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Comment gouverner une PME sans être despotique ?

14/9/2018

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Dans le livre I de la Politique, Aristote décrit les éléments essentiels qui régissent les maisons (oikos), ce que nous appellerions aujourd'hui des « foyers fiscaux ». Il ne parle pas d'associations d'hommes libres en vue d'un projet économique, sauf en citant les compagnies qui se forment chez les gens qui voyagent ensemble, et qui visiblement ont souvent du mal à se mettre d'accord entre eux. Ces maisons sont dirigées par un « chef de famille », appelé despote (δεσπότης), autour duquel vivent son épouse, ses enfants, et ses serviteurs, et qui peut aussi employer d'autres hommes libres comme salariés (ce qu'Aristote assimile à une certaine forme de servitude mais où le dirigeant ne possède pas le travailleur comme s'il était un bien lui appartenant).

De nos jours il est devenu plus rare qu'un entrepreneur s'établisse avec une totale communauté de richesse entre les biens de son entreprise et ses biens propres. La mode est aux Responsabilités Limitées, voire à un Anonymat des sociétés. On ne sait plus qui possède la maison, et il n'en répond qu'à la hauteur du capital qu'il y a investi. C'est un peu le mécanisme des réseaux sociaux où on se cache derrière un pseudonyme : on peut faire des bêtises sans être impacté dans sa vie privée, dans son existence, dans sa tranquillité. Il n'est plus possible de jeter la pierre sur celui ou celle qui a nuit à autrui ou à la collectivité, sauf en cas de liquidation où on étudie s'il y a eu des fautes commises dans sa gestion.

Il est alors intéressant de regarder les modalités de gouvernance selon le mot αρχη (arkhi) qui signifie le commencement et l'autorité. Une PME est souvent une monarchie car son patron y règne en maître, une petite société (SAS ou SARL) est une oligarchie, régie par des détenteurs de privilèges puisqu'ils commandent aux employés, et les grosses entreprises, éventuellement cotées en bourse, sont des oligarchies plus limitées car elles nomment un « régisseur », un éparque, qui règne sur une hiérarchie. Il conviendrait alors que les monarques soient des rois plus que des tyrans, ces maîtres absolus visant leur profit égoïste, et que les oligarques soient des aristocrates, une gouvernance par l'excellence des vertus plus que par l’appât du gain, de l'intérêt procuré par l'emploi du capital, car dans ce cas ils deviennent des ploutocrates. Je passe sur le cas des coopératives et associations démocratiques ou républicaines car elles ne dominent pas l'économie.

Le mot 'économie' provient justement de οικονομία (oikonomia) qui signifie les règles qui s'appliquent aux maisons, ce que Jean Tricot a traduit par « économie domestique » par opposition à la micro-économie qui s'applique aux entreprises et la macro-économie qui s'applique aux états. Or Aristote nous dit que le plus important dans l'οικονομία sont les personnes qui composent la maison, que leur maître doit avant tout veiller à leur bonne santé, même s'il en délègue le soin à des médecins. Cela est à mettre en rapport avec les interviews de chefs d'entreprises réalisées par le groupe Malakoff Médéric lors de la dernière Université d'été du MEDEF où il ressort que le « dirigeant de demain » va être beaucoup plus soucieux du bien-être de ses employés qu'aujourd'hui.

Le second aspect de l'οικονομία est la maîtrise de l'art du χρηματιστής (chrématistis) qui signifie courtier ou broker. Aristote ne voit pas l'activité de vente comme principale mais au contraire essentielles les techniques indispensables à réaliser de bons achats, acquérir des biens qui vont permette une plus-value, un enrichissement de la maison. Un peu comme on peut le lire dans Administration Industrielle et Générale d'Henri Fayol, la fonction de la vente viendrait d'elle-même dès lors qu'on réalise une production qui présente une utilité aux autres maisons en terme d'intérêt, de profit qu'elles en dégagent. Par exemple pour Fayol sa production permettait le chauffage des maison, la cuisine, et le fonctionnement des machines à vapeur, principal moyen d'énergie de son époque.
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Enfin vient le métier qui représente la nature de la valeur ajoutée apportée aux achats pour en faire des biens nouveaux qui seront désirés par d'autres acheteurs, d'autres χρηματιστής pour leurs maisons. Ce qui veut dire que l'effort social en vue d'échanges commerciaux n'est pas dans la prospection de clients mais dans le sourcing de fournisseurs. Il faut se faire connaître, développer sa réputation, son savoir-faire, son sens des affaires (chrématistique), sa bienveillance, ses vertus. Et effectivement, selon un feed-back que m'a donné une personne qui réalisait des phoning à des entreprises pour présenter un service qui leur était devenu nécessaire, sur 200 appels elle obtenait 6 rendez-vous, ce qui est un rendement particulièrement déplorable. Je préfère attendre que le téléphone sonne et consacrer mon énergie à faire connaître ce que je crois être mon talent. Imaginez un potier qui ne réussirait à vendre que 6 assiettes sur 200 qu'il façonne !

Car les seuls marchés qui me semblent fonctionner avec efficacité sont ceux des participations financières dans les entreprises (bourses) et les centres commerciaux, hypermarchés et « malls » de boutiques accolées. Ce sont des lieux où on vient pour acheter, où il n'y a pas de « réclame » des vendeurs pour des produits qu'ils veulent écouler à tout prix. Mais où il y a également un « opérateur » qui fournit l'infrastructure et contrôle l'usage que l'on en fait. Si la régulation apparaît comme la main invisible d'Adam Smith à l'acheteur, elle est tangible pour le vendeur qui n'a pas une totale liberté de son mode d'action, qui est soumis à des règles communes à ses confrères vendeurs.

Vous me direz alors peut-être que le « quidam » n'a pas toujours un sens de la chrématistique, qu'il peut être animé de désirs irrationnels, de pulsions d'achats compulsifs que l'on peut réussir à stimuler par une communication habile, une publicité manipulatoire. Mais il ne me semble alors pas très éthique de concevoir ses clients comme étant des imbéciles...
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    Guillaume

    International Business Controller. Chercheur en Sciences de Gestion. Ingénieur Systèmes d'Informations.

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