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Les lois du marché du travail

30/4/2016

1 Commentaire

 
Il y a quelques jours je lisais une offre d'emploi qui me plaisait bien et indiquait un minimum d'expérience de 3 ans. Je me suis alors dit que c'était ennuyeux que les annonces n'indiquent pas un maximum d'expérience puisque ayant 7 ans sur le domaine demandé, pour 32 ans de carrière, j'ai eu peur d'être largement surqualifié par rapport aux attentes de l'employeur. Et puis aussi que si je postulais, celui-ci ne craigne que mes prétentions de salaires soient trop élevées car les travailleurs sont un peu comme les grands vins, ils se bonifient avec l'âge et les bouteilles millésimées coûtent plus cher que les crus récents.
De fil en aiguille je me suis demandé comment les théories économiques pouvaient bien intégrer la notion, dans un contexte d'économie de marché, que les « produits » (services dans ce cas) évoluent en qualité au fil du temps. Faisant une petite recherche sur internet, j'ai trouvé ici et là deux documents qui m'ont semblé être des supports de cours à l'intention d'étudiants en ressources humaines.

Et j'ai été assez ennuyé de ce que j'y ai lu pour plusieurs raisons.

La première est qu'elles sont majoritairement issues de l’œuvre de théoriciens américains ayant vécu il y a de nombreuses décennies. Si je concède qu'elles me paraissent parfaitement exactes dans leur contexte (culture et époque), il me semble qu'elles sont totalement dépassées pour la France du XXIe siècle.

La seconde est qu'elles suggèrent des parti-pris à l'égard des travailleurs qui font abstraction de leurs besoins, qu'ils soient vitaux, annexes ou moraux. L'employé y semble à mi-chemin entre un robot qu'on pourrait allumer et éteindre selon les besoins du marché, et un enfant qui aurait vocation à être tire-au-flanc et n'aspirer qu'à une vie de loisirs. Tous les adultes ne sont pas ainsi.

Et la troisième est qu'elle est enseignée à des jeunes gens qui n'ont pas forcément le recul et l'expérience nécessaire pour prendre ces théories avec les précautions que je viens de soulever. La jeunesse peut être prompte à la naïveté et à croire les enseignants sur parole.

Je vais essayer, si vous le voulez bien, de proposer un autre point de vue.

D’abord il y a fondamentalement deux catégories de chercheurs d’emploi : Ceux qui en ont déjà un et ceux qui sont au chômage.

Dans les deux cas, comme pour la vente de biens, il y a une notion de “prix de revient”. Ce seuil minimum s’exprime par la nécessité de satisfaire à des besoins : Se loger, se nourrir, se vêtir, se déplacer, assumer (financièrement) ses enfants. Même s’il existe des aides sociales, imaginer qu’on peut vivre facilement et heureux avec le RSA et les AF dans un HLM relève du fantasme ou de l’utopie communiste. Il faut admettre que les gens ont une sensibilité et un besoin de confort minimum. Un adulte désire pouvoir s’assumer financièrement et ne pas dépendre de “parents”, qu’ils soient réels ou institutionnels.

Ensuite il y a effectivement une nécessité de loisirs pour conserver son équilibre psychologique. Il y a des gens, beaucoup, qui aiment travailler et trouvent en plus dans le travail une certaine forme de “loisir” s’ils ont la chance de faire le métier qu’ils aiment et ont choisi. Néanmoins travailler 7j/7 est une aliénation, il faut non seulement se reposer mais aussi se distraire pour rester efficace et motivé. Pour financer ces “extras” de consommation par rapport aux besoins vitaux, on peut alors parler de prix minimum comme étant une “marge” appliquée sur le “prix de revient”.

Enfin il existe, comme pour les biens, une notion de prix de vente qui répond à une valorisation de ses diplômes, compétences et expérience. Sans aller dans les courbes de salaires en vigueur dans les grands groupes ou fonction publique, ça répond davantage à une notion d’estime de soi. Plus que de marge, on parlera ici de "goodwill".

De même qu’en automobile on trouve des voitures qui vont du low-cost au bolide italien de luxe, les travailleurs ayant investi beaucoup de temps en formation et acquis une longue expérience vont vivre avec beaucoup de frustration de devoir se “vendre” au prix du low-cost. Et ça n’est probablement pas une bonne stratégie car si les bolides italiens étaient vendus au prix du low-cost, il ne s’en vendrait probablement pas car trop chers à entretenir et trop compliqués à l’emploi. Quant à employer des salariés en les frustrant, ça n’est certainement pas la meilleure stratégie pour limiter les burn out et l’absentéisme.


Après se pose la question des volumes du marché. Si pour l’automobile la notion de prestige disparaissait et que les firmes de luxe italiennes étaient conduites à la faillite, ces entreprises cesseraient d’exister. Mais pour un particulier, la faillite personnelle est une situation dramatique, et la cessation d’existence inadmissible, sauf à légitimer un eugénisme économique et social.

Donc si l’employé en poste va tenter de réaliser une meilleure “marge” (argent ou “loisir” ou estime), ça n’est pas pour autant que le chômeur va admettre de baisser la sienne en dessous d’un seuil correspondant à son besoin d’équilibre, qu’il soit économique ou moral.
Dès lors imaginer le marché du travail en valeur selon une offre et une demande sans limites qui se rejoindraient pour un équilibre commercial reviendrait à denier autant les besoins humains que les gammes de produits. Le marché de l’emploi n’est plus régi par des commissaires-priseurs dans des bourses du travail. S’y ajoute un facteur d’irrationalité qui consiste à penser qu’un chômeur va avoir plus de mal qu’un employé débauché d’ailleurs à s’adapter à son nouvel emploi.

Et pour finir d'enfoncer le clou, un travailleur qui a la chance d'avoir réussi à valoriser, par une habile négociation, un goodwill satisfaisant et pérenne va pouvoir augmenter son niveau de confort et, peut-être, la taille de sa famille, donc convertir son goodwill en coût de revient supérieur. On est in fine aux antipodes des théories économiques néoclassiques qui veulent qu'une fois assuré un marché, on cherche à réduire les coûts de revient pour maximiser ses profits. Abandonneriez vous votre voiture pour prendre les transports en communs quand vous avez une promotion ?

Peut-être faudrait il inventer une théorie économique nouvelle plutôt qu'en enseigner qui soient démontables par un court raisonnement ?
1 Commentaire
Guillaume
2/5/2016 14:23:21

Lire aussi pour des informations récentes le document d'étude des résultats du PIAAC 2012
http://dares.travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/de_193_piaac-2.pdf
La rémunération est plus corrélée au niveau de numératie du salarié qu'à un potentiel équilibre de prix offre-demande. Sauf à considérer la numératie comme une marchandise...

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    Guillaume

    International Business Controller. Chercheur en Sciences de Gestion. Ingénieur Systèmes d'Informations.

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