Le mouton et le rebelle se définissent par rapport à une autorité. Mais il y a aussi un effet de clan, grégaire, qui fait que des troupeaux de moutons peuvent devenir ennemis entre eux. Les uns sont les rebelles des autres. Il y a aussi les anarchistes qui sont rebelles à toutes forme d’autorité, ce qui fait qu’ils maudissent les chefs d’entreprise, les employeurs, les banques, tous ceux qui peuvent avoir un contrôle sur eux. Car est dit mouton une personne docile, impressionnable, se laissant facilement conduire, berner ou déposséder. Il est alors facile pour un berger de la guider et c’est là le sens de l’autorité qui est apparenté en latin à l’auteur, celui à l’origine d’une réalité, et se dit en grec arkhi qui fait référence au principe, au commencement. D'où le mot monarchie lorsque l'autorité vient d'une seule personne, ou de hiérarchie lorsqu'elle prend la forme d'un organigramme apparenté aux classes des anges. Le rebelle se révoltant contre l’autorité, il refuse qu’un autre que lui initie les actes qu’il aura à mener. Par exemple les rebelles américains refusaient d’affranchir leurs esclaves. Mais l’autorité peut être plus subtile et le fait d’anti-philosophes, les adeptes de la philodoxie, qui veulent gouverner par influence sur les opinions, autorité soft power. L’opinion est la manière de penser sur un sujet, forme de point de vue, jugement pas nécessairement juste. En fabriquant les opinions on fabrique le consentement et on induit les actions. C’est là où le philosophe est une forme de rebelle pacifique car il va suivre une doctrine qui repose sur des dogmes. Le dogme est une proposition théorique tenue comme vraie. Mes ateliers visent à établir des dogmes. Il s’agit de fonder un système de pensée, une doctrine, de manière collégiale. Le choix d’être docile ou hostile doit donc découler d’une prise de conscience critique du discours qu’on vous tient, qui parfois est un ordre. A ce titre nous pouvons remarquer que l'empereur Domitien, régnant en monarque absolu, fit interdire les philosophes à Rome, dont Épictète. Épictète qui servit au philosophe « Alain » (1923) à dire « Avant d'apprendre à dire non, il faut apprendre à penser non. » Mais il y a aussi l’effet de groupe. Le rebelle isolé a peu de poids face à un groupe qui représente l’autorité et qui serait solidaire, principe de la brigade. Dès lors qu’on conteste l’opinion d’un groupe on en devient rebelle, et hostile si ce groupe cherche à vous isoler et prendre l’ascendant sur votre faction. Le facteur linguistiqueLa base de l’autorité, avant même les lois, passe par la langue, système vocal et écrit codé qui signifie des représentations d’idées. Car les lois sont ensuite discutées et rédigées et il importe que tout le monde les comprenne sans ambages pour que les droits puissent être respectés. Les philodoxes sont des experts pour manipuler la langue et susciter des émotions verbales, moyen par lequel ils exercent une autorité invisible. Cette langue doit donc t’elle être déterminée par le peuple qui l’emploie à sa guise ou par des linguistes experts qui fixent le sens des mots ? Ou encore doit-il cohabiter des significations différentes d’un mot avec des catégories de langage, littéraire, juridique, populaire, avec leurs dictionnaires respectifs ? Car à l’extrême on finit comme la langue créole avec un dialecte fait pour n’être compris que des initiés. C’est aussi ce qui se passe dans les entreprises avec les jargons de chaque métier. De plus pour le philosophe qui a besoin de raisonner avec logique, le sens des mots est essentiel pour que sa démonstration soit compréhensible et sans ambiguïtés, sans contradictions. Le fondement du peupleLe peuple cherche à s'assembler en état pour être plus efficace économiquement mais aussi sécuritairement. La collectivité permet de mobiliser des forces qu'un individu isolé ne peut combattre, que ce soit une armée ou des policiers. Elle peut donc lutter contre le brigandage sauf si les brigands sont si nombreux qu'ils peuvent instaurer un état à l'instar de l'État Islamique, une zone de non-droit où la collectivité locale était leur esclave. Ces brigands ne sont-ils pas alors des rebelles à l'autorité de l'état-collectivité ? Et leurs prisonniers ne sont-ils pas contraints à être leurs moutons ? C'est là où il faut savoir s'il faut briser ses chaînes et si cela conduira à poser des chaînes sur d'autres moins combatifs. Ou si au contraire une révolte pacifique peut être réalisée sans violence, avec fermeté, sans renoncement, n'étant que désobéissance aux instructions, sans dommage. Mais l'autorité n'acceptera pas sans broncher que les moutons soient enragés, en colère, manifestent. Sauf peut-être en France où les grèves et manifestations sont si courantes que l'autorité ne fait que les surveiller et punir les débordements. C'est presque le mouton qui est insolite dans ce pays. Faire sans autorité ?Comment alors résoudre cette équation d'une société homogène, avançant vers des objectifs communs, sans confier à quelques uns la direction, le fait de gouverner, de barrer le navire ? C'est un peu le système suisse avec les votations du peuple dès qu'une décision doit être prise, ruinant parfois des projets politiques convenus indispensables. Mais si ce genre de gouvernement réussit à gérer des peuples de quelques millions de citoyens, le pourrait-il encore avec plusieurs dizaines de millions de gens ? Devrions-nous avoir une fédération de régions autonomes ? Et que dire de cette autorité douce qui se sert de nos opinions pour obtenir nos consentements sans que nous pensions à questionner leurs objectifs profonds ? Le peuple n'a-t'il pas été terrorisé pendant le confinement alors que le risque épidémiologique a été traité plus légèrement par des pays comme la Suède sans avoir un taux de victimes nettement plus important ? Car la véritable autorité est devenu celle des experts, ce qui est sémantiquement une aristocratie, sans notre consentement. Qu'en est la liberté ?Pour Platon, Aristote et Hobbes, la liberté est le fait de ne pas être commandé, qu'on soit asservi chez les grecs, mis en esclavage, ou assujetti chez les anglais, obligé par un seigneur, contraint, ce qui est aliénant. Car l'homme libre (ou la femme) est jugé sur ses choix, répond de ses actes, rend des comptes à la société. S'il est soumis, obéit par la force, ou subjugué, qu'il a un maître, comment peut-il encore être responsable de ce qu'il fait ? Le mouton est donc amené à une irresponsabilité quand le rebelle ne veut pas rendre de compte à l'autorité qu'il conteste. Une société de liberté peut-elle donc tolérer l'un ou l'autre ?
Car le mouton n'est pas nécessairement aliéné, ça peut être dans son caractère d'être obéissant, tout comme le rebelle peut juste être dans une colère passagère, être aliéné. La problématique est de savoir lorsqu'on agit en étant étranger à soi-même, donc de bien se connaître. Γνῶθι σεαυτόν (Gnothi seauton) était-il écrit à Delphes, connais-toi toi-même. Car le rebelle, si c'est dans sa nature, qu'il ne veut rendre de comptes à personne, devient alors un bandit, un proscrit de la société, un hors la loi. Bernard Stiegler a commencé sa carrière par du banditisme... avant de se faire choper.
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Guillaume
International Business Controller. Chercheur en Sciences de Gestion. Ingénieur Systèmes d'Informations. Archives
Mai 2022
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