Nous avons, pour une large majorité d'entre nous, été conçus par nos parents. Concevoir vient du latin concipere (de cum et capere) qui signifie « prendre entièrement, contenir » d'où « concevoir un enfant », et au figuré « concevoir une idée » et « assembler des mots en formule ». Il nous a fallu pour naître, en général, une assistance maïeutique. Nous sommes donc comme des idées, des concepts. Mais ces idées, avant qu'elles prennent leur existence autonome dans la société, soient adultes, ont été mise dans des « couveuses », des « éclosoirs », qui sont leur cellule familiale et les écoles. Elles ont été mises sous la tutelle de quelques adultes, et en société avec plein d'autres idées. Or les idées ne s'acceptent pas toujours entre elles. Il se produit, plus fréquemment qu'on pense, des phénomènes d'ostracisme, de harcèlement de certaines idées par les autres, sans qu'on sache pourquoi, et que changer cette idée malheureuse d'école n'y change rien. Ces idées ont du mal à survivre, et leur construction peut en être affectée. Tandis que les parents de l'idée ont souvent le désir que ce soit une idée magnifique, ce qui l'entraîne dans une ambition de perfection, d'être la meilleure idée de sa classe. Se pose alors l'inconvénient d'une autre idée qui dit que « les hommes naissent libre et égaux en droits », que beaucoup comprennent comme étant égaux en tout. Car dans une société, un village, assez nombreuse pour qu'il s'y trouve diverses classes socio-économiques dans les familles, dont les concepts sont regroupés dans la même école communale, les inégalités sont flagrantes. Mais si l'inégalité sur le plan économique laisse entrevoir un « ascenseur » au fonctionnement imparfait, l'inégalité sur le plan intellectuel est plus complexe à compenser, et si pour couronner le tout l'idée peut être considérée comme « noble », tout espoir d'égalité des chances est perdu. La « couveuse » devient une course de fond où les coureurs n'ont pas la même distance à parcourir, et ne disposent pas d'un corps et de muscles identiques. Or l'idée qui pense n'avoir aucune chance, savoir à l'avance qui va gagner, ne va pas toujours vouloir participer en suivant les règles du jeu, elle va être tentée de tricher, de s'imposer par la force.
Se forment alors dans ce « creuset social » des « représentations conceptuelles » communes qui sont la matérialisation d'une « doxa », d'une opinion générale davantage basée sur des croyances que sur un réel savoir, une expertise. C'est entre autre la fonction du « récit historique » qui est une forme de « mythologie », le mythos voulant dire le 'récit' en grec, par opposition au 'logos' qui signifie la raison, le langage, la logique. Beaucoup apprennent ce récit dans une Bible. Et il est alors encore plus étrange qu'en année finale, terminale, les « meilleurs concepts » soient prétendus éveillés à la Philosophie, d'une manière qui m'apparaît comme idéologique. Les « maîtres » ont sélectionné un corpus d'idées qu'ils inculquent aux idées à venir, telle une « couche d'émail » pour terminer de polir un instrument de la société. Mais il m'est alors hallucinatoire de constater dans mes relations personnelles, qui englobent des catégories socio-professionnelles de « très haut » à « très bas », que je trouve de meilleurs philosophes parmi les ouvriers, et que le niveau de bêtise semble se corréler au niveau de salaire. Est-ce juste une coïncidence fâcheuse ? Car cela pourrait s'expliquer avec leurs disponibilités intellectuelles respectives : un métier simple et manuel, comme l'explique Socrate par la plume de Xénophon, accorde un « loisir » pour réfléchir, contempler tout en travaillant. Tandis que lorsqu'on est pris par une large responsabilité du travail de plusieurs centaines de personnes, il n'est pas trop laissé à ce dirigeant d'opportunité d'un temps de « loisir studieux », cette scholé des grecs, dont Aristote dit qu'elle est indispensable pour pratiquer la philosophie et la politique. Car il est assez spectaculaire que dans mon entourage « ouvrier » qui me voit quotidiennement étudier sans relâche une « archéologie du savoir » avec les écrits des philosophes grecs, et leur « pondre » des explications de la société qui les font sourire, je trouve une approbation ; tandis que dans mes contacts avec des « couches plus hautes » qui sont davantage épisodiques du fait d'une moindre disponibilité, leur réflexe soit d'aller vérifier dans Wikipedia si je dis des bêtises. J'apprends le principe de l'indulgence. J'apprends aussi la relation entre le sachant, l'expert, qu'on trouve habituellement confiné dans des « bunkers » qu'on nomme « universités », et la foule anonyme d'un « battlefield » qui est mue par sa « doxa », ses opinions qui n'ont pas valeur d'avis. Il me semble alors qu'il faudrait retrouver le sens qu'emploient les artisans pour parler de « matériaux nobles » tels que les bois précieux par opposition aux « matériaux vulgaires » tels que les plastiques. Si j'en crois Aristote il y avait des nobles chez les grecs, qui s'étaient illustrés sur des champs de bataille, ou intellectuellement, ou politiquement, à l'instar de la « Légion d'Honneur » que notre République décerne à certaines élites. Mais comme il le dit, si les personnes reconnues nobles engendrent en général des enfants aussi nobles qu'eux, la qualité de la conception n'est pas garantie. Hélas la société en a déduit un système de « classes » héréditaires. La noblesse n'était pas qu'à vie, elle devenait éternelle, transgénérationnelle, transmise aux aînés. Et à force d'un nombre de nobles croissant du fait des « exploits » individuels venant s'ajouter à un « Panthéon », les critères d'anoblissement devenaient drastiques. Il n'y avait plus « d'ascenseur social » selon un principe d'honorabilité. Ce qui fait que les gens s'en sont totalement désintéressé.
