La situation de confinement a bouleversé les habitudes de relations sociale pour ceux et celles qui ont dû rester chez eux. Les télétravailleurs passent beaucoup de temps avec les outils de vidéo-conférence, et les autres se sont passés quelques coups de fil. Certains prophètes augurent donc que le retour à la normale transformera les relations humaines, mais l'humain a-t'il une telle capacité de se transformer en un délai si bref ? Quelques semaines de confinement ne sont pas les années 40-44 d'occupation. Le focus va porter sur la reprise de l'économie, l'exécution de contrats anciens ou nouveaux, avec sans doute une plus grande souplesse quant à la présence des « cols blancs » sur leur lieu de travail. Si les relations entre les personnes changent, il vaut mieux qu'un dialogue entre elles établisse les nouveaux codes sociaux plutôt qu'une tyrannie des uns impose ses vues aux autres. Les relations entre les êtresLe premier aspect est de savoir si ces êtres sont des sujets vivants et mortels, donc dotés d'une âme, ou des objets dont l'éventuelle animation est le fait de l'homme. Se posera alors la question de savoir si cet être est comestible, asservi, ou assujetti, commandé par un maître. Cette relation à un supérieur suit souvent les représentations induites par les religions, entre un Seigneur que l'on aime ou un Puissant que l'on craint (cas du polythéisme grec). Il y a aussi la métaphore du croquemitaine, menace cachée attendant son heure pour fondre sur sa proie. Mais si ces êtres sont pensants et respectueux des autres êtres, ils peuvent avoir convenu de coopérer, s'être même établis en organisation où chacun a sa fonction, et pourquoi pas avoir développé une affection l'un pour l'autre. Être parasité, exploité, peut être admis en échange d'une protection, d'une sécurité, ou finir par être banalisé du fait d'une domination qui sait apprendre à se faire obéir. Nous voyons donc se poser la question de l'égalité des droits entre ces êtres, et de leurs possibilités de communiquer entre eux pour s'entendre ou se commander, ou prier d'exécuter une tâche. En cela la communication entre êtres réels est plus simple qu'avec un être divin. Il peut y avoir la parole, l'écrit, l'image, ou le geste. Le handicap apparaît avec le degré de maîtrise qu'ont les interlocuteurs de ces quatre modalités, tant en émission qu'en compréhension, ainsi que dans leurs facultés de mémoriser les messages. Il n'est pas possible de dresser tous les êtres vivants à des habitudes.
Qu'est-ce que le dialogue ?Au départ c'est surtout des spectacles théâtraux mais Socrate va en faire un moyen de réflexion philosophique éthique, tel que Xénophon nous en donne des exemples, puis Platon va les perfectionner pour fonder la dialectique. Si nous suivons la définition qu'en donna Diogène Laërce, « le dialogue (de Platon) est un discours, où se mêlent questions et réponses sur un sujet philosophique ou politique, et qui tient compte du caractère propre des personnages qui interviennent avec une expression ornée. » Le besoin est d'établir ou réfuter une thèse qui contribue à une doctrine. Celle-ci peut porter sur des phénomènes sensibles ou des noumènes intelligibles, des idées. Les interlocuteurs doivent donc s'écouter mutuellement, et formuler des questions et réponses qui aient un sens, procèdent de déductions inductives soit par fait consécutif, soit par contradiction. Pour en savoir davantage, se reporter à Platon, l'âme et le bien de Martine Chifflot (ed. Publibook des écrivains). Au delà des réflexions éthiques de Socrate, les dialogues trouvent des applications multiples : médical pour établir un diagnostic, commercial pour connaître un besoin ou désir, social pour obtenir un consentement, administratif pour être en règle avec la législation, matrimonial pour se mettre d'accord sur des principes, ou simplement amical pour échanger des idées. Des difficultés apparaîtront dans une relation conflictuelle : il faudra tenir compte des droits de chacun, des charges qui incombent. Le conflit survient lorsque l'un se comporte en prédateur sur l'autre qui ne veut pas se laisser plumer. Il peut aussi y avoir une problématique lorsque la contestation fait obstacle à un progrès nécessaire. Le débat sur l'usage de l'hydroxychloroquine exemplifie les difficultés des gens à savoir dialoguer de manière collaborative et ressemble à un match sportif avec des supporters de chaque camp. Platon avait donc établi 8 types de dialogues et mis par écrit des exemples, sortes de pièces de théâtre, avec des personnages récurrents qui représentaient certaines positions intellectuelles. Ces types se regroupaient deux par deux en catégories. Les dialogues sur la nature et sur la logique étaient théoriques, ceux sur l'éthique et la politique étaient pratiques, théorie et pratique étant de l'ordre de l'exposition de doctrine. Pour les autres la maïeutique et la critique se voyaient comme de la gymnastique, tandis que le probatoire et le réfutatif étaient polémiques et destinés aux procès. Ces deux dernières catégories, gymnastique et polémique, étant de l'ordre de la recherche d'opinion. Cependant il y a un facteur qui joue entre deux interlocuteurs qui porte sur ce qu'ils savent, ou croient savoir, et ont envie d'apprendre à l'autre. Au lieu de tenter de chercher une opinion commune, l'un veut rallier l'autre à son opinion car il l'imagine indéfectible. Plutôt que douter de sa position et être dans un échange de questions et réponses, sa certitude le porte à exposer son dogme sans moyen pour l'autre de le dénoncer sans colère.
Les hic du dialogueSi les partisans de la « psychologie positive » pensent que tout le monde est bon et gentil, sauf s'il est méchant (ie. psychopathe), l'homme commun sait qu'il y a des cons et des imbéciles. Le 'con' étant ici défini comme incapable de l'empathie décrite par Jean Decety, et l'imbécile victime d'une pathologie (QI très bas) qui l'empêche de comprendre certaines notions. Établir avec eux un dialogue avec des questionnements visant à établir des opinions raisonnées peut nécessiter une dose de pédagogie et beaucoup de patience. C'est là où émotionnellement il faut être tempérant (vertueux), ce qui peut être stressant car finalement il y a « dérangement » mutuel. Le dialogue va amener à adopter un progrès dans les idées, à de nouvelles conceptions, et à s'engager différemment. Car avant d'avoir cette conversation ils étaient peut-être très heureux de leur sort et vous les remettez en cause. Il faut donc ne pas passer pour un « troll » à leurs yeux.
Une approche consiste alors à bien trier mentalement ce qui relève de notre opinion, d'avis que nous avons, de ce qui est une information objective, qui peut être elle-même l'opinion d'un tiers. C'est en cela que se démarquent les dialogues de type « exposition » de ceux de « recherche ». Et bien garder en tête que l'objectif est d'établir une théorie, telle que l'innocence ou la culpabilité d'un accusé. On se rend vite compte qu'on manipule beaucoup d'opinions et peu de phénomènes, ou d'idées. Puis il faut s'habituer à proposer des reformulations d'où il serait possible de tirer plus facilement des conséquences ou des contradictions. Souvent celles-ci sautent aux yeux et l'interlocuteur se reprend, vous en voulant parfois de votre singulière imbécilité. C'est pour cela que plus diplomatiquement on y préfère la question « que veux-tu dire ? »
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Guillaume
International Business Controller. Chercheur en Sciences de Gestion. Ingénieur Systèmes d'Informations. Archives
Mai 2022
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