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A quoi sert la philo pour une entreprise ?

28/9/2018

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Lorsqu'on lit une traduction plutôt qu'un texte en langue originale, il se peut que le traducteur ait déformé la pensée de l'auteur. Pourtant, par recoupement, je lis dans la Politique et dans la Métaphysique d'Aristote, écrites il y a 2400 ans, qu'il semblait avoir autant de mal que moi à devoir justifier de l'intérêt de ses préoccupations pour une application aux problématiques de ses concitoyens, à qui il me paraît qu'il destinait ses écrits. Ainsi dans le premier ouvrage il relate le « coup » qu'avait réalisé Thalès pour s'enrichir vite et bien, en l'espace de 9 mois, et dans le second il explique comment les hommes ont voulu comprendre les choses qu'ils observaient, origine selon lui de la philosophie, dans un but de sagesse.

Certes on le comprend plus vite en lisant le grec car le mot pour la sagesse est sophia, donc philo-sophia est l'amour de la sagesse, mais on verrait aussi le mot phronesis, qui se rapporte à l'esprit, et signifie à la fois prudence, sagacité, et sagesse pratique. Or il me semble que si un entrepreneur est conscient des risques qu'il prend, il aime aussi les limiter, et la phronesis paraît alors une approche raisonnée des relations avec ses clients. Car si le client est réputé roi, il lui arrive aussi parfois de vous laisser des ardoises dont le recouvrement provoque des frais.

Au début des années 80, lorsque j'étudiais la méthodologie industrielle, je me souviens d'un exercice d'analyse de la valeur où nous avait été présentée une pièce qui était moulée et usinée ainsi par habitude, mais qu'à force de rajouts et mises à jour une bonne partie de sa fabrication ne servait plus à rien. Nous devions alors reconcevoir cette pièce pour en optimiser son coût de production. Il me semble que les philosophes procèdent un peu de même avec la société : ils s'étonnent d'usages et de pratiques, les remettent en question, essayent d'en voir les causes et les fins, et proposent des idées pour en accroître leur qualité, au travers de la compréhension qu'ils en ont.

D'un autre côté lorsque je dis « les » philosophes, en réalité je me rattache surtout à ce qu'a dit Aristote car les autres n'étaient pas tous d'accord avec lui, et ils semblent surtout l'avoir commenté comme si celui-ci était un sujet d'étonnement de leur part, plutôt que s'étonner de la société. Lorsqu'on sait qu'en langue grecque 'aristos' signifie l'excellence et la perfection, et que le 'télos' dans son nom grec qui est Aristotélis signifie l'aboutissement, il est tout de même étrange de vouloir comprendre « l'aboutissement de la perfection » et vouloir faire mieux. Cela semble très ambitieux. Mais je n'ai encore lu qu'assez peu de philosophes, du fait que je débute encore dans ce domaine, et on me dit grand bien de certains, tels Spinoza et Nietzsche.

Je me demande donc parfois si ma démarche de « me servir de la philosophie » dans un but de conseil en gestion et management, comme on se servirait d'une poêle pour cuire un steak, paraît avilissante au regard de ceux qui enseignent les pensées de ces grands hommes et femmes, ou au contraire un emploi providentiel auquel ils ne sont jamais arrivés, faute de maîtriser les rouages d'une entreprise industrielle ou commerciale. Or il est tout de même flagrant qu'Aristote, dans ce qu'il a écrit, a tenté de maîtriser tous les rouages des épistémé, objets de science, sur lesquels il s'est penché, avec le simple usage d'un instrument, qu'il nomme fort à propos « organon » (mot grec qui signifie l'instrument, d'où le mot 'organe' en médecine), et qui est le raisonnement logique.

Il est clair que pour un scientifique le raisonnement ne suffit pas, il lui faut des mesures, des sondages, des expérimentations, des analyses, d'où il peut supputer des lois. Le scientifique est un calculateur rationnel, un ordonnateur, il cherche à découvrir les mystères du Kosmos, les lois qui nous régissent sans que nous puissions décider souverainement de leur éventuelle application. C'est comme si un Dieu despote nous avait asservi à un monde dont il aurait décidé des lois irrévocables mais ne nous aurait pas fourni le corpus dans lequel il les aurait rédigées, et publiées. Des choses nous sont autorisées et d'autres interdites, mais il revient à nous, pauvres mortels, de découvrir lesquelles, et voir si nous pouvons réussir à en truander certaines grâce à notre incroyable capacité d'imaginer et de fabriquer. Avez-vous par exemple déjà volé en avion ? Ou marché sur la Lune ?

De ce fait l'Organisation Scientifique du Travail de Frederick Taylor était-elle si scientifique que cela ? Avait-il lu « De l'Âme » d'Aristote, ou à défaut étudié la psychologie humaine et animale ? Aujourd'hui où le Management a été qualifié de « Science de Gestion », que l'on peut être diplômé d'un Doctorat de Management, celui-ci peut-il être ramené à une ontologie alors qu'il est l'oeuvre de l'homme ? Ne serait-ce pas un peu aux philosophes de défricher d'abord un peu le terrain pour en chercher les tenants et aboutissants, rechercher la logique qui prévaut à ce comportement, car le management n'est rien d'autre qu'un comportement de certains hommes à l'égard d'autres. Revenir à la logique de la raison qualitative, et laisser tomber la logique quantitative, chiffrée et mesurable par laquelle Galilée disqualifia Aristote ?

D'une société placide, hors guerres et épidémies, ou révoltes, qui végétait économiquement dans l'agriculture et l'artisanat, éclate au XVIIIème siècle la « bulle manufacturière » qui enfle à toute vitesse grâce à la découverte de l'emploi de la vapeur, de l'eau qu'on fait bouillir pour actionner des pistons. Regardez donc la courbe du PIB depuis 300 ans pour réaliser la métamorphose soudaine. Un phénomène s'est passé, la société s'est transformée, et elle s'est adaptée à ce nouveau pouvoir, ce truandage des lois divines que l'on connaissait jusqu'alors, qu'il fallait un animal pour tirer un véhicule, une charge. En même qu'on inventait l'auto-mobile, on inventait les entreprises et leurs employés.

Mais à présent une nouvelle transformation est à l'oeuvre depuis que l'informatique a atteint le stade qui lui était promis dès l'origine, l'intelligence calculatrice : on ne va plus avoir besoin d'efforts humains pour que les entreprises produisent des biens et des services, elles vont auto-produire avec des robots. Du cheval qui de moyen de locomotion est devenu d'usage sportif ou de loisir, l'homme va t'il lui aussi n'être plus utile qu'aux sports et aux loisirs, aux spectacles ? N'est-ce alors qu'une coïncidence qu'à mesure que la puissance des ordinateurs croît, la dérivée de la courbe du PIB décroît selon une droite de tendance qui coupe l'axe de l’abscisse (qui est le temps qui passe) cette année, ou cela serait-il une congruence ? Suis-je le seul philosophe à l'avoir remarqué ?

Qu'est ce donc au départ que la philosophie, et la sagesse ?

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Illustration © Nicolas Rosquin 2018
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    Guillaume

    International Business Controller. Chercheur en Sciences de Gestion. Ingénieur Systèmes d'Informations.

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