Il y a une curieuse tendance à ne vouloir entendre, lire, que ce qui réconforte. Nous avons tous nos problèmes et nous rechignons à écouter ceux des autres. Ce qui fait que les problèmes collectifs, partagés, sont ignorés comme des tabous. Comment alors faire pour proposer des solutions ?
De ce fait faut-il être mutuellement confiants entre les membres d'une société ? C'est un grand enjeu de la politique de libéralisation des entreprises, de la responsabilisation des employés, et de la potentielle déresponsabilisation (et soulagement) de leur management qui en découle. C'en est un aussi de la vie en société, de nos émotions lorsqu'on sort de chez soi. Henri Fayol en 1916 pose le principe de dirigeants ayant une certaine omniscience relative à l'entreprise, représentant dans le corps social la tête pensante, prodiguant des instructions au personnel, puis contrôlant ensuite qu'ils ont bien fait leur travail. Il y a donc un postulat de méfiance entre la Direction et le personnel. Mais aussi un autre de confiance du personnel vis à vis de la Direction relative à une bienveillance de celle-ci à leur égard. En effet pour suivre un leader de plein gré il faut qu'on accepte de se fier à lui. Comment pourrait-on exécuter des instructions avec la satisfaction de le faire tout en étant méfiant à l'égard de celui qui vous les donne ? On ne pourrait le faire qu'en étant de mauvaise grâce, ce qui serait un facteur de déplaisir, de souffrance psychologique, sans parler d'une tentation de trahir son guide. La prudence, qui est une forme de circonspection face à l'inconnu, suggère d'être méfiant à l'égard des personnes qu'on ne connaît pas. On ne sait pas tout de suite ce qu'elles veulent, sauf si elles l'expriment avec franchise, ce dont on ne peut être totalement certain avec quelqu'un qu'on découvre. Néanmoins certains professionnels (médecins, avocats, etc) prêtent une forme de serment de vouloir le bien des gens qu'ils assistent. On les dispense alors d'obligation de franchise. Pour les autres on contractualise un devoir de faire le bien, ou on leur demande de s'expliquer avant d'agir, de préférence par écrit afin d'être capable de dénoncer une trahison et en obtenir pénalité ou réparation. « Paranoïa » est un mot grec (παράνοια) qui signifie à la base « trouble de la raison, folie. » On devient méfiant de tout le monde, s'angoissant jusqu'à un niveau pathologique. Il faut alors se faire aider d'un psychiatre (ψυχίατρος, psychíatros), littéralement un « médecin de l'âme. » Il y a donc un rapport entre le fait de se fier à quelqu'un et ce qu'on ressent dans son âme. La confiance devient une forme d'émotion bénéfique, apaisante, un souci en moins, une éventuelle menace qui s'estompe. Mais certains peuvent en jouer, susciter la confiance en se faisant aimer. Car peut-on aimer des gens dont on se méfierait, ou l'inverse ? On aime ce qui vous est bénéfique. On aime aussi ce qui paraît admirable, beau. On aime enfin que les choses soient justes, équitables, qu'on ne soit pas lésé, frustré. Il y a donc, implicitement, la nécessité dans une société de pouvoir s'aimer les uns les autres, que ses collaborateurs ou voisins soient bénéfiques, admirables, et équitables. Mais encore faut-il qu'ils y soient disposés. C'est donc cela que l'on doit évaluer lorsqu'on les embauche, qu'on se lie à eux, qu'on établit un contrat. Et la trahison de la confiance se produit lorsqu'on réalise que l'autre devient néfaste, quand de surcroît c'est intentionnel, soit dans un désir de malveillance, soit du fait d'une imbécillité dans l'évaluation des actes qu'il commet. Tandis qu'il est plus facile de remédier à l'absence d'intentionnalité, à l'accident, en demandant de mieux réfléchir à l'avenir. C'est en cela qu'il y a un lien entre la confiance et la raison. Et la réponse des Etats à leur raisonnable paranoïa à l'égard de leurs citoyens est d'établir des lois, des pénalités aux infractions, et une justice pour décider de les appliquer lorsque c'est nécessaire. Le citoyen bienveillant et doué de raison est une bénédiction pour la société, une économie de moyens. Il devient futile de le contrôler. Donc au lieu de se lier aux gens parce qu'on en ressent l'envie, ne devrait-on pas plutôt évaluer la bénédiction qu'ils représentent ? Critère qui peut objectivement se mesurer selon une échelle discrète, pour autant que l'on ait établi des lois décidant de la façon dont on l'évalue. Car ce qui est une bénédiction pour certains peut être une malédiction pour d'autres. Or avons-nous, en tant que citoyen ou employé, le désir d'être une bénédiction ou une malédiction pour notre société ? La perversité peut-elle être admise ? Alors que la bêtise n'appelle qu'à l'indulgence. Merci de vos commentaires pour ouvrir un débat...
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Guillaume
International Business Controller. Chercheur en Sciences de Gestion. Ingénieur Systèmes d'Informations. Archives
Mai 2022
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