Nature humaine ? Dernièrement, près de chez moi, un adolescent a poignardé ses parents qui l’avaient privé de sortir, d’aller voir ses amis. Curieusement la rubrique des journaux qui en parle appelle cela un « fait divers » au lieu de « crimes et délits ». Ce jeune homme a décidé de mettre fin à son autorité parentale de tutelle de façon radicale, sauvage, au lieu d’employer des moyens civilisés et diplomatiques. Ce serait Hérodote qui le premier cherche à expliquer le besoin d’un ‘nomos’ (règles) pour circonscrire la ‘physis’ (nature). Lorsqu’on lui accorde un « laisser-faire », l’homme peut être capable d’une brutalité sans nom, ou plus habituellement de réaliser des travaux dont la qualité est lamentable. Kahneman avec ses « systèmes 1 & 2 » explique que l’homme tend à employer des approches instinctives car sa réflexion se fatiguerait vite, serait fainéante. Cela rejoint le constat du libéralisme fin XIXe siècle (B. Stiegler) que l’homme ne réussit pas à cerner toute la complexité du monde et raisonne par stéréotypes. Comment donc prévenir une envie de meurtre et son passage à l’acte ? Comment faire en sorte qu’une action soit mûrement réfléchie, délibérée, pour ne pas causer un désagrément à autrui ? La société occidentale a choisi pour cela d’établir des lois, et d’avoir des tribunaux qui jugent les faits, quand au Moyen-Orient on les a même inclus dans la religion. Dans le Décalogue le crime est un péché contre Dieu, l’autorité suprême, dont nos existences dépendent de sa bonne volonté, de ses commandements. La société Si on observe la foule lorsqu’elle apprend un crime, elle ne part pas comme je le fais dans une analyse philosophique, elle s’émeut et s’insurge, se scandalise. Elle est prise d’une colère indignée lorsqu’un individu n’a pas respecté les devoirs qui lui incombaient. Il n’y a plus aucun dialogue et raisonnement possible. Pour Empédocle tout part de deux principes qui sont la philia, attirance qui amène à l’amitié, et le neîkos, la querelle. Si on agit par amitié on produira du bien, une unité, mais si on cherche la querelle en agissant sans respect d’autrui on réalisera un mal qui divise et amènera la guerre, un affrontement de forces où le plus fort gagne. Car la difficulté avec l’approche des lois et des tribunaux est alors que les gens connaissent les lois et que le peuple se cotise pour payer le travail des juges et des législateurs, ainsi que des « forces de l’ordre » qui y veillent. Par ailleurs certains n’aiment pas y avoir recours et espèrent d’un jugement que ce soit un match de boxe, que le plus habile l’emporte, pas que la justice soit faite. La justice chez Aristote est synonyme d’équité. L’amitié est rétablie par une juste distribution des bénéfices ou réparation des dommages. Il ne s’agit pas d’un châtiment. Et il y a aussi dans la loi une problématique de réduction de liberté : des actions sont interdites, d’autres sont prescrites, on ne peut plus zigouiller autrui impunément. Solutions utilisées C’est ainsi que John Rawls explique que les lois sont établies par un « reflective equilibrium » qui est ce débat des parlementaires où chacun a sa croyance de ce qui est juste et qu’ensemble ils finissent par trouver un consensus qui ne produise pas cette « dissonance cognitive » de Festinger, cet écart entre actions et valeurs morales.
La liberté serait-elle alors un droit de se laisser aller à sa nature (physis) et commettre n’importe quels actes sans crainte d’une persécution ? « Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu’il te fasse » est-elle une règle suffisante ou faut-il aussi « aimer son prochain comme soi-même » ? L’établissement de règles doit donc jongler entre une nécessité de civiliser des relations que l’anarchie ne permet pas, et les commandements d’un seigneur tout-puissant. Le juge n’a pas une fonction de pédagogue pour expliquer en quoi l’équité est importante et qu’il faut accepter qu’elle soit garantie par des autorités potentiellement douteuses, partiales. Il me semble y avoir une présomption qu’il faille obéir aux lois sans se poser de question, ou éventuellement contester les lois, mais que la démarche d’expliquer pour comprendre pourquoi une règle existe semble exclue de notre culture. La société est tenue pour abrutie ou sinon capable d’omniscience. Il semble donc légitime de se demander si ceux qui réclament des libertés ne font pas le jeu des truands et des brigands, des tricheurs et des bandits. Et d’admettre que si les parlementaires sont liberticides, c’est globalement dans un but de civilisation, même s’ils n’ont pas toujours toute la finesse souhaitée.
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Guillaume
International Business Controller. Chercheur en Sciences de Gestion. Ingénieur Systèmes d'Informations. Archives
Mai 2022
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