J'aime bien parler des choses qui m'agacent dans ce pays. D'abord parce que c'est très français de râler pour exprimer ses désagréments, ensuite parce que je me donne une sorte de vocation, très orgueilleuse, d'éveiller certaines consciences. Je sais que c'est très risqué mais toute ma vie a été faite de prises de risques, et d'échecs, ce qui ne m'a pas empêché, comme l'a relevé ma fille, de vivre de super moments !
Il y avait dans Le Monde, le dimanche matin du second tour de la Présidentielle, un article qui s'étonnait que l'immigration n'avait finalement pas été un thème très débattu alors qu'il semblait central à la campagne. Cette article demandait s'il fallait « dénoncer haut et fort ces immigrants qui viennent chercher la Sécurité Sociale et les Allocations Familiales, et voler le travail aux français. » Je me suis alors dit « pas de bol les gars, c'est exactement pour cette raison que je suis revenu en France, mais dans mon cas c'est totalement légitime. » Néanmoins ça n'est pas pour autant que je m'y sens heureux, il m'y manque quelque chose. Et très franchement, j'ai vraiment le mal du pays, mais pas de celui de ma naissance. Et là de réaliser que dans tous les articles que je lis, on se place toujours du côté du pays hôte mais jamais du côté de l'immigrant. On dirait qu'il n'y a ni empathie ni compassion, comme si c'était un pays de psychopathes. Que les immigrants qui débarquent sont fabriqué en acier trempé par des usines étrangères. Et que s'ils ont choisi de venir, ils n'ont qu'à assumer totalement leur choix, tant pis pour eux. Oui, certes. Mais bon. Sommes nous des sauvages ? Se vouloir pays d'accueil, ou pas, c'est un choix. Mais si on le fait, comme le savent les professionnels du tourisme, il faut aussi dès lors assurer une qualité d'accueil, et donc montrer de la sympathie et aider à s'orienter dans les petites ruelles qui jonchent le pays. Or déjà, les obliger à faire la queue dehors pendant des heures, été comme hiver, par vents et marées, pour renouveler leur titre de séjour, il faut tout de même avouer que cela n'est pas très charitable. Les traiter comme des « citoyens de seconde classe » du fait qu'ils ne sont pas, justement, des citoyens du pays, question sens de l'humanisme c'est assez moyen. Essayons deux minutes de réfléchir à l'idée de « citoyen du monde, » cela pourra donner l'exemple et apaiser certaines tensions internationales plutôt dramatiques. L'immigrant ne vient pas avec des idées néfastes. Il a un projet. Il a pesé le pour et le contre et décidé de tout larguer pour tenter l'aventure. Comme le dit la Constitution américaine, il est « à la poursuite de son bonheur. » Il ne lui suffit pas de « faire son trou » pour y trouver sa « zone de confort, » tel un mulot dans un pré, mais pour être pleinement heureux il faut qu'il ait le sentiment de s'accomplir dans ce pays qui lui est étranger. Car psychiquement, si aujourd'hui on considère le mal du pays comme anodin, au point qu'on ne sait plus le traiter, au XIXème siècle on le prenait très au sérieux car il conduisait à la neurasthénie, voire au décès. La facilité des transports fait qu'il est aisé pour les ressortissants de pays assez limitrophes (bassin Méditerranéen) d'aller se ressourcer chaque année dans leur pays et y recharger leur batteries. Mais pour un originaire d'un pays plus lointain, comme l'Hémisphère Sud, c'est beaucoup plus compliqué car très onéreux. Donc finalement, d'un certain point de vue, qu'aimeront les souverainistes, il y a un relatif masochisme dans une migration. Mais le jeu en vaut la chandelle, surtout si on vit un cauchemar dans son propre pays. Au lieu de se demander s'il faut blâmer les immigrants, ne devrait on pas les admirer pour leur courage, puisque notre hymne national met cette qualité en exergue ?
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Guillaume
International Business Controller. Chercheur en Sciences de Gestion. Ingénieur Systèmes d'Informations. Archives
Mai 2022
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