D'autre part dans la manière « d'éduquer » que notre société se transmet depuis Jules Ferry, qui repose sur « l'autorité » des « maîtres » réputés « doctes », puisqu'à un certain niveau d'enseignement ils doivent être titulaires d'un doctorat, les cours se déroulent à la manière d'une conférence, et selon l'orateur les questions et débats ne sont pas toujours permis. L'élève est clairement dans la situation d'un esclave. Et le « maître » se garde bien de leur enseigner qu'il puisse exister la possibilité qu'il leur raconte des sottises auxquelles il croît, il leur dit plutôt de le croire lui plutôt que Wikipedia. Or je n'ai pas entendu dire qu'ils soient assermentés. La conception dont nous sommes issus est collée dans un « moule » qui nous « forme », tel Prométhée jouant avec de l'argile. Malheureusement, avec un doute sur la conscience qu'en ont les enseignants, il se produit un phénomène « d'endoctrinement » à une croyance qui se reproduit de génération en génération : nous devons adhérer en tant qu'élèves à une « doctrine » qui nous représente la société dans laquelle, une fois adultes, nous allons évoluer, qui va se heurter à nos perceptions de la réalité, mais aussi à présent à des communications venues d'Internet auxquelles nous n'avons pas été entraînés à les vérifier. Car mes « maîtres » m'ont toujours suggéré que leurs propos étaient supposés être objectifs. Or lorsqu'on commence à observer ce qui nous entoure, en particulier les autres « concepts », il y a un moment où on réalise qu'ils sont tous subjectifs. Et que lorsqu'ils s'expriment il y a parfois une intention derrière leur propos qui a un caractère de « terrorisme », d'effrayer une foule, ou à d'autres moments de « démagogie », d'entraîner le peuple (demos) sur un chemin (ago) qui leur convient. Avez-vous déjà suivi un cours, enfant, où le « maître » commence par vous avertir en vous disant que ce qu'il va vous dire n'est pas nécessairement vérité, que ça n'engage que lui ? Comme si, élève, vous étiez comme une sorte de juré de Cour d'Assise et qu'il y ait un serment implicite de votre professeur qui vous « jure de vous dire la vérité, rien que la vérité, toute la vérité » ? De quelle façon se matérialise cette garantie d'honnêteté ? Essentiellement par le fait que son 'logos' et son 'mythos' soient crédibles. Il est donc implicite que l'élève soit crédule. Malheur à lui s'il décide d'entrer en dissidence. Aucun « maître » n'éduque une classe pour leur apprendre une dissidence modérée : la démarche de questionner un orateur avec ruse et pertinence sur une contradiction philosophique dans son discours, dont la réponse peut l'amener à révéler des intentions peu louables. C'est ce que font les hommes de loi, défenseur ou poursuiveur de l'accusé, avec les témoins lors d'un procès. Les gens doivent apprendre les mécanismes d'un jugement équitable. Car le phénomène de la subjectivité, dont les « maîtres » ne sont pas exempts, fait que confronté à une perception nous en tirons chacun un jugement particulier, et que nous avons alors la démarche de demander à d'autres témoins ce qu'ils en pensent de leur côté. Il se produit alors un phénomène émotif entre ceux qui sont choqués et ceux qui sont blasés, les blessés et les indemnes, les intervenants et les badauds, et que ceux qui ne sont pas certains de leur jugement sont enclins à suivre celui de ceux visiblement sûrs d'eux-mêmes, sans se demander s'il se pourrait qu'ils se trompent.
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Guillaume
International Business Controller. Chercheur en Sciences de Gestion. Ingénieur Systèmes d'Informations. Archives
Mai 2022
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