Koru Conseil
  • Pitch
  • Agora
  • Ateliers
  • Blog
  • Ressources
  • Contact
  • Cookies

Mon métier de « philosophe »

27/7/2018

0 Commentaires

 
J'ai publié le 29 juin un article sur la place d'un philosophe dans une entreprise, me disant qu'il était difficile de le voir salarié, subordonné à la Direction Générale alors que le cas échéant il peut être amené à contester ses approches. Je le vois davantage subordonné au Conseil d'Administration, comme un assistant de celui-ci, avec seulement une fonction consultative, non dirigeante. Il serait donc alors employé comme consultant non-salarié, en travailleur indépendant, ce qui implique qu'il exerce alors un métier. Mot qui vient du vieux français mestier, lui-même venant d'une conjonction entre ministerium, « fonction de serviteur, service », charge que l'on a mission d'exercer, et avec mysterium, enseignements secrets expliqués aux seuls initiés.

Un métier, qui se dit occupation en anglais, est donc une activité régulière dont on tire son revenu principal et qui a fait l'objet d'un apprentissage, d'une initiation à ses secrets, pour être en mesure d'accomplir une mission, rendre service. Or ce philosophe-conseil dans l'entreprise est dans ce cas, il exerce un métier, mais celui-ci n'est pas décrit dans le Répertoire Opérationnel des Métiers et Emplois (ROME), comme si ce métier n'existait pas. Mais est-ce bien le cas lorsque je découvre tous ces confrères et consoeurs dûment diplômés qui interviennent dans des entreprises pour des conférences ou des ateliers de réflexion ? Effectivement ils sont plus employés pour ce qu'on a l'habitude de faire avec un philosophe : l'enseignement de la philosophie. Comme une discipline qui existerait en totale autarcie, et serait facultative.

La philosophie serait-elle alors une matière qui n'ait pour but que l'éducation et l'enseignement ? Du latin educere « faire sortir, élever, conduire en dehors », et de insignire « signaler, désigner, instruire », transmettre un savoir. Cela en ferait un mystère sans aucun ministère, presque une religion, un dogme. Je me suis donc interrogé sur ce que je fais, ce que je sais, et sur ce que faisait et savait Aristote à mon âge : il avait fait carrière dans l'enseignement de la philosophie et publié des ouvrages pratiques, tandis que je débute, et il avait étudié beaucoup de chose mais dans les limites que la science de l'époque lui permettait, donc je pense que j'en sais un peu plus que lui, sans vexer personne. Partant de là j'ai établi une sorte de « liste à la Prévert » de savoirs et savoirs-faire :

Savoirs

  • Principes de l’éthique
  • Anthropologie
  • Psychologie
  • Métaphysique
  • Epistémologie
  • Herméneutique
  • Rhétorique
  • Sciences politiques
  • Fonction judiciaire
  • Risques professionnels
  • Intelligence émotionnelle
  • Histoire de la philosophie
  • Logique, rationalité, cohérence
  • Autres philosophes (penseurs)
  • Culture générale, scientifique, économique

Savoirs-faire

  • construire une règle, une opinion, un propos
  • déconstruire une règle, une opinion, un propos
  • définir le bien et le mal
  • enseigner
  • faire réfléchir
  • reformuler une problématique
  • conférences
  • rédiger une étude
  • auditer une organisation
  • diagnostiquer une société
  • définir une déontologie
  • donner un avis
  • exposer une opinion, proposer
  • débattre, argumenter, contester
Car je trouve en observant les travaux de mes confrères et consoeurs qu'ils/elles se sont un peu placés sur des créneaux qui s'étaient ouverts récemment : le coaching et les conférences. Or si je veux bien admettre que l'activité d'Aristote à l'égard du futur Alexandre le Grand aurait pu s'appeler du « coaching », le rôle officiel de ce philosophe était d'être son précepteur, d'enseigner à Alexandre des préceptes, des règles. C'est effectivement très voisin. La seule question qu'ont alors à se poser les Adminis­trateurs d'une entreprise qui voudraient s'adjoindre les services d'un philosophe est de savoir s'ils sont disposés à entendre des préceptes qui les feraient réfléchir, se remettre en question ?

