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Rationalité et raisonnement

30/11/2018

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Lorsque j'ai appris l'existence du livre « Apprendre au XXIème siècle » écrit par le Dr. François Taddei, j'ai couru chez mon libraire me le procurer tant la thématique m'intéressait. Allais-je y découvrir des méthodes inédites me permettant d'accroître mes connaissances plus efficacement ? J'ai un peu déchanté quand j'ai fini par comprendre qu'il s'agit d'un enseignant-chercheur employé par l'Education Nationale, et qu'il s'adresse visiblement à ses confrères, pas au vulgum pecum visant à devenir érudit. Certains de ses points de vue sont même assez discutables.

Ma réaction, manière de travailler, a commencé par être la production d'un texte critique qui dézin­guait ses arguments, en pensant le publier comme une « dénonciation ». Zola et son « J'accuse ». Et puis j'ai réalisé qu'il avait 26000 followers sur Twitter, ce qui permet de comprendre son livre où il se présente comme un « prophète » qui « prêche » sa doctrine. On a eu « la vie de Jésus », il nous a produit « la vie de François Taddei ». Sa religion est la science, l'apprentissage des mystères cachés de l'Univers, le comportement du Kosmos. C'est certes très intéressant mais il ne me convainc pas qu'en faisant étudier des fourmis à des enfants, ceux-ci seront de bons citoyens une fois adultes.

Aristote avait conçu une « trinité » de l'âme, qu'on appelle aujourd'hui « psychologie », selon 3 domaines : une partie « irrationnelle » pilotant notre corps (émotions, faims), une partie « ration­nelle » qui calcule, relativement utilitariste, et une partie « raisonnante » que j'aurais envie de qualifier de stratégique et humaniste. Par contre il ne parlait pas de « cerveau », cette sorte d'organe où circulent des champs électriques, où siègent nos pensées, tout en ayant compris qu'une bonne partie de l'âme y réside. Et puis, peut-être à partir du néoplatonisme (à vérifier), l'âme va devenir le business prédominant de l'église. Ce qui fait que lorsqu'elle va commencer d'être étudiée par des scientifiques ils vont employer son nom en grec, la psyché, et faire comme s'ils venaient de découvrir l'eau chaude.
Photo
Démocrite méditant sur le siège de l'âme © Marie-Lan Nguyen / Wikimedia Commons
Car il semble y avoir dans la psyché du scientifique, peut-être initiée par Copernic et Galilée, une propension à vouloir faire des « sauts de paradigmes », changer de point de vue pour étudier un épistémé, un objet de science, avec une suggestion que le nouveau panorama est meilleur que le précédent. Leurs prédécesseurs se sont trompés, la vérité est ailleurs. Pas moyen de les réconcilier, il n'y arrête pas d'y avoir des divorces, des séditions, le dernier à parler veut avoir raison. La métaphore de l'éléphant examiné par 6 aveugles que cite Taddei est très bonne. Mais elle oublie de dire si ceux-ci vont désirer s'accorder ou au contraire se disputer entre eux pour savoir qui a raison.

Et c'est en cela que les scientifiques semblent pêcher par incapacité de savoir raisonner, et se raisonner, que j'ai le sentiment d'avoir vécu dans les diverses écoles où j'ai suivi des cours.

La seule fois dont je me souviens où l'enseignant m'a semblé chercher à apprendre à ses élèves à raisonner était un cours de droit commercial à Wellington, Nouvelle-Zélande. Nous y apprenions un nomos, mot grec qui désigne les lois, et à nous en servir avec une phronesis, mot grec désignant l'esprit réflexif et prudent, visant l'obtention du bien, pour soi ou pour autrui. Or typiquement, lorsqu'on lit les moult expériences auxquelles se livrent les scientifiques avec des animaux, pourrait-on dire qu'ils visent le bien de ces animaux ? Ne les tourmentent-ils pas avec cruauté ?

Pour ma part, en tant que philosophe, ce que j'étudie est l'humanité. Tant l'humain en tant qu'individu, avec son innombrable variété, et ses occasionnels héros dont les dépouilles sont collectionnées au Panthéon, mais aussi comme si je regardais l'évolution de cette « fourmilière » européenne depuis 2400 ans. Avec pour particularité, inhabituelle chez les zoologues, de pouvoir engager une conversation avec une de ces fourmis pour lui demander ce qu'elle pense de sa condition de fourmi, et de m'amuser à l'entendre souvent me rétorquer d'être une fourmi comme les autres, une fourmi qui ne réfléchit pas trop, et s'échine à un labeur.

Il n'y a pas vraiment de ruptures franches et soudaines dans les rapports de l'humanité avec sa psyché, à part quelques évènements déclencheurs dont la généralisation procède comme d'une contagion plus ou moins virulente. Les penseurs grecs d'il y a 2400 ans ont eu l'air d'être portés sur l'enseignement du raisonnement, fort utile pour les questions de justice des hommes. Les penseurs moyenâgeux le seront sur l'irrationalité, le para­normal. Et puis avec les philosophes anglais utilitaristes va se généraliser la rationalité, le calcul du meilleur intérêt, ce qui implique l'essor de la science pour réaliser des calculs justes, et incidemment contribue à la richesse économique.

Le seul véritable emploi du raisonnement, qui est un peu sa finalité, va être par les stratèges militaires et par les hommes d'état. En effet il faut anticiper les manœuvres des adversaires, des concurrents, et ne pas s'imaginer qu'ils ne sont que des calculateurs rationnels comme le prétend la « théorie des jeux », mais plutôt qu'ils peuvent être rusés, à la manière d'Ulysse qualifié de « polymétis ». Car la ruse, dans notre enseignement moral scolaire, est un peu assimilée au « truand », ce mot celte qui désigne un tricheur. Comme le dit Taddei, on apprend surtout aux enfants à obéir, à ne pas trop réfléchir, à être conformistes, mais surtout pas à manigancer. Avec l'inconvénient d'être alors potentiellement une cible facile des autodidactes dans ce domaine.

Car ce qui est éminemment agaçant est d'être la victime d'un escroc. En particulier lorsque le préju­dice est en dessous du seuil traité par les tribunaux. Il n'y a pas moyen d'en obtenir réparation. Et les escrocs sont solidaires entre eux pour plumer les pigeons. Mais ce qui est alors hallucinant c'est quand on parle de ses déboires et que votre interlocuteur semble dire qu'il trouve cela parfaitement normal, comme s'il s'agissait d'une norme, d'une loi naturelle, que la société est ainsi faite.

Comme le dit Maud Le Moënne, « Rendre visible son âme c'est conscientiser ce qui nous anime (âme : anima en latin), c'est revenir aux fondamentaux de ce qui nous anime intérieurement […] ET permettre à l'autre de faire de même ! » Or comment le faire sans habitude du raisonnement ?
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    Guillaume

    International Business Controller. Chercheur en Sciences de Gestion. Ingénieur Systèmes d'Informations.

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