut des hommes pour s'assurer que les machines tournent bien, et d'autres pour les construire et les paramétrer. Car une machine n'est pas douée pour être inventive et réagir intelligemment à une situation inconnue, nouvelle, elle suit des protocoles. Or par exemple je me souviens avoir entendu qu'en 2003 les hôpitaux qui avaient réussi à avoir moins de décès dus à la canicule que les autres, étaient ceux qui avaient fait fi des protocoles et mis en œuvre des solutions inédites, empruntées aux pays du Magreb.

Il me semble donc, du fait de toutes ces start-up, entrepreneuriales ou intrapreneuriales, qu'en terme d'innovation nous sommes entrés dans une ère de disruptions économiques à haute fréquence. Notre approche protocolaire, et législative, peut être à chaque moment remise en cause par un geek qui a une idée d'apparence géniale, et qui a les moyens de la mettre en oeuvre. Celle-ci disrupte les protocoles en créant un nouveau mode de comportement, qui peut conduire à des souffrances de certains des utilisateurs, donc nécessiter des nouvelles lois pour prémunir ces nouvelles injustices.

Je trouve une analogie entre ces geeks à la créativité débridée et les ingénieurs allemands de la 2nde Guerre Mondiale qui inventaient des engins un peu déments pour ne pas perdre leur guerre, qu'on a ensuite civilisé pour les utiliser à des fins pacifiques ou scientifiques. Nous savons donc qu'à un certain stade il faut se calmer et redevenir raisonnable. Les procès récents de firmes multinationales qui grâce à leur inventivité contournaient les lois ont eu des coûts pharaoniques pour elles. Nous avons eu nombreux cas d'internautes sur les réseaux sociaux victimes fatales de risques psychosociaux.

Qu'on prenne la vocation contemplative et eudémonique d'Aristote, ou celle de diagnostic de la société de Michel Foucault, le philosophe est avant tout un type qui réfléchit, raisonne, prend du recul, et donne son avis, le sien, pas celui d'un autre, excepté s'il s'agit d'un de ses maîtres à penser. On dit de lui qu'il est « humaniste » mais c'est en fait logique : les clients des entreprises ne sont pas des robots, au bout de la chaîne de valeur le principe du travail est de permettre à la société de continuer à exister, et si possible développer sa qualité de vie. L'humain est donc simultanément le véritable créateur de valeur et le consommateur de celle-ci, grâce à l'argent qu'il a gagné en créant.

Si nous réussissions à créer des machines qui fassent tout le boulot, l'argent n'aurait plus de sens. Et l'humain n'est pas un clone d’Héphaïstos, chacun est doué (gifted) pour certaines activités mieux que pour d'autres, et se plait plus à en faire certaines que d'autres, pas toujours celles où il est doué. Et puis il y en a qui comme « don » ont reçu un handicap, une invalidité dans certains domaines. Il n'y a que dans les bandes dessinées ou les films qu'on voit des peuples de jumeaux identiques interchangeables, c'est une fiction. Tandis qu'une usine de voitures sait produire des modèles identiques, et les améliore. Mais souhaitons-nous que dans quelques siècles les humains soient produits par des usines ? A quoi cela rimerait-il alors de vivre ? Rêvons-nous d'une société de fourmis ou d'abeilles ?

Il me semble donc utile qu'il y ait des philosophes dans les entreprises, qui soient consultés pour donner un avis de bon sens, du raisonnable, tant auprès de la direction que des représentants du personnel, qui publient en interne leurs réflexions, leurs délibérations, dans un but de bien et d'utile. Je ne le vois pas avec une hiérarchie qui les supervise, ni doté de pouvoir de diriger, d'ordonner, mais révocables par le Conseil d'Administration. Le philosophe est un sage qui conçoit la pérennité et la prospérité de l'entreprise, participe à la formation des managers, et éveille le personnel à une flexibilité vertueuse plutôt qu'être avili[4] par les protocoles rigides. Car le souci avec un non-respect de protocole, c'est qu'on engage alors sa responsabilité dans une désobéissance civique. Or le philosophe est-il du genre à obéir à quelqu'un ? A faire obéir quelqu'un ? Il le fait plutôt réfléchir, ce qui est fort utile à faire avant de décider d'obéir ou désobéir aux protocoles, il l'aide donc à être agile et prudent.

1 http://lapausephilo.fr/2018/06/26/philosophie-de-terrain/
2 Il faut entendre par là les salariés souffrant de handicaps type RQTH.
3 Usine de moteurs Citroën à Metz, 1983.
4 Un terme plus exact serait abruti car c'est être brutal que suivre un protocole sans raisonnement, sans adaptation.


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    Guillaume

    International Business Controller. Chercheur en Sciences de Gestion. Ingénieur Systèmes d'Informations.

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