Le Professeur Delassus, avec lequel Démocrite aurait peut-être dit que nous avons des atomes crochus, a publié un excellent article dans Manager Santé où il prône un management éthique, mais m'a donné l'impression qu'il traitait d'une ontologie sans s'adresser à elle. Comme un objet qu'il contemplerait qui n'aurait pas d'émotion à l'entendre parler de lui. Or si depuis avril je me suis exprimé comme un individu s'adressant à d'autres individus, avec un « vous » poli ou un « tu » amical, je pense que je dois commencer à m'adresser à des organisations, des êtres qui sont incarnés par petits bouts, et qui parlent en disant « nous ».
Mais c'est un exercice difficile, que ces êtres sont davantage habitués à faire en interne, et cela vient en général du haut, du « cerveau », mais aussi quelquefois de la « base » lorsqu'elle récrimine. Si moi, « individu économique » (libéral), je m'adresse à un représentant d'une organisation en employant un vous collectif, cela va passer aisément si c'est une requête, bien moins bien lorsque c'est une critique alors que je n'en suis pas une partie prenante. Pourtant ne suis-je pas, en tant que l'un de vos concitoyens économique, une potentielle partie prenante, surtout si je me propose de faciliter la résolution de vos problèmes ? De quoi souffres-tu O Noble Entreprise, quels sont tes tourments ? Donc pour y arriver je ne vois pas vraiment d'autre façon que Saint Paul aux Corinthiens, parler de « corps social » et « d'organes », même si le côté chirurgie vasculaire est un peu douteux. Car n'êtes vous vraiment qu'un « nœud de contrats », une « boite » ? N'avez-vous pas un désir que se tisse entre vos membres un lien de confrérie qui facilite votre intercommunication, votre coordination ? Car le mot collègue vient du latin collega qui est un « collègue dans une magistrature; compagnon, camarade ». Pourriez-vous craindre qu'une camaraderie porte atteinte à vos intérêts ? Evidemment diriger un groupe de camarades est un peu plus ardu que des individus séparés, ils peuvent se liguer contre leur manager. Mais en même temps un individu qui se sentirait isolé et en souffrance pour quelque raison se sentirait bien malheureux d'être privé d'entraide, ce qui le rendrait malade. Or si dans le corps d'un être vivant un organe est malade ou malheureux, c'est tout l'individu qui en souffre. Mais cela se sait grâce à un réseau de nerfs sensitifs interne, à une fonction qui n'est pas soumise à la direction, mais lui propage l'information sous l'aspect d'une douleur, aigüe ou chronique. Il ne vous suffit donc pas de seulement vous demander comment vous pourriez croître davantage, telle une plante dans un pot, mais de réaliser que vous n'êtes pas un être végétal, que vous avez des capacités sensorielles, intellectives, et motrices. En clair que votre âme se doit d'avoir une conscience, un sens des devoirs et responsabilités. Et que passer son temps à couper les branches qui poussent mal, ou se greffer des branches d'essence voisine qui sont vivaces, n'est peut-être pas ce que ferait un horticulteur voulant avoir un beau verger. Car que faites-vous du bois mort ? Des chômeurs ? Les gens qui sont venus me consulter, personnes physiques, avaient trois particularités : ils adorent ce que je raconte car ça les fait réfléchir (sic) et c'est vrai que je m'évertue à stimuler la partie intellective de leurs âmes (cf. De l'Âme d'Aristote) ; ils sont des amis, donc sémantiquement des gens avec lesquels nous avons un amour réciproque (philia) ; et ils étaient inquiets soit parce qu'ils entraient dans une disruption de carrière, soit parce qu'un problème (obstacle en grec) entravait leur progression. Je n'ai pas cherché à les soulager en les réconfortant mais en stimulant leur courage, qu'ils ne sombrent pas dans la lâcheté ou la témérité. Et puis à ce qu'ils se connaissent mieux eux-mêmes pour faire un inventaire de leurs forces et faiblesses, de leurs sources de joies et de peines, de leurs chances et de leurs malchances. Mais surtout de ce qu'ils savent et ignorent. Ensuite nous pouvons passer à la résolution de l'obstacle, ce que je ne fais pas seul mais en ateliers collectifs. Car lorsqu'on est coincé dans sa progression en solitaire, en s'y mettant à plusieurs avec des compagnons, on trouve plus facilement des solutions. En prime ces camarades découvrent une solution à un problème qu'ils rencontreront peut-être eux aussi un jour, ce qui fait qu'au bout du compte tout le monde est content de cet exercice qui leur apparaissait comme une petite corvée. Sachant que ce qui semble le mieux fonctionner est lorsque ces « penseurs » ne se connaissaient pas avant l'atelier. Ainsi ils s'expliquent entre eux ce qu'ils savent (ce qui me permet de prendre des notes), ils ne sont pas entravés par une culture commune qui présuppose des savoirs partagés, présomptions qui nuisent à la réflexion. Je suis convaincu qu'il est possible de transposer à des personnes morales les soutiens de l'âme que l'on sait apporter à des personnes physiques. Il faut juste une capacité d'abstraction pour que lorsqu'on a affaire à un représentant de celle-ci, on ne le prenne pas pour une personne physique en cet instant mais comme une voix d'un groupe de gens plus vaste, un porte-parole. D'ailleurs qui est en charge de la parole dans votre entreprise ? N'est-ce pas le service communication ? Et qui est en charge de l'écoute ? N'avez-vous pas une collection d'oreilles multiples ? Tout cela est-il bien cohérent ? Comment résolvez-vous le besoin d'unisson, d'orchestration ? Ce à quoi je vais donc m'atteler dans les mois qui viennent, à raison d'un article par mois, sera de concevoir comment vous, entreprise, pouvez être comme chacun de nous une âme incarnée. Ce qui signifiera que vous êtes vivante, sensible, émotive, que vous avez des joies et des peines, des plaisirs et des souffrances, que vous voulez croître et vous reproduire dans un but d'éternité. Car ce qui est frappant à entendre certaines d'entre vous parler, surtout par la voix de leur direction, c'est le côté « je sais tout ». Y'a t'il des entreprises qui comme Socrate diraient « la seule chose que je sais, c'est que je ne sais rien » ? Une telle communication serait-elle permise ? N'est-il donc pas permis aux entreprises de douter d'elles-mêmes ? Or cela pourrait-il être la cause que 50% de celles qui naissent meurent dans les 3 ans, telle une mortalité infantile écrasante ? Une trop grande certitude de soi-même...?
1 Commentaire
29/8/2018 15:43:24
Regarder dans la foulée cette présentation de Ghislain Deslandes qui s'ensuit dans l'idée :
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Guillaume
International Business Controller. Chercheur en Sciences de Gestion. Ingénieur Systèmes d'Informations. Archives
Mai 2022
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