D'autre part il m'apparaît qu'il y a aussi un créneau en grande vogue, c'est celui de gourou, d'évan­géliste de bien-être et de performance, qui prêchent une Apocalypse de notre civilisation, sans vrai­ment y proposer un remède ou une méthode d'adaptation. Dans l'Ethique à Nicomaque Aristote expose une recette du bonheur des gens et de leur société, dans la Rhétorique il donne la méthode pour les diriger démocratiquement, au moyen de la persuasion comme le faisait Gorgias, et enfin dans la Politique il fournit les règles de gestion de l'oikonomia, l'économie, la conformité aux lois qui régissent les maisons, les entreprises. Il me semble alors qu'on a tout le toolkit après lequel nous semblons en train de courir. Je conviens qu'il faille le moderniser, mais cela semble une base solide.
Photo
Illustration originale Nicolas Rosquin pour Koru Conseil © 2018
Ce que je me demande aussi c'est dans quelle mesure les dirigeants d'entreprises sont sûr d'eux-mêmes et où se situent leurs doutes. L'exemple du leadership d'Alexandre est flagrant : étant en situation d'héritage d'un pouvoir (du latin potere, possibilité) et d'une puissance (posse, force) il a conquis le Bassin Méditerranéen jusqu'à la Perse et au-delà. De la croissance externe, mais un peu trop rapide. Peut-être trop sûr de lui, il n'avait pas pensé qu'il pourrait tomber malade, et n'avait pas vraiment de suc­cesseur préparé. Mais comme meneur d'hommes et stratège, rien à redire !

Or il me semble que ces grands hommes et femmes qui dirigent nos entreprises sont arrivés là à la force du poignet, qu'ils se sont fait remarquer pour leurs capacités (possibilités), leurs vertus tant intellectuelles que morales et humaines, et leurs « réussites », leurs résultats positifs. Comme l'italien riuscire d'où vient ce verbe, ils s'en sont sortis. Mais c'est peut-être parce qu'ils ont eu de la chance, et il arrive qu'elle tourne. Néanmoins ils ont obtenu un franc succès, donc les suffrages nécessaires à leur élection, leur position d'élu, répondant à leur ambition (cf. latin ambitio). Il est alors intéressant qu'un philosophe donne son avis sur son mode d'élection par le collège du Conseil d'Administration, selon l'avis des salariés qu'il gouverne, ses employés.

C'est dans cette optique que j'imagine l'exercice du métier de philosophe dans une entreprise : il questionne les usages, les conventions, et parfois même les lois. Il est donc potentiellement incon­venant car un philosophe convenable serait un peu un oxymore. Mais il n'est pas un inconvénient. Le ministère du philosophe est « la morale, la pensée métaphysique, l'épistémologie, la pensée politique, etc. Donc oui, il sert aussi à penser.[1] » Or comment une entreprise, une société, peut-elle progresser sans l'aide de la pensée, d'une âme (psyché) ? Dans quelles errances partirait-elle en l'absence de réflexion, et occasionnellement de réflexions profondes, que font les philosophes ?

Ne serait-ce pas là la définition de la Philosophie Pratique, et donc que ce métier pourrait s'appeler Praticien Philosophe, avec quelquefois des Philosophes Cliniciens ?

[1] Point de vue émis par @OlivierSireyzol dans un débat sur Twitter.
0 Commentaires
<<Page précédente

    Guillaume

    International Business Controller. Chercheur en Sciences de Gestion. Ingénieur Systèmes d'Informations.

    Archives

    Mai 2022
    Février 2022
    Novembre 2021
    Octobre 2021
    Juillet 2021
    Juin 2021
    Mars 2021
    Janvier 2021
    Décembre 2020
    Novembre 2020
    Octobre 2020
    Septembre 2020
    Août 2020
    Juillet 2020
    Juin 2020
    Mai 2020
    Avril 2020
    Mars 2020
    Décembre 2019
    Juin 2019
    Mai 2019
    Avril 2019
    Mars 2019
    Février 2019
    Janvier 2019
    Décembre 2018
    Novembre 2018
    Octobre 2018
    Septembre 2018
    Août 2018
    Juillet 2018
    Juin 2018
    Mai 2018
    Avril 2018
    Mai 2017
    Décembre 2016
    Novembre 2016
    Octobre 2016
    Juin 2016
    Avril 2016
    Mars 2016

    Catégories

    Tous
    Apprentissage
    Best Practices
    Competition
    Cooperation
    Education
    Entéléchie
    Entreprenariat
    Ethique
    Exportations
    Freedom
    Générosité
    Générosité
    Internet
    LinkedIn
    Lois
    Management
    Organisations
    Philosophie
    Politikos
    Recherche
    Réunions
    Réunions
    Sagesse (σοφία / Sophia)
    Sagesse (σοφία / Sophia)
    Société
    Transition

    Flux RSS

© COPYRIGHT 2016. ALL RIGHTS RESERVED.
  • Pitch
  • Agora
  • Ateliers
  • Blog
  • Ressources
  • Contact
  • Cookies