A la suite de mon dernier billet sur la concorde, l'obséquiosité et la déférence, il m'a été proposé de discuter publiquement d'un aspect de la société que j'aimerais voir s'améliorer. Que faudrait-il pour un monde meilleur ? Nous sommes dans un modèle où pour gagner sa vie, hors grande fortune, il faut travailler. C’est aussi un monde où l’efficacité écologique est mauvaise, où la consommation de ressources ne permet pas à celles-ci de se renouveler. Y pouvons-nous grand-chose à l'échelle d'un individu ? Pour qu'il y ait un effet sensible il faudrait s'y mettre tous ensemble, collectivement, et cela n'est possible qu'avec des normes, des lois, qui obligeraient à s'y prendre autrement, à ne pas laisser un volontariat stimulé par la seule morale, car trop n'en ont que guère, sont égoïstes. A mon niveau, par rapport à mes moyens, je me sens plus apte à entraîner un progrès sur les comportements sociaux, même s'il s'agit plus d'une motivation que d'une réelle aptitude. D'autres auront des motivations et aptitudes différentes, qui pourront aboutir à d'autres progrès. Le tout est qu'à son petit niveau d'action l'effet soit tangible, car autrement on finit par s'épuiser en vain. Pour y arriver il faut d'une part réussir à persuader du bien-fondé, mais aussi vaincre les résistances, dont certaines sont légitimes mais pas toutes. Il est ainsi étrange qu'on ait constaté que dans un groupe social entraîné dans une direction, le cas de toutes les entreprises avec des employés, il apparaisse des éléments désireux de cette direction et d'autres qui y sont hostiles, sans qu'on réussisse à mettre au point une méthodologie pour que tout le monde avance avec le même entrain. Mes parents ne recrutaient pas leurs employés sur la base de leurs compétences, prenant même des apprentis en échec scolaire, mais sur la base de leur entrain à les suivre dans la direction qu'ils avaient choisi, ce qui avait des effets économiques spectaculaires. La concorde régnait chez eux, il n'y avait aucune crainte de contestation irraisonnée, aucun fait de grève, tout le monde y était heureux, et du coup s'y épanouissait. Mais la société, surtout lorsqu'elle est démocratique, ne se forme pas d'un peuple désirant spontanément suivre un monarque dans la direction qu'il annonce. De plus l'époque des conquêtes où un état prenait l'initiative de soumettre ses voisins à son autorité et à ses lois est révolues. De nos jours les états voisins s'accordent pacifiquement pour coopérer selon des modalités plaisant à tout le groupe. Au lieu d'empires nous avons des fédérations, et s'y reproduit alors ce phénomène de désir ou d'hostilité d'une direction choisie selon les membres. Or suivre une direction, un axe de progrès, peut conduire à des changements. Cela peut être un changement dans sa manière de faire, des appareils que l'on emploie, ou même un déménagement géographique dans un lieu où on ne connaît personne. Je pense qu'un changement de manière doit montrer que la nouvelle méthode va permettre des choses jusqu'alors impossibles, et que la complexité n'est pas trop forte, qu'elle est assimilable pour accroître ses aptitudes. Mais il se produit aussi un phénomène émotionnel : certains ont peur de ne pas y arriver, d'autres n'en ont pas envie. Et dans ceux qui essayent, certains y arrivent avec plus ou moins de facilité, quand d'autres échouent. C'est sur ce dernier aspect que j'aimerais progresser car ce qui a fini par m'agacer est la réaction de l'entourage face à un échec d'un membre de leur société dans une tentative qu'il entreprend. Lorsque cette entreprise est menée en secret, pour autant qu'on ait la possibilité que ce soit discret, et que l'échec de la tentative ne conduit pas à un désastre, il est possible d'essayer autrement, jusqu'à obtenir la formule adéquate au succès, pour autant qu'on ne se décourage pas. Mais si pour des raisons de nécessité vous réalisez vos expériences avec un témoin, celui-ci pourra avoir un avis encourageant ou au contraire totalement néfaste en vous démotivant. D'où peut bien provenir ce type de réaction ? Comment peut-on traiter l'audacieux d'imbécile et d'incapable s'il se rate ? Quel peut être la source de cet inconscient collectif nous voulant réussir à coup sûr ? Car il est alors assez clair d'imaginer les raisons des peurs et hostilités aux changements si en plus de l'échec on se met à risquer l'infamie, de se faire traiter de minable.
Au fil du temps il m'est apparu que des personnes que je rencontre « en vrai » (puisqu'à présent on peut aussi en rencontrer sur Internet) se comportent à la manière dont on prête aux animaux sauvages le mode de décision face à un nouvel être : est-ce dangereux ? est-ce utile ? comment s'en sert-on ? Cela me paraît optimiste de croire les animaux capable d'un calcul d'intérêt utilitariste en vue de maximiser leur profit et bien-être mais tout à fait possible chez l'homme. Celui ou celle qui échoue dans une tentative d'un profit ou meilleur-être serait donc mauvais en calcul. C'est l'individu qui n'est pas apte à s'occuper de lui-même et dont Aristote dit qu'il a meilleur compte à être l'esclave d'un maître. Il me semble aussi que cette forme « d'utilitarisme social » se retrouve dans les grosses structures avec une pyramide décisionnelle hiérarchique où on se méfie de ne rien faire qui se remarque négativement. Pourtant errer est supposé être le propre de l'homme, pourvu qu'il ne persévère pas s'il se trompe. Et on apprend souvent mieux de ses erreurs lorsqu'on en voit les conséquences. Cela permet ensuite de savoir prévoir le niveau de danger que l'on encourt, et de faire plus attention. Sans expérimentation point de découverte, aucune nouveauté, il n'y a plus rien à apprendre de neuf sur l'Univers. Or si une expérience rate ça peut être la simple faute d'un paramètre à changer, d'un réglage à établir différemment, et c'est pour cela qu'il faut des témoins pour avoir des idées que l'on a pas eu pour parvenir à ses fins. On ne peut se contenter d'expérimentateurs exceptionnellement doués, qu'il n'est pas possible de renouveler lorsqu'ils prennent leur retraite. Une intuition pour essayer autrement peut venir de n'importe qui.
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Guillaume
International Business Controller. Chercheur en Sciences de Gestion. Ingénieur Systèmes d'Informations. Archives
Mai 2022